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06/06/2023 | FRANCE | N°22NC01610

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 juin 2023, 22NC01610


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête n° 2002254, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour du 6 décembre 2019.

Par une requête n° 2101492, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire fran

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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête n° 2002254, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour du 6 décembre 2019.

Par une requête n° 2101492, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.

Par un jugement commun n° 2002254, 2101492 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2022, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 septembre 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur le refus de titre de séjour :

- la décision méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- sa décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle n'est pas suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, est entré sur le territoire français selon ses déclarations en septembre 2018 et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Haut-Rhin, à compter du 25 octobre 2018 sous l'identité de M. A... B... né le 13 décembre 2002. Par un courrier du 6 décembre 2019 réceptionné le 10 janvier 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusée. Le requérant a renouvelé sa demande de régularisation de son droit au séjour par un courrier reçu par les services de la préfecture le 8 février 2021. Par un arrêté du 18 février 2021, le préfet a expressément refusé de délivrer un titre de séjour au requérant, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...). Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence ". L'article 9 du même accord stipule que : " " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 " Il résulte de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. L'article L. 412-1 susvisé qui subordonne de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, n'étant pas incompatibles avec l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui ne concerne que la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée, un préfet peut légalement refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié à un ressortissant marocain au motif qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour.

3. En premier lieu, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salariée, le préfet s'est fondé sur l'absence de visa long séjour et l'absence de contrat de travail visé par les autorités compétentes. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet pouvait en raison de l'absence de visa long séjour refuser de délivrer à M. B... une telle carte sans soumettre les autorisations de travail jointes à la demande de titre de séjour à l'examen de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

4. En deuxième lieu, il est constant que le préfet de Meurthe-et-Moselle a examiné la possibilité d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation de sa situation pour la délivrance d'un titre de séjour salarié. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le salarié se prévaut uniquement d'un stage de deux semaines effectué dans la restauration, d'une promesse d'embauche en date du 19 novembre 2019 en qualité d'apprenti au sein de l'entreprise " Moment Crêpe " et d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée établie par cette même entreprise le 1er octobre 2020 pour un poste d'employé polyvalent. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des possibilités de régularisation du séjour de M. B... en qualité de salarié.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans enfant en France et qu'il n'établit pas avoir tissé sur le territoire français de liens anciens, intenses et stables alors que par ailleurs il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où il a vécu la majorité de son existence. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit à son respect à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent et n'a, ainsi, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas dépourvue de base légale.

8. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6, la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. ". Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le préfet fixe le pays vers lequel sera reconduit l'étranger si celui-ci ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français, constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La motivation de cette décision ne se confond pas nécessairement avec celle de la décision obligeant l'étranger à quitter le territoire dont elle est distincte. Ainsi, l'administration demeure tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire d'une décision fixant le pays de renvoi.

11. En l'espèce, la décision contestée vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'absence de risques établis en cas de retour de l'intéressé dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée en droit comme en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC01610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01610
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;22nc01610 ?
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