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06/06/2023 | FRANCE | N°22NC02652

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juin 2023, 22NC02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2201472 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de

E... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 26 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Boia, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2201472 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de

E... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Boia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de E... ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 11 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- les documents d'état civil qu'il a présentés au soutien de sa demande ne sont pas falsifiés et sont authentiques ;

- en cas de doute sur l'authenticité de ces documents, le préfet était tenu de saisir les autorités congolaises ; en s'abstenant de saisir ces autorités tout en réfutant le caractère authentique des documents fournis, le préfet a commis une erreur de droit ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il est établi que ses parents sont décédés et il a fait preuve de sérieux dans la formation professionnelle suivie, compte tenu de la situation dans laquelle il se trouvait alors.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais, déclare être né le 30 octobre 2003 et être entré sur le territoire français en août 2019. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance du juge des enfants du tribunal pour enfants de E... du 7 juillet 2020, puis par un jugement du tribunal pour enfants de E... du 30 septembre 2020. Le 7 janvier 2022, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mai 2022, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. C... fait appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de E... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun aux différentes décisions :

2. Par un arrêté du 4 avril 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Marne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les mesures prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

5. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". En vertu de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Par ailleurs aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger, " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

6. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

8. M. C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif du 27 juin 2019 du tribunal des enfants de D.../B..., qui retient que l'intéressé est né le 30 octobre 2003, un certificat de non-appel, mais également un acte de naissance et un extrait d'acte de naissance portant retranscription de ce jugement supplétif. Pour juger que ces actes étaient dépourvus de force probante, le préfet se réapproprie les critiques émises par un rapport de la police aux frontières du 11 mars 2022, et qui tiennent, après avoir constaté l'absence de légalisation et l'absence de garantie offerte par le papier utilisé et la méthode d'impression retenue, à ce que des informations non mentionnées dans le jugement se retrouvent pourtant dans l'acte de naissance et sa copie. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de l'acte de naissance et de l'extrait de l'acte de naissance que, pour compléter les informations, notamment celles relatives aux parents de l'intéressé, l'officier d'état civil ayant rédigé l'acte de naissance a pris en compte non seulement les éléments présentés par le jugement supplétif mais également les déclarations de la grand-mère du requérant, qui était venue assurer la retranscription du jugement dans le registre d'état civil. Dans ces conditions, en dépit de l'absence de légalisation des documents présentés au préfet et de la qualité ordinaire du papier et de l'impression, le préfet ne pouvait pas rejeter la demande de titre de séjour de ce dernier sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que le requérant ne justifiait pas de son identité et de son âge par les documents d'état civil produits.

9. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet a également rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de circonstances relatives à la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé et notamment ses résultats insatisfaisants dans la formation suivie. Or, il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui ne justifie pas ne plus disposer de liens au Congo, où réside sa grand-mère, a, après avoir effectué une année de seconde qui peut être regardée comme acceptable lors de l'année scolaire 2020/2021, obtenu des résultats considérés comme passables au cours du premier semestre de sa première année de certificat d'aptitude professionnel (CAP) en commerce. Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'intéressé a notamment présenté d'importants problèmes d'assiduité et de comportement, qui ont abouti à l'envoi à l'intéressé d'une lettre d'avertissement. Par ailleurs, les résultats scolaires de M. C... ne se sont pas améliorés par la suite et ce dernier a finalement dû redoubler sa première année de CAP. Si le requérant fait valoir que ses mauvais résultats sont liés au fait qu'il a dû quitter son hébergement et qu'il n'a retrouvé qu'un logement situé à plus de cent kilomètres de ses lieux de formation, il n'apporte aucun élément justificatif en ce sens. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur ce dernier motif. Le requérant n'est dès lors pas fondé à solliciter l'annulation de la décision portant refus de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui n'était présent en France que depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté litigieux, est célibataire et sans enfant. Il ne justifie, en outre, pas d'attaches familiales ou personnelles sur le territoire français. Ainsi, en dépit de la formation suivie et de la conclusion d'un contrat d'apprentissage, la décision par laquelle le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. M. C... n'est ainsi pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de E... a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLa présidente,

Signé : G. HAUDIERLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02652
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : LE CAB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;22nc02652 ?
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