La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2023 | FRANCE | N°21NC01386

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juin 2023, 21NC01386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... T... née P..., M. F... T..., M. B... G..., Mme K... T..., Mme E... G... née T..., agissant tant en son nom propre ainsi qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur D..., M. A... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur O..., M. Q... T... agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure H..., M. R... T... et Mme I... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représen

tante légale de ses enfants mineurs N..., S... et C..., ont demandé au trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... T... née P..., M. F... T..., M. B... G..., Mme K... T..., Mme E... G... née T..., agissant tant en son nom propre ainsi qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur D..., M. A... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur O..., M. Q... T... agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure H..., M. R... T... et Mme I... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs N..., S... et C..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'hôpital Nord Franche-Comté et son assureur, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à verser la somme de 1 903 841,12 euros à Mme J... T..., la somme de 6 999,99 euros à M. F... T..., la somme de 2 800 euros à chacun des quatre enfants de Mme J... T... et, enfin, la somme de 1 400 euros à chacun des huit petits-enfants de Mme J... T....

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'hôpital Nord Franche-Comté à lui verser la somme de 112 002,97 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1900868 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'hôpital Nord Franche-Comté à verser à Mme J... T... la somme de 930 997 euros, sous réserve du montant de 88 000 euros déjà versé à titre de provision, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 48 451, 20 euros. Le tribunal a également condamné cet établissement à verser la somme de 3 000 euros à M. F... T..., la somme de 2 100 euros à Mme E... T... au titre de ses préjudices propres et de ceux de son fils D..., la somme de 2 100 euros à M. A... T... au titre de ses préjudices propres et de ceux son fils O..., la somme de 2 100 euros à M. Q... T... au titre de ses préjudices propres et de ceux de sa fille, la somme de 2 800 euros à Mme I... T... au titre de ses préjudices propres et de ceux de ses trois enfants et la somme de 350 euros chacun à M. B... T..., M. R... T... et Mme K... T.... Le tribunal a enfin condamné la CPAM de la Haute-Saône à reverser la somme de 13 534,96 euros à l'hôpital Nord-Franche-Comté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021 sous le n° 21NC01386, Mme J... T..., M. F... T..., Mme E... G..., M. D... G..., M. B... G..., M. A... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de son fils O..., M. Q... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille H..., M. R... T..., Mme K... T..., Mme I... T..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses trois enfants N..., S... et C..., représentés par Me Billing, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à Mme J... T... la somme de 2 074 299, 33 euros ;

3°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à M. F... T... la somme de 6 999, 99 euros ;

4°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à Mme E... T... la somme de 2 800 euros ;

5°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à M. A... T... la somme de 2 800 euros au titre de ses préjudices propres et la somme de 1 400 euros au titre des préjudices subis par son fils O... ;

6°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à M. Q... T... la somme de 2 800 euros au titre de ses préjudices propres et la somme de 1 400 euros au titre des préjudices subis par sa fille H... ;

7°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser à Mme I... T... la somme de 2 800 euros au titre de ses préjudices propres et la somme de 4 200 euros au titre des préjudices subis par ses trois enfants N..., S... et C... ;

8°) de condamner solidairement l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à verser la somme de 1 400 euros à M. R... T..., à Mme K... T..., à M. B... G... et à M. D... G..., chacun ;

9°) de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM les entiers dépens et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- une première faute, liée à l'absence de pose d'un holter et de mise sous anticoagulant, est imputable tant à M. L..., cardiologue de la patiente, qu'à l'hôpital Nord Franche-Comté ; cette faute a causé une perte de chance à Mme J... T... d'éviter son accident de 70 % ; une seconde faute, commise dans la prise en charge de la patiente dans la nuit du 10 au 11 juillet 2013, est exclusivement imputable au centre hospitalier ; cette faute a également causé une perte de chance à Mme T... d'éviter son accident de 70 % ; dans un souci de cohérence avec ce qu'a retenu le juge judicaire et pour permettre une pleine indemnisation des préjudices subis, il peut être considéré que ces deux fautes ont entrainé, pour Mme J... T..., une perte de chance globale de 70 % et que les préjudices subis sont imputables pour deux tiers à l'hôpital et pour un tiers à M. L... ;

- Mme J... T... a besoin d'une assistance quotidienne à raison de 6 heures actives, de 6 heures de présence occupationnelle diurne et de 12 heures de présence humaine complémentaire ; en retenant un taux horaire de 16 euros pour les heures actives et occupationnelles et un taux horaire de 14 euros pour les heures de présence humaine, elle doit bénéficier d'une somme de 266 920 euros au titre du préjudice subi jusqu'à la consolidation de son état de santé ; au regard de la réévaluation des taux horaires à compter du 1er septembre 2019 et du taux de rente viagère, elle doit bénéficier d'une somme de 2 810 397,02 euros en raison de ses besoins futurs en tierce assistance ;

- elle a subi un déficit fonctionnel total pendant 145 jours et un déficit fonctionnel à hauteur de 90 % pendant 742 jours, de sorte qu'elle doit bénéficier d'une indemnité de 24 384 euros en raison du déficit fonctionnel temporaire connu ;

- les souffrances endurées, qui sont évaluées à 6 sur une échelle de 7 par l'expert, doivent être indemnisées à hauteur de 50 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire subi, qui est évalué à 5 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 8 000 euros ;

- eu égard aux préconisations de l'ergothérapeute consulté, elle doit pouvoir acquérir un set de table antidérapant, un fauteuil de confort, un kit de propulsion électrique pour fauteuil roulant, un abattant de WC japonais, une barre d'appui relevable, un véhicule aménagé pour permettre l'accès d'un fauteuil roulant ; elle doit aussi pouvoir réaliser des travaux pour la mise en place d'un mini-ascenseur, d'un dépose baignoire et d'une cabine de douche adaptée et elle doit enfin poser du linoléum sur 100 m² ; elle doit bénéficier de la somme de 76 433 euros pour l'ensemble de ces biens et travaux ;

