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01/06/2023 | FRANCE | N°22NC00397

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juin 2023, 22NC00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et les arrêtés du 6 juillet 2022 par lesquels la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le

territoire français pendant une durée de douze mois et l'a assigné à résident pendan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et les arrêtés du 6 juillet 2022 par lesquels la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois et l'a assigné à résident pendant une durée de quarante-cinq jours dans le département de l'Aube et l'a obligé à se présenter les mercredis, jeudis et vendredis à 13h au commissariat de Troyes.

Par des jugements n° 2101499 du 6 janvier 2022 et n° 2201553 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I./ Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été prise au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dans la mesure où il remplit les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où il a tissé des liens importants en France depuis son arrivée alors qu'il était encore mineur ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mai 2022, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2022.

II./ Par une requête, enregistrée le 20 août 2022, M. A..., représenté par Me Noudehou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation sous astreinte et dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination est insuffisamment motivé ;

- il a été établi au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où la préfète de l'Aube n'a pas saisi pour avis la structure d'accueil sur l'insertion en méconnaissance de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où il n'est pas démontré qu'il a été destinataire d'une demande d'observations en application des articles L. 121-1et L. 122 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle dans la mesure où la préfète de l'Aube n'a pas pris en compte toutes les pièces produites ;

- il est entaché d'une erreur de droit, puisqu'il remplit les conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il doit être annulé, par voie d'exception, dans la mesure où la décision portant refus de séjour méconnait l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où, entré en France alors qu'il était encore mineur, il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle agricole ;

- l'arrêté du 9 juin 2021 en tant qu'il refuse de l'admettre au séjour et l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulés en ce qu'ils méconnaissent le jugement en assistance éducative du juge des enfants du 28 septembre 2018 passée en force de chose jugée alors qu'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause son identité et sa date de naissance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire du 24 avril 1961 ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... déclare être né le 28 novembre 2002 à Bouake (Côte d'Ivoire) et être entré irrégulièrement en France en juin 2018. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube en juillet 2018. Par un courrier du 17 novembre 2020, M. A... a sollicité un titre de séjour en qualité de mineur isolé placé au service de l'aide sociale à l'enfance. Le préfet de l'Aube a refusé de l'admettre au séjour par un arrêté du 9 juin 2021 et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Le 6 juillet 2022, la préfète de l'Aube a adopté deux arrêté par lesquels elle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois et l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours dans le département de l'Aube et l'a obligé à se présenter les mercredis, jeudis et vendredis à 13h au commissariat de Troyes.

2. M. A... relève appel du jugement n° 2101499 du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2021 et du jugement n° 2201553 du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2022.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 juin 2021 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, la décision portant refus de séjour vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite en particulier son article R. 431-10. Elle indique par ailleurs que M. A... serait entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 juillet 2018, qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et qu'il existe des doutes sérieux quant à l'authenticité des documents d'état civil produits par l'intéressé pour justifier de sa minorité. La décision contestée comporte dès lors l'énoncé des considérations de fait et de droit pour lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de délivrer au requérant le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation, portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

6. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ". L'article L. 811-2 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Le II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice dispose que : " II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère : " I. - L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : 1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ".

8. Aux termes de l'article 21 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République de Côte-d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : / Les expéditions des actes de l'état civil ; (...) ". L'article 20 de cet accord stipule : " Par acte de l'état civil, (...) il faut entendre : / Les actes de naissance ".

9. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

10. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., le préfet de l'Aube a considéré que l'intéressé ne justifiait pas de son âge et ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans. M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour une copie intégrale datée du 28 janvier 2003 du registre des actes de l'état civil pour l'année 2002 délivrée le 22 janvier 2022. Un rapport d'examen technique documentaire da la direction zonale de la police aux frontières zone Est (DZPAF) du 18 février 2021 conclut à l'irrecevabilité du document au regard de l'article 47 du code civil, au motif qu'une copie intégrale authentique est toujours pré imprimée en offset et que la copie produite est imprimée au toner. Par ailleurs, il souligne que, si le cachet de la commune de Bouake est de bonne qualité, il a pu être reproduit frauduleusement et que l'acte fait référence au centre secondaire de Kpangbambo alors que le cachet humide utilisé est celui du centre principal de Bouake.

