La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2023 | FRANCE | N°22NC02139

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juin 2023, 22NC02139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2200883 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 10 août 2022, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2200883 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2022, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 juillet 2022 ;

2°) de surseoir à statuer et transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité tirée de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 26 avril 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par un arrêt du 31 mars 2022 n° 21LY03504, 21LY03506, la cour administrative d'appel de Lyon a saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, d'une demande d'avis sur l'invocabilité de la circulaire NORINTK1229185C du 28 novembre 2012 ;

- le tribunal administratif aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur la demande de sursis à statuer qu'il avait présentée ;

- il remplissait les conditions prévues par la circulaire NORINTK1229185C du 28 novembre 2012 pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- cette circulaire était invocable et opposable à l'administration compte tenu des modalités de sa publication ;

- dans la décision du 26 avril 2022, le préfet du Doubs ne mentionne pas et ne vise pas les dispositions de cette circulaire précitée, la décision litigieuse est entachée d'un défaut d'examen complet et d'une erreur de droit ;

- au surplus, il remplit les conditions prévues par les dispositions des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, combinés à la circulaire NORINTK1229185C, pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- en considérant que cette circulaire n'était pas invocable, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- le préfet et le tribunal administratif ont commis une erreur de droit en refusant de l'admettre au séjour, alors qu'il justifie d'une activité professionnelle et que l'irrégularité de son séjour ne pouvait pas lui être opposée ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de visa long séjour ;

- en tout état de cause, il justifie de motifs exceptionnels pour être admis au séjour ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché la décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par deux mémoires, enregistrés les 11 et 31 août 2022, M. B... demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article L. 113-1 du code de justice administrative est contraire au principe d'égalité et notamment à l'article premier du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, aux articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aout 1789 ; ces dispositions créent une rupture d'égalité entre les justiciables en tant qu'elles ne prévoient pas que les autres juridictions administratives saisies de la même question doivent surseoir à statuer dans l'attente de l'avis du Conseil d'Etat ;

- ces dispositions sont également contraires au principe constitutionnel du droit à un recours effectif, garanti à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; dans la mesure où aucune disposition n'impose aux juridictions administratives de sursoir à statuer dans l'attente d'un avis du Conseil d'Etat qui est directement applicable à leur procédure, de nombreux justiciables se trouvent privés d'un potentiel moyen de droit ;

- ces dispositions sont applicables au litige en cours ; elles ne sont pas conformes à la Constitution ;

- la question soulevée n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 23 août 2022, le préfet du Doubs demande à la cour de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Il fait valoir qu'aucune des conditions nécessaires pour une telle transmission n'est remplie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- et les observations de Me Andreini pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant du Kosovo né en 1987, indique être entré en France au mois de septembre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 octobre 2015. Par un arrêté du 19 janvier 2016, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... n'a pas déféré à cette obligation. Par un arrêté du 12 octobre 2018, le préfet du Doubs a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour qu'il avait présentée et lui a, à nouveau, fait obligation de quitter le territoire français. M. B..., qui n'a pas déféré à cette obligation de quitter le territoire français, a présenté une nouvelle demande de titre de séjour, en se prévalant des dispositions des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, combinés à celles de la circulaire NORINTK1229185C. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par un jugement du 27 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions présentées par M. B... à l'encontre des décisions du 26 avril 2022 par lesquelles le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le Kosovo comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Par un jugement du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour. M. B... relève appel de ce dernier jugement.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". Selon l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai, par une décision motivée, sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. Par un arrêt du 31 mars 2022 nos 21LY03504, 21LY03506, la cour administrative d'appel de Lyon a saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L.113-1 du code de justice administrative, d'une demande d'avis sur l'invocabilité de la circulaire NORINTK1229185C du 28 novembre 2012. Le Conseil d'Etat a répondu à cette demande par une décision nos 462784, 462786 du 14 octobre 2022. M. B... reproche au tribunal administratif de Besançon de ne pas avoir sursis à statuer dans l'attente de cette décision du Conseil d'Etat et soutient que les dispositions de l'article L.113-1 du code de justice administrative, en tant qu'elles n'imposent pas un tel sursis, sont inconstitutionnelles.

5. Eu égard notamment à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat, la disposition contestée ne peut pas être regardée comme étant applicable au présent litige ou à la procédure. Par suite et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M. B....