- elle subit un préjudice fonctionnel permanent de 85 %, qui doit être indemnisé à hauteur de 255 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent connu, évalué à 5 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ;

- son préjudice sexuel doit être indemnisé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros ;

- au regard de l'ensemble de ses préjudices, du taux de perte de chance et de la part imputable de ces préjudices imputables au centre hospitalier, l'hôpital doit être condamné à lui verser la somme de 2 074 299,33 euros, dont il conviendra de déduire la provision de 88 000 euros déjà versée ;

- M. F... T..., mari de la victime, doit bénéficier d'une somme de 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral, ainsi qu'une somme de 5 000 euros en raison de son préjudice sexuel ;

- chacun des quatre enfants de la victime doit bénéficier d'une somme de 6 000 euros au titre de leur préjudice moral;

- chacun des petits-enfants de la victime doit bénéficier d'une somme de 3 000 euros en raison de leur préjudice moral.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 2 février 2022, l'hôpital Nord Franche-Comté et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête des consorts T..., ainsi que des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de

la Haute-Saône.

Ils font valoir que :

- Mme T..., tout comme les autres requérants ne sont pas recevables à solliciter, en appel, une somme supérieure à celle sollicitée en première instance ;

- ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le manquement du docteur L... et les différents manquements imputés au centre hospitalier ont causé à Mme J... T... une perte de chance de 70 % d'éviter l'accident vasculaire cérébral connu ; les préjudices imputables à cet accident sont imputables pour moitié à M. L... et pour moitié au centre hospitalier ;

- le centre hospitalier Nord Franche-Comté et la SHAM ne peuvent être condamnés à réparer les préjudices des consorts T... qu'après déduction des aides reçues, ainsi que des indemnités perçues à la suite de la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance de Paris ;

- l'indemnisation due au titre de la tierce assistance doit être calculée à partir d'un tarif horaire calqué sur celui du SMIC ; la somme accordée par le tribunal n'est pas insuffisante ; pour le futur, il ne saurait être accordé une somme capitalisée à Mme T..., mais uniquement une rente, qui devra être suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement de Mme T... ;

- les sommes allouées par les premiers juges pour les autres postes de préjudices ne sont, eu égard à l'âge de la victime, pas insuffisantes ;

- les sommes accordées au mari, aux enfants et aux petits-enfants de la victime sont suffisantes ;

- la caisse n'est pas recevable à solliciter une somme supérieure à celle demandée devant les premiers juges ;

- Mme T... était porteuse d'une pathologie mitrale congénitale avec un rétrécissement mitral gauche et son état aurait nécessairement justifié une hospitalisation indépendamment de tout manquement dans sa prise en charge ; la CPAM ne peut pas solliciter le remboursement des frais d'hospitalisation, ainsi que des frais de santé et de transports liés à l'état de santé initial de Mme T..., or, l'attestation d'imputabilité versée ne permet pas de s'assurer que les débours dont le remboursement est sollicité sont en lien avec le manquement reproché ;

- ils s'opposent à toute capitalisation des frais de santé futurs à verser à la CPAM ;

- la somme accordée à la CPAM par les premiers juges n'est pas insuffisante.

Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021, la CPAM de la Haute-Saône, représentée par Me Fort, demande à la cour :

1°) de condamner l'hôpital Nord Franche-Comté à lui verser la somme de 240 006,37 euros au titre des remboursements de ses débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa première demande de paiement, à laquelle il faudra non seulement appliquer le taux de perte de chance et le taux de partage de responsabilité, mais également déduire la provision de 53 791 euros déjà versée par le centre hospitalier ;

2°) de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle a engagé des débours à hauteur de 240 006,37 euros et doit pouvoir obtenir l'indemnisation des sommes engagées, après prise en compte du taux de perte de chance, du taux de partage de responsabilité entre le centre hospitalier et M. L... et, enfin, de la provision de 53 791 euros déjà versée.

Par une ordonnance du 16 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2022.

La CPAM de la Haute-Saône a produit un mémoire, enregistré le 12 mai 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Dans le cadre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la cour a sollicité, par un courrier du 29 mars 2023, la production par les consorts T... des éléments complémentaires concernant les aides qu'ils ont pu percevoir et l'existence d'un recours contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 26 novembre 2018.

Les consorts T... ont produit, en réponse à cette demande, des pièces enregistrées le 3 avril 2023. L'instruction n'a été rouverte qu'en ce qui concerne les pièces ainsi communiquées.

L'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM ont présenté des observations, enregistrées le 7 avril 2023, sur les pièces ainsi produites.

II. Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021 sous le n° 21NC01635, et un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021, la CPAM de la Haute-Saône, représentée par Me Fort, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'hôpital Nord Franche-Comté la somme de 13 534,46 euros ;

2°) de condamner l'hôpital Nord Franche-Comté à lui verser la somme de 30 211, 22 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de sa première demande de paiement ou, si la cour venait à faire droit aux conclusions présentées par les consorts T... dans le dossier n° 21NC01386 et modifier le quantum de responsabilité retenu par les premiers juges, de condamner l'hôpital à lui verser la somme de 240 006,37 euros au titre des remboursements de ses débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa première demande de paiement, mais à laquelle il faudra non seulement appliquer le taux de perte de chance et le taux de partage de responsabilité, mais aussi déduire la provision de 53 791 euros déjà versée par l'hôpital ;

3°) de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle a engagé des débours à hauteur de 240 006,37 euros ;

- en prenant comme référence cette somme et après prise en compte du taux de perte de chance, du taux de partage de responsabilité entre le centre hospitalier et M. L... retenus par les juges et enfin de la provision de 53 791 euros déjà versée, le centre hospitalier doit encore lui verser la somme de 30 211,22 euros ; si la cour venait à retenir un autre taux de perte de chance et un autre taux de partage de responsabilité, ces nouveaux taux devraient être appliqués à la somme de 240 006,37 euros pour déterminer l'indemnité à laquelle elle a droit ;

- en toute hypothèse, elle ne pouvait ainsi être condamnée à reverser une quelconque somme au centre hospitalier.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2022, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- la CPAM est irrecevable à solliciter une somme supérieure à celle de 30 211,22 euros demandée en première instance ;

- Mme T... était porteuse d'une pathologie mitrale congénitale avec un rétrécissement mitral gauche et son état aurait nécessairement justifié une hospitalisation indépendamment de tout manquement dans sa prise en charge ; la CPAM ne peut pas solliciter le remboursement des frais d'hospitalisation, ainsi que des frais de santé et de transports liés à l'état de santé initial de Mme T..., or, l'attestation d'imputabilité versée ne permet pas de s'assurer que les débours dont le remboursement est sollicité sont en lien avec le manquement reproché ;

- ils s'opposent à toute capitalisation des frais futurs à verser à la CPAM.

La requête a été communiquée à Mme J... T..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Billing représentant les consorts T... et de Me Goldnadel représentant l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. En raison de propos confus et de maux de tête, Mme T..., qui souffre d'une maladie mitrale congénitale, a été admise à l'hôpital Nord Franche-Comté dans la nuit du 10 au 11 juillet 2013. Si une migraine avec aura a initialement été diagnostiqué, la survenance d'un accident vasculaire cérébral a finalement été constaté au matin du 11 juillet 2013. Restant lourdement affectée par les conséquences de cet accident, Mme T... a recherché, devant le juge judiciaire, la responsabilité du cardiologue qui la suivait depuis des années en raison de sa maladie mitrale, M. L.... Par un jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a condamné l'assureur de M. L... à indemniser Mme T..., son époux, ses enfants et ses petits-enfants, au titre des préjudices subis du fait de la faute médicale commise par ce médecin dans le cadre de son suivi cardiologique. Ce tribunal a également condamné l'assureur du praticien à indemniser la CPAM de la Haute-Saône d'une partie de ses débours. Parallèlement, les consorts T... ont demandé au juge administratif la condamnation de l'hôpital Nord Franche-Comté à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis. Après avoir saisi, dans un premier temps, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, qui a condamné le centre hospitalier et son assureur à verser à Mme T... une provision de 88 000 euros, et à la CPAM de la Haute-Saône une provision de 52 736 euros, les consorts T... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'hôpital Nord Franche-Comté et son assureur à les indemniser de l'intégralité de leurs préjudices. Par un jugement du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'hôpital Nord Franche-Comté à verser la somme de 930 997 euros à Mme J... T..., sous réserve des 88 000 euros versés à titre de provision, ainsi qu'une rente d'un montant annuel de 48 451,20 euros. Le tribunal a également condamné ce centre hospitalier à verser la somme de 3 000 euros à M. F... T..., mari de la victime, la somme de 1 750 euros à chacun des enfants de la victime et la somme 350 euros à chacun des petits-enfants de la victime. Le tribunal a enfin condamné la CPAM de la Haute-Saône à reverser la somme de 13 534, 96 euros à l'hôpital Nord Franche-Comté. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, les consorts T... et la CPAM de la Haute-Saône font appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de l'hôpital Nord Franche-Comté :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en dépit de l'état de Mme T... lors de son arrivée, dans la nuit du 10 au 11 juillet 2013, à l'hôpital Nord Franche-Comté, aucun examen tomodensitométrique n'a été mené, alors que la symptomatologie évoquait un accident ischémique. Si la patiente a pu bénéficier d'un électrocardiogramme, cet examen a été mené près de deux heures trente après son arrivée et a donc été tardif. Les résultats de cet électrocardiogramme ont, de plus, révélé l'existence d'une arythmie avec bloc

aurico-ventriculaire et auraient ainsi dû, au vu de l'état de santé de Mme T..., imposer la réalisation d'examens complémentaires et surtout la mise en place d'un traitement anticoagulant. Pour autant, Mme T... n'a pas bénéficier d'autres examens, ni d'un traitement spécifique. Dans ces conditions, la prise en charge de Mme T... a été, ainsi que le souligne l'expert judiciaire, insuffisante et constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'hôpital Nord Franche-Comté.

3. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise judiciaire que, préalablement à l'accident survenu en juillet 2013, Mme T... a été hospitalisée en 2008 et en 2010 au sein de l'hôpital Nord Franche-Comté du fait de complications liées à sa pathologie mitrale congénitale. La survenance de ces complications aurait nécessairement dû conduire le centre hospitalier à prescrire à Mme T..., au vu de sa pathologie cardiaque, un traitement anticoagulant. En s'abstenant de prescrire un tel traitement, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la perte de chance :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise judiciaire que l'absence de prescription d'un traitement anticoagulant à Mme T..., en amont de son hospitalisation en juillet 2013, mais également peu de temps après son arrivée à l'hôpital Nord Franche-Comté dans la nuit du 10 au 11 juillet 2013, a fait perdre une chance à cette dernière d'éviter l'accident cardio-vasculaire connu. Il y a lieu de retenir que les fautes commises par l'hôpital Nord Franche-Comté, tant dans la prise en charge de la victime en amont des événements de 2013 que lors de ces évènements, ont fait perdre à Mme T... 70 % de chance d'éviter la survenance de l'accident dont elle a été victime.

Sur les agissements du docteur L... :

6. Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux.

7. Le comportement fautif de l'hôpital Nord Franche-Comté, qui a privé Mme T... d'une chance d'éviter l'accident vasculaire cérébral connu, portait normalement en lui le dommage au moment où il s'est produit. Il s'ensuit que, en dépit des mentions de l'expertise judiciaire et du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 26 novembre 2018, l'hôpital Nord Franche-Comté ne peut s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence d'une faute commise par le docteur L... à ne pas avoir imposé à sa patiente un traitement anticoagulant. Par suite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'y a pas lieu de limiter la responsabilité du centre hospitalier en raison de l'existence d'une faute commise par le docteur L....