Sur la régularité du jugement :

6. M. B... avait demandé au tribunal administratif de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat évoquée au point 4. Il reproche aux premiers juges de ne pas avoir sursis à statuer sur cette demande et de ne pas avoir répondu à ces conclusions.

7. Toutefois et en tout état de cause, ainsi que le reconnait M. B... lui-même, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au tribunal de surseoir à statuer. Par ailleurs, il n'était pas tenu de répondre expressément aux conclusions de M. B..., qui avaient été visées et qui relèvent de la mise en œuvre d'un pouvoir propre du juge.

8. Enfin, la circonstance que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreurs de droit est sans incidence sur la régularité du jugement et serait uniquement de nature à en affecter le bien-fondé.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

En ce qui concerne les moyens relatifs à l'invocabilité de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, tel qu'issu de la loi du 10 août 2018 : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / (...) ". Selon l'article R. 312-7 du même code, les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports mentionnés aux articles R. 312-3-1 à R. 312-9 de ce code ne sont pas applicables et leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés. En outre, " A défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées. ". En ce qui concerne les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat, l'article R. 312-8 prévoit qu'elles sont publiées sur un site relevant du Premier ministre.

10. D'autre part, l'article L. 312-3 du même code dispose que : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". L'article R. 312-10 du même code dispose que : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / Les circulaires et instructions soumises aux dispositions de l'article R. 312-8 sont publiées sur les sites mentionnés au premier alinéa au moyen d'un lien vers le document mis en ligne sur le site mentionné à ce même article ". L'article D. 312-11 du même code établit la liste des sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3. Il précise que : " Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables " ".

11. Il résulte de ces dispositions que le législateur a créé deux régimes de publication distincts des " instructions, (...) circulaires ainsi que [des] notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ". Le premier, prévu à l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, institue une obligation de publication de ces documents, dont les articles R. 312-3-1 à R. 312-9 déterminent les supports, sous peine de caducité dans un délai de quatre mois à compter de leur signature. Le second, prévu à l'article L. 312-3 du même code, subordonne le droit de se prévaloir de " l'interprétation d'une règle, même erronée " contenue dans l'un des documents mentionnés à l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat, à une publication particulière sur " des sites internet désignés par décret ". L'article D. 312-11 donne la liste de ces sites pour la mise en œuvre de cette condition ainsi prévue par la loi.

12. Les dispositions de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration instituent une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 reproduits ci-dessus, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

13. La décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 4 février 2015 Ministre de l'intérieur c/ M. D... C... a jugé que la personne en droit de prétendre à l'attribution d'un avantage prévu par un texte peut se prévaloir, devant le juge administratif, des lignes directrices publiées permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, mais qu'il en va autrement lorsque l'administration a défini des orientations générales pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit. Elle a jugé que la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comportait des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit, et que les intéressés ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour.

14. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 précité. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.

15. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

16. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... ne peut pas utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire.

En ce qui concerne les autres moyens :

17. Aux termes des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

18. Aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

19. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant d'édicter la décision litigieuse.

20. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait opposé à l'intéressé l'absence de visa long séjour pour lui refuser un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la demande de titre de séjour présentée par M. B... était également fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives au titre de séjour portant la mention " salarié " et qui conditionnent la délivrance dudit titre à la détention d'un visa de long séjour. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en lui opposant cette condition, le préfet aurait commis une erreur de droit. Par ailleurs, le préfet a pu légalement et pour ce seul motif refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

21. En troisième lieu, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte les conditions de séjour de l'intéressé pour décider de l'opportunité de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En quatrième lieu, le requérant soutient qu'il réside depuis de nombreuses années en France et qu'il exerce un emploi, en qualité de maçon en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2019 et, désormais, de manœuvre depuis le 3 janvier 2022. Toutefois, il ne disposait d'un contrat de travail que depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée et il constant qu'il n'a jamais obtenu d'autorisation de travail. Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si l'intéressé produit une enquête de Pôle Emploi sur les besoins de main d'œuvre dans le secteur du bâtiment en Franche-Comté, il n'est ni établi, ni même allégué que les employeurs successifs de l'intéressé auraient recherché en vain une personne susceptible d'occuper les emplois en cause. Par suite et compte tenu des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de

l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

23. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

24. Compte tenu des circonstances énoncées aux points précédents et alors que M. B... est célibataire et sans enfants à charge et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : E. MEISSELa présidente-rapporteure,

Signé : G. HAUDIERLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC02139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02139
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;22nc02139 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award