Sur les préjudices des consorts T... et de la CPAM de la Haute-Saône :

En ce qui concerne l'augmentation des sommes demandées en appel :

8. Dans le cas où le litige a trait à un dommage, qui trouve sa cause dans plusieurs fautes commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante et qui portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, il revient d'apprécier l'étendue des conclusions présentées par les victimes, ainsi qu'éventuellement par la caisse d'assurance sociale à laquelle ils sont affiliés, au regard du montant total de l'indemnisation demandée sans tenir compte de l'argumentation des victimes ou de la caisse sur un éventuel partage de responsabilité.

9. En premier lieu, Mme J... T... a évalué, devant les premiers juges, ses préjudices à une somme de 4 079 659,56 euros, à laquelle elle appliquait toutefois un taux de perte de chance de 70 %. Par suite elle doit être regardée comme ayant sollicité la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 2 855 761,92 euros. Mme J... T... évalue devant la cour ses préjudices à la somme de 4 444 928,30 euros à laquelle elle applique toutefois un taux de perte de chance de 70 % et doit ainsi être regardée comme sollicitant la condamnation de l'établissement de santé à lui verser la somme de 3 111 449,81 euros. L'indemnité sollicitée en appel est ainsi supérieure à celle demandée devant le tribunal administratif de Besançon. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette majoration des prétentions en appel résulte de l'indemnisation de préjudices qui sont nés, se sont aggravés ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance, les prétentions de Mme J... T... ne sont recevables que dans la limite de 2 855 761,92 euros.

10. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les demandes de M. F... T..., ainsi que des enfants et petits-enfants de Mme J... T... aient été majorées en appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doit être écartée.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la CPAM de la Haute-Saône a sollicité, devant les premiers juges, le remboursement de ses débours en se prévalant en dernier lieu du même décompte que celui sur lequel elle fonde ses demandes en appel et qui mentionne un montant de débours de 240 006,37 euros. Pour évaluer le montant de ses préjudices, la CPAM impute en appel, comme elle le faisait en première instance, un taux de perte de chance de 70 % à ce montant. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, la circonstance que la CPAM a, à tort, limité sa demande en retenant l'existence d'un partage de responsabilité entre le docteur L... et l'hôpital Nord Franche-Comté est sans incidence sur l'appréciation de l'étendue des conclusions qu'elle a présentées en première instance et en appel. La CPAM de la Haute-Saône n'a ainsi pas majoré ses demandes en appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doit être écartée.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices de Mme J... T... :

12. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que

celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires de Mme J... T... :

Quant aux dépenses de santé :

13. En premier lieu, Mme T... ne sollicite pas d'indemnisation au titre de ses dépenses de santé. La CPAM de la Haute-Saône justifie, en revanche, avoir versé, pour le traitement de la requérante avant la consolidation de son état de santé, le 14 décembre 2015, la somme de 63 921,90 au titre de frais hospitaliers, la somme de 18 670,86 de frais médicaux et, enfin, la somme de 1 085,13 euros en raison de frais pharmaceutiques, soit au total un montant de 83 677,89 euros. Contrairement à ce que soutient l'hôpital Nord Franche-Comté, il ne résulte pas de l'instruction qu'une partie de ces sommes seraient uniquement imputables à la pathologie initiale de la requérante et auraient été engagés indépendamment de toute faute. Après prise en compte du taux de perte de chance de 70 %, il y a lieu de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et à son assureur, la SHAM, la somme de 58 574,52 euros à verser à la CPAM de la Haute-Saône.

Quant aux frais divers :

14. Mme T... ne sollicite pas d'indemnisation au titre de ses frais divers. La CPAM de la Haute-Saône justifie, en revanche, avoir engagé, pour le traitement de la requérante, des frais d'appareillage à hauteur de 4 318,99 euros, ainsi que des frais de transports pour un montant de 2 182,20 euros. Ces frais sont en lien avec le comportement fautif de l'établissement de santé, de sorte qu'il y a lieu, eu égard au taux de perte de chance retenu, de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de la SHAM la somme de 4 550,83 euros à verser à la CPAM de la Haute-Saône.

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

15. L'accident vasculaire cérébral a engendré d'importantes séquelles, soit notamment une paralysie faciale, une hémiparésie droite et une aphasie marquée. Au regard des troubles connus par Mme T... à la suite de son accident, l'expert judiciaire nommé par le tribunal de grande instance de Belfort a évalué ses besoins d'assistance par une tierce personne à hauteur de six heures actives, six heures occupationnelles et douze heures à titre de surveillance par jour. Sur la base d'un besoin d'assistance à raison de vingt-quatre heures par jour, d'un montant horaire de 13,5 euros pour cette assistance et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de Mme T... lié au besoin d'une tierce assistance entre le 31 octobre 2013, date de sa sortie d'hôpital, et le 14 décembre 2015, date de consolidation de son état, peut être évalué à 271 730,37 euros, en prenant en compte ses hospitalisations du 18 au 21 mars 2014 et du 16 novembre au 14 décembre 2015. Eu égard au taux de perte de chance retenu et dès lors que la victime n'a reçu aucune prestation ayant pour objet la prise en charge de ces frais sur cette période, Mme T... doit bénéficier d'une indemnité de 190 211,26 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux dépenses de santé futures :

16. En premier lieu, en dépit de la consolidation de l'état de santé de Mme T..., cette dernière continue à présenter des troubles de santé importants en lien avec son accident vasculaire cérébral. A ce titre, si Mme T... ne sollicite pas d'indemnisation au titre de ses dépenses de santé futures, la CPAM de la Haute-Saône justifie avoir engagé, à la suite de la consolidation de l'état de santé de la victime et jusqu'au 4 septembre 2017, des frais médicaux à hauteur de 3 437,42 euros et des frais pharmaceutiques de 1 037,87 euros, soit une somme totale de 4 475,29 euros. Il résulte de l'instruction et notamment du décompte des débours et justificatif des frais les plus récents, versés par la CPAM avant la clôture d'instruction, qu'elle a également engagé, après le 4 septembre 2017, des frais médicaux annuels à hauteur de 4 704, 84 euros et des dépenses pharmaceutiques d'un montant annuel de 761,76 euros, de sorte qu'elle a engagé, sur la période entre le 4 septembre 2017 et la date de lecture du présent arrêt, des dépenses de santé de 31 487,62 euros. Les frais de santé engagés par la CPAM entre la date de consolidation de l'état de Mme T... et la date du présent arrêt peuvent être fixés à la somme totale de 35 962,91 euros. Il y a lieu, eu égard au taux de perte de chance retenu, de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de la SHAM la somme de 25 174,03 euros à verser à la CPAM de la Haute-Saône.

17. En second lieu, il résulte de l'instruction que la CPAM de la Haute-Saône devra engager des frais de santé postérieurement à la mise à disposition du présent arrêt, à hauteur de 4 704, 84 euros annuels au titre de dépenses médicales et de 761,76 euros annuels à titre de dépenses pharmaceutiques, soit pour un total annuel de 5 466,60 euros. Dans la mesure où l'hôpital Nord Franche-Comté s'est opposé au remboursement de ces prestations sous la forme d'un capital, une rente doit être octroyée. Par suite, il y a lieu d'accorder une rente à la CPAM de la Haute-Saône d'un montant annuel de 3 826,62 euros pour prendre en compte le taux de perte de chance. Cette rente, qui sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, ne sera cependant versée que sous réserve de la justification de l'engagement effectif de ces frais futurs.

Quant aux frais de logement adaptés :

18. Mme T... justifie, notamment par la production d'une étude d'un ergothérapeute, de la nécessité de l'acquisition d'un set antidérapant pour un montant de 15 euros, d'un fauteuil de confort releveur électrique d'un montant de 789 euros, d'un kit de propulsion pour fauteuil roulant, dont 1 184 euros du coût d'acquisition ne sont pas pris en charge par la CPAM, d'un abattant de toilettes japonais d'un coût de 99 euros et d'une barre d'appui d'un montant de 186 euros. De plus, il n'est pas contesté par

l'hôpital Nord Franche-Comté que Mme T... doit engager des frais d'aménagement de son logement d'un montant de 48 800 euros.

19. La CPAM de la Haute-Saône établit, notamment par la production d'un décompte de débours et d'une attestation d'imputabilité, qu'elle a engagé des frais d'appareillage entre la consolidation de l'état de la victime et le 4 septembre 2017 à hauteur de 2 810,74 euros. Ces frais sont en lien avec l'accident de la victime. De plus, il résulte également de l'instruction que la CPAM a également engagé, après le 4 septembre 2017, des frais d'équipements annuels d'un montant de 2 978,39 euros, notamment pour l'acquisition et le renouvellement d'une chaise percée, d'ustensiles de cuisine adaptés, d'un lit médicalisé, de sangles, d'un soulève malade ou encore d'un fauteuil roulant. Ainsi, elle a engagé, sur la période entre le 4 septembre 2017 et la date de lecture du présent arrêt, des frais d'un montant total de 17 155,53 euros. Enfin, il résulte de l'instruction que pour la période postérieure au présent arrêt, les séquelles dont est atteinte Mme T... impliqueront, pour la CPAM, le renouvellement d'aides techniques indispensables à la victime, tel qu'une chaise percée, des ustensiles de cuisine adaptés, un lit médicalisé, des sangles, un soulève malade ou encore un fauteuil roulant. Ces différents frais peuvent, eu égard aux différentes périodicités de ces renouvellements, être évalués à un montant annuel de 2 978,39 euros. En retenant un coefficient de 16,099 soit le coefficient de capitalisation, selon le barème de la Gazette du palais de 2022 pour une femme de 73 ans, le montant des frais engagés par la CPAM de la Haute-Saône après la mise à disposition du présent arrêt peut être évalué à la somme de 47 949,10 euros.

20. Il résulte de ce qui précède que le préjudice total lié aux frais de logement peut ainsi être évalué à la somme de 118 988,37 euros. Eu égard au taux de perte de chance de 70 % retenu, seule la somme de 83 291,86 euros peut être mise à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté. Cette somme doit être attribuée par préférence à la victime compte tenu de ce qui précède. Ainsi, cet établissement et son assureur doivent être condamnés à verser à Mme T... la somme de 51 073 euros et à verser à la CPAM le reliquat des sommes pouvant être mises à charge au titre de ce chef de préjudice, soit 32 218,86 euros. A ce titre,

l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM se sont opposés au remboursement sous la forme d'un capital des prestations que la caisse sera amenée à verser à l'avenir, de sorte qu'une rente doit être octroyée pour ces dépenses. Il y a donc lieu de condamner cet établissement à verser à la CPAM de la Haute-Saône la somme de 19 966,27 euros correspondant aux frais engagés par la caisse au jour du présent arrêt, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 2 978,39 euros correspondant aux frais futurs de la caisse. Cette rente, qui sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, ne sera cependant versée que sous réserve de la justification de l'engagement effectif de ces frais futurs et le montant des rentes ainsi versées ne pourra excéder 12 252,59 euros, soit le reliquat des sommes pouvant être mise à la charge de l'établissement de santé après prise en compte de l'indemnité à verser à Mme T..., ainsi que celle à attribuer à la caisse au titre des frais déjà engagés à la date de mise à disposition de l'arrêt.

Quant aux frais de véhicules adaptés :

21. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'ergothérapeute versé par la victime que les séquelles de l'accident de Mme T... rendent nécessaire l'acquisition d'un véhicule pouvant permettre l'accueil d'un fauteuil roulant, ainsi que l'engagement de frais pour l'aménagement de ce véhicule. Les coûts d'acquisition du véhicule et d'adaptation de ce dernier sont, au regard des précisions non contestées du rapport de l'ergothérapeute, de 25 360 euros. Il y a lieu, eu égard au taux de perte de chance de 70 % retenu, de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de la SHAM la somme de 17 752 euros à verser à Mme T....

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

22. En premier lieu, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes des dommages dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

23. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

24. En dépit de la consolidation de son état de santé, Mme T... continue à souffrir d'importantes séquelles liées à son accident et le rapport d'expertise judiciaire précise que ses besoins d'assistance demeurent, en dépit de la consolidation de son état, de six heures actives, six heures occupationnelle et douze heures à titre de surveillance par jour. Sur la base d'un montant horaire de 14 euros, prenant ainsi en compte l'augmentation du salaire minimum de croissance, d'un besoin d'assistance à raison de vingt-quatre heures par jour et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de Mme T... lié au besoin d'une tierce assistance entre le 15 décembre 2015 et le 6 juin 2023, date de mise à disposition du présent arrêt, est de 1 035 774,77 euros. Eu égard au taux de perte de chance retenu, la somme de 725 042,34 euros peut être mise à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté. S'il résulte de l'instruction que Mme T... a, sur cette même période, bénéficié d'une somme de 19 525,22 euros au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, la différence entre les besoins de tierce assistance de Mme T... sur cette période et le montant des aides perçus est supérieure à la part du préjudice susceptible d'être indemnisée par l'hôpital Nord Franche-Comté, de sorte qu'il peut être attribué la somme de 725 042,34 euros à Mme T... sans qu'elle bénéficie d'une double indemnisation.

25. En second lieu, il y a lieu, pour l'avenir, d'accorder à Mme T... une rente couvrant les frais d'assistance par tierce personne. Eu égard au besoin de tierce assistance de Mme T..., qui est de vingt-quatre heures par jour et en prenant en compte un montant horaire de 16 euros par jour eu égard à l'évolution du salaire minimum de croissance, ainsi qu'une année de 412 jours, le montant annuel des besoins d'assistance de Mme T... peut être évalué à 158 208 euros. Eu égard au taux de perte de chance retenu, une rente annuelle de 110 745,60 euros peut être mise à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté. S'il résulte de l'instruction que Mme T... percevra dans le futur, l'allocation personnalisée d'autonomie pour un montant annuel de 11 308,44 euros, la différente entre le montant annuel de son préjudice et le total annuel des aides perçus est supérieure à la part du préjudice susceptible d'être indemnisée par l'hôpital Nord Franche-Comté, de sorte qu'il doit être attribué une rente annuelle de 110 745,60 euros à Mme T.... Cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. En cas d'évolution du montant des prestations ou des besoins de Mme T..., l'augmentation, la réduction ou la suspension de la rente sera exécutée sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires de Mme J... T... :

26. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal de grande instance de Belfort que Mme T... a connu, entre son accident vasculaire cérébral et la date de consolidation de son état de santé, soit le 14 décembre 2015, d'importants troubles imputables à cet accident. Ces troubles ont induit des périodes de déficit fonctionnel temporaire du 10 juillet au 31 octobre 2013, du 18 au 21 mars 2014 et du 16 novembre au 14 décembre 2015, mais également une période de déficit fonctionnel temporaire partiel, qui doit être évaluée à un taux de 90 % au vu des troubles alors connus sur l'ensemble des autres périodes séparant l'accident de la consolidation de l'état de la victime. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme T... en l'évaluant à 20 euros par jour de déficit total, de sorte qu'il doit être évalué au total à la somme de 16 362 euros. L'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent ainsi lui verser, après prise en compte du taux de perte de chance, une indemnité de 11 453,40 euros.

27. En deuxième lieu, les souffrances endurées doivent être évaluées à 6 sur une échelle de 7, ainsi que l'a retenu l'expert mandaté par le juge judiciaire. Il sera fait une juste évaluation du préjudice subi en le fixant à 23 000 euros et cela quand bien même le tribunal aurait retenu que les souffrances endurées devaient être évaluée à une échelle de 5 sur 7. L'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent ainsi indemniser le préjudice subi par Mme T... à hauteur de 16 100 euros, après prise en compte du taux de perte de chance.

28. En troisième lieu, le préjudice esthétique temporaire de Mme T... doit être évalué à 5 sur une échelle de 7, ainsi que l'a retenu l'expertise médicale sollicitée par le juge judiciaire. Il sera fait une juste évaluation du préjudice subi en l'arrêtant à 8 000 euros. Ainsi, après prise en compte du taux de perte de chance, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent verser à Mme T... la somme de 5 600 euros au titre de ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents de Mme J... T... :

29. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise médicale sollicitée par le tribunal de grande instance de Belfort que Mme T... conserve, depuis la consolidation de son état de santé, un déficit fonctionnel permanent de 85 %. Compte tenu notamment de l'âge de Mme T... à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation de ce préjudice subi en l'estimant à 200 000 euros. Eu égard au taux de perte de chance, Mme T... est ainsi fondée à solliciter une indemnité de 140 000 euros à ce titre.

30. En deuxième lieu, eu égard aux séquelles que conserve Mme T..., son préjudice esthétique permanent doit être évalué à 5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 13 000 euros, de sorte que, après prise en compte du taux de perte de chance, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent verser à Mme T... la somme de 9 100 euros au titre de ce chef de préjudice.

31. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêt vasculaire cérébral a généré, pour la victime, un préjudice sexuel compte tenu de son impact sur son état de santé. Il sera fait une juste évaluation de ce poste de préjudice en l'estimant à 3 000 euros. Ainsi, après prise en compte du taux de perte de chance, Mme T... est fondée à solliciter une indemnité d'un montant de 2 100 euros.

En ce qui concerne le droit à réparation de Mme J... T... :

32. Il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.

33. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. L..., cardiologue, à verser des indemnités à Mme J... T..., son mari, ses enfants et petits-enfants et a retenu, à ce titre, qu'il avait commis une faute ayant entraîné une perte de chance d'éviter la survenance de l'accident cardiaque vasculaire de 70 %. Par suite, afin d'éviter une double indemnisation, il doit être limité les sommes mises à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de son assureur de telle sorte que l'indemnisation totale de chacune des victimes par les juges judiciaire et administratif n'excède pas 70 % du montant des préjudices réels subis par elle.

34. Il résulte des indications aux points 13 à 31 que Mme T... a subi, à la date de la mise à disposition de l'arrêt, des préjudices réels, dont doivent exclus les frais de santé, les frais divers et les frais de logement adaptés pris directement en charge par la CPAM de

la Haute-Saône, d'un montant de 1 627 774,92 euros. Il convient d'ajouter à l'évaluation du préjudice réel de Mme T... ses préjudices futurs réels, qui sont, en l'espèce, uniquement constitués par ses frais futurs d'assistance par tierce personne. A ce titre, les frais annuels d'assistance doivent, ainsi qu'il a été précisé en amont, être évalués à 158 208 euros, dont il revient toutefois de soustraire le montant annuel de l'allocation personnalisée d'autonomie, soit 11 308,44 euros. Les frais futurs d'assistance annuels réels de Mme T... peuvent être évalués à la somme de 146 899,56 euros. Après application à cette dernière somme d'un coefficient de 16,099, qui correspond au coefficient de capitalisation selon le barème de la Gazette du palais de 2022 pour une femme de 73 ans, soit l'âge de Mme T... à la date de mise à disposition du présent arrêt, le préjudice réel total de Mme T... doit être évalué à 3 992 710,93 euros. Par suite, le total des indemnités allouées par les juridictions judiciaire et administrative à Mme J... T... au titre de ses préjudices ne saurait excéder un montant de 2 794 897,65 euros, au regard du taux de perte de chance de 70 %. Il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement définitif, déjà accordé à Mme T... une somme de 890 974,16 euros, de sorte qu'il ne saurait lui être accordé, par le présent arrêt, une indemnité supérieure à 1 903 923,49 euros.

35. Ainsi qu'il a été précisé au point 25, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent verser à Mme T... une rente annuelle pour ses besoins futurs d'assistance par une tierce personne d'un montant de 110 475,60 euros. Après application à cette dernière somme du coefficient de capitalisation précitée de 16,099, le montant des rentes que doivent verser dans le futur l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doit ainsi être évalué à 1 778 546,68 euros. Ce montant est inférieur à la somme que l'intéressée peut se voir verser sans risque de double indemnisation. Toutefois, cet établissement de santé et son assureur doivent également indemniser les préjudices subis par Mme T... entre son accident et la date du présent arrêt. Afin d'éviter une double indemnisation, les indemnités versées à la victime au titre de ces préjudices doivent être limités à la somme de 125 376,81 euros, soit la différence entre l'indemnité dont la victime peut encore bénéficier après la prise en compte de l'indemnité accordée par le juge judiciaire et le montant total estimé des rentes, dont elle bénéficiera.

En ce qui concerne les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône :

36. Il Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par un jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. L..., cardiologue de Mme T..., à indemniser la CPAM de la Haute-Saône de ses débours engagés pour Mme J... T... et a retenu, à ce titre, que l'hôpital avait commis une faute ayant entraîné une perte de chance d'éviter la survenance de l'accident cardiaque vasculaire de 70 %. Par suite, afin d'éviter une double indemnisation, les sommes mises à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de la SHAM doivent être limitées, de telle sorte que l'indemnisation totale de la CPAM n'excède pas 70 % du montant des débours engagés par elle pour le compte de Mme T....

37. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de la Haute-Saône a engagé, à la date de mise à disposition du présent arrêt, des débours pour le traitement de l'accident de Mme T... et de ses suites d'un montant de 146 108,25 euros. Il convient d'ajouter à cette somme les dépenses de santé et les frais de logement dont elle devra s'acquitter après la mise à disposition de cet arrêt. A ce titre, en retenant un coefficient de 16,099 soit le coefficient de capitalisation, selon le barème de la Gazette du palais de 2022 pour une femme de 73 ans, soit l'âge de Mme T... à la date de l'arrêt, ainsi que des coûts annuels de 5 466,60 euros pour les dépenses de santé future et de 2 978,39 euros frais de logement futurs, le montant total des débours engagés par la caisse pour la prise en charge de l'accident de Mme T... et de ses suites doit être évalué à 282 064,15 euros. Ainsi, le total des indemnités allouées par les juridictions judiciaire et administrative à la CPAM au titre de ses débours ne saurait excéder un montant de 197 444,90 euros au regard du taux de perte de chance de 70 %. Il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement définitif, déjà accordé à la caisse une somme de 58 346,08 euros, de sorte qu'il ne saurait lui être accordé, par le présent arrêt, une indemnité supérieure à 139 098,82 euros.

38. Ainsi qu'il a été indiqué au point 17, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM devront versés à la CPAM de la Haute-Saône une rente annuelle pour les frais futurs de santé de Mme T... d'un montant de 3 826,62 euros. En appliquant à cette somme le taux de capitalisation de 16,099 précité, le montant total de l'indemnité accordée à la CPAM par le versement de cette rente doit être évalué à 61 604,76 euros. L'hôpital et son assureur doivent également verser à la CPAM une rente annuelle pour les frais de logements futurs de Mme T... d'un montant de 2 978,39 euros. Si, en appliquant à ce montant le taux de capitalisation précité de 16,099, il est ainsi obtenu un total de 47 949,10 euros, il résulte des précisions apportées au point 20 du présent arrêt que la CPAM ne pourra bénéficier d'une rente pour les frais de logement futurs que dans la limite d'un montant cumulé des rentes de 12 252,59 euros. Par suite, le montant des rentes que doivent verser dans le futur l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM à la CPAM de la Haute-Saône doit être évalué à 73 857,35 euros. Toutefois, cet établissement de santé et son assureur doivent également rembourser les débours déjà engagés par la caisse à la date du présent arrêt. Afin d'éviter une double indemnisation, les indemnités versées à la CPAM au titre de ces débours ne sauraient être supérieurs à la somme de 65 241,47 euros, soit la différence entre l'indemnité dont la CPAM peut encore bénéficier après la prise en compte de l'indemnité accordée par le juge judiciaire et le montant total estimé des rentes, dont elle bénéficiera.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices et le droit à réparation de M. F... T... :

39. En premier lieu, M. F... T..., époux de Mme J... T..., a subi du fait de l'accident de sa conjointe et des séquelles qu'elle conserve, un préjudice d'affectation, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 10 000 euros. Après prise en compte du taux de perte de chance, l'hôpital Nord Franche-Comté et la SHAM doivent verser à M. T... la somme de 7 000 euros au titre de ce chef de préjudice.

40. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. F... T... a également subi du fait de l'accident de sa conjointe et de ses suites, un préjudice sexuel, dont il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient fait une évaluation insuffisante en l'estimant à 1 500 euros. Ainsi, après prise en compte du taux de perte de chance, il doit lui être attribué une indemnité de 1 050 euros.

41. Il résulte de ce qui précède que M. F... T... a subi un préjudice d'un montant total de 11 500 euros. Au regard du taux de perte de chance de 70 % retenu, il doit en principe bénéficier d'une indemnité d'un montant de 8 050 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement définitif, déjà accordé à M. F... T... une somme de 3 499,99 euros. Il y a donc lieu de limiter l'indemnité due à M. F... T... par l'hôpital Nord Franche-Comté à la somme de 4 550,01 euros afin d'éviter une double indemnisation de ses préjudices.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices et le droit à réparation des enfants de Mme J... T... :

42. Mme I... T..., Mme E... T..., M. A... T..., M. Q... T..., enfants de Mme J... T..., ont tous subi un préjudice d'affectation, dont il sera fait une juste évaluation en le fixant à 5 000 euros pour chacun des enfants. Après prise en compte du taux de perte de chance, ils doivent donc chacun bénéficier d'une indemnité d'un montant de 3 500 euros.

43. Il résulte toutefois de l'instruction que le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement définitif, déjà accordé à chacun des enfants de Mme T... une indemnité d'un montant de 1 400 euros. Afin d'éviter une double indemnisation de leurs préjudices, l'indemnité due à chacun des quatre enfants de Mme J... T... doit être limitée à un montant de 2 100 euros.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices et le droit à réparation des petits-enfants de Mme J... T... :

44. M. R... T..., Mme K... T..., M. B... G... et M. D... G..., petits-enfants majeurs de Mme J... T..., ainsi que M. O... T..., Mme H... T..., M. N... M..., M. S... M..., M. C... M..., petits-enfants mineurs de la victime, ont subi un préjudice d'affectation qu'il y a lieu d'évaluer à un montant de 1 500 euros. Après prise en compte du taux de perte de chance, ils doivent donc chacun bénéficier d'une indemnité d'un montant de 1 050 euros.

45. Il résulte toutefois de l'instruction que le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement définitif, déjà accordé à chacune de ces personnes une indemnité d'un montant de 700 euros. Afin d'éviter une double indemnisation de leurs préjudices, l'indemnité due à chacun des petits-enfants de Mme J... T... doit être limitée à un montant de 350 euros.

En ce qui concerne les intérêts :

46. L'hôpital Nord-Franche-Comté doit indemniser la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône à hauteur de 65 241,47 euros au titre des débours qu'elle a engagés à la date du présent arrêt. Toutefois, il résulte de l'instruction que cet établissement de santé a déjà versé à la CPAM une provision de 52 736 euros. Ainsi, la CPAM est uniquement fondée à demander à ce que la somme de 12 505,74 euros soit augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2019, date d'enregistrement des conclusions présentées en ce sens devant les premiers juges.

Sur les frais d'instance :

47. La présente instance n'a pas généré de frais susceptibles d'être des dépens. Par suite les conclusions présentées par les consorts T... et relatifs au dépens ne peuvent qu'être rejetées.

48. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté et de la SHAM le versement aux consorts T... la somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cet hôpital versera également la même somme à la CPAM de la Haute-Saône, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser la somme de 125 376,81 euros à Mme J... T..., sous réserve de la provision de 88 000 euros déjà versée.

Article 3 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à Mme T... une rente annuelle de 110 475,60 dans les conditions mentionnées au point 25 du présent arrêt.

Article 4 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à M. F... T... la somme de 4 450,01 euros.

Article 5 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à Mme E... G... née T... la somme de 2 100 euros.

Article 6 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à M. A... T... la somme de 2 100 euros, ainsi que la somme de 350 euros en sa qualité de représentant légal de son fils O... T....

Article 7 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à M. Q... T... la somme de 2 100 euros, ainsi que la somme de 350 euros en sa qualité de représentant légal de sa fille H... T....

Article 8 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à Mme I... T... la somme de 2 100 euros, ainsi que la somme de 350 euros en sa qualité de représentante légale de N... M..., la somme de 350 euros en sa qualité de représentante légale de S... M... et la somme de 350 euros en sa qualité de représentante légale de C... M....

Article 9 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... G..., à M. D... G..., à M. R... T... et à Mme K... T... la somme de 350 euros chacun.

Article 10 : L'hôpital Nord-Franche-Comté est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône la somme 65 241,47 euros, sous réserve de la provision de 52 736 euros déjà versée.

Article 11 : L'hôpital Nord-Franche-Comté est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône une rente annuelle d'un montant de 3 826,62 euros dans les conditions précisées au point 17 du présent arrêt, ainsi qu'une rente annuelle de 2 978,39 euros dans les conditions mentionnées au point 20 du présent arrêt.

Article 12 : L'hôpital Nord-Franche-Comté et de la SHAM verseront la somme globale de 1 500 euros aux consorts T... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 13 : L'hôpital Nord-Franche-Comté versera la somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 14 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 15 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... T..., représentante unique, en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à l'hôpital Nord-Franche-Comté, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHAL

La présidente,

Signé : G. HAUDIERLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°s 21NC01386, 21NC01635 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01386
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : BILLING

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;21nc01386 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award