11. Pour contester ce rapport, M. A... se borne à soutenir qu'il est en attente d'éléments complémentaires et produit un extrait du registre des actes d'état civil en date délivré le 24 août 2021 et un certificat de nationalité délivré le 16 avril 2018, légalisés par diverses autorités ivoiriennes. Si les actes de naissance sont admis sans légalisation sur le territoire français, il ressort des dispositions précitées des articles 20 et 21 de l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 que les documents dont se prévaut M. A... n'entrent pas dans la catégorie des documents d'état civil. En application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 10 novembre 2020, seul l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser ces actes. Ainsi la légalisation dont se prévaut le requérant n'est pas régulière, et n'est pas de nature à confirmer l'authenticité da la signature apposée sur les documents produits. De plus, comme pour l'acte de naissance, l'extrait du registre des actes d'état civil fait référence au centre secondaire de Kpangbambo, alors que le cachet humide utilisé est celui du centre principal de Bouake. Par ailleurs, le certificat de nationalité, qui ne comprend d'ailleurs pas la date de naissance du père du requérant, ne constitue pas un acte d'état civil de nature à justifier de la réalité de sa date de naissance. En outre, si le préfet de l'Aube n'a pas sollicité les autorités consulaires ivoiriennes pour une vérification de l'état civil de M. A..., il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire que le préfet serait tenu de saisir les autorités étrangères d'une demande de vérification de l'authenticité des documents d'état civil qui sont présentés devant lui. Enfin, si le requérant se prévaut de son passeport dont la validité n'est pas remise en cause par le préfet, il a été établi sur le fondement d'actes d'état civil dont l'authenticité n'est pas établie. Par suite, le préfet de l'Aube a pu estimer, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article 47 du code civil, que les actes d'état civil fournis par le requérant étaient dépourvus de valeur probante.

12. Le requérant ne justifiant pas avoir été confié au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, le préfet a pu, sur ce seul motif, refuser le titre de séjour sollicité puisque. Si M, A... se prévaut de son investissement dans ses études et de son intégration professionnelle, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 423-22 précité doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent en France depuis juin 2018, soit depuis trois ans à la date de la décision en litige. S'il soutient avoir tissé des liens sur le territoire français depuis son arrivée, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il a d'ailleurs pu obtenir des documents d'état civil des autorités ivoiriennes postérieurement à son départ et qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Par ailleurs, si M. A... a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle agricole, spécialité " jardinier paysagiste " et se prévaut d'une promesse d'embauche du 8 juillet 2021 dans l'entreprise où il bénéficiait d'un contrat d'apprentissage, il ne justifie pas, outre son activité professionnelle, d'une intégration telle au sein de la société française qu'il justifierait avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

15. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ". L'article L. 613-1 du même code dispose : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ".

17. Les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date de la décision contestée, ne prévoient pas de motivation distincte pour la décision portant obligation de quitter le territoire français pris conséquemment à un refus de titre de séjour, et n'impliquent pas, par conséquent, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.

18. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

19. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 12, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 2101499 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination :

21. En premier lieu, l'arrêté qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, vise les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à M. A... et rappelle les principaux éléments de sa situation, notamment sa demande d'admission au séjour en qualité de mineur isolé qui a été refusée par un arrêté du 9 juin 2021 dont la légalité a été confirmée par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 janvier 2022 et son maintien irrégulier sur le territoire français depuis lors. L'arrêté contesté qui ne comporte pas une motivation stéréotypée, comprend l'énoncé des considérations de fait et de droit pour lesquelles la préfète de l'Aube a refusé de délivrer au requérant le titre de séjour sollicité. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut ainsi qu'être écarté.

22. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Aube qui a pris en compte, contrairement à ce que M. A... soutient les pièces qu'il a produites, n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de l'intéressé avant d'édicter cette décision.

23. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".

24. Il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre de la mesure d'éloignement attaquée. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A... a formulé des observations écrites le 3 juillet 2022 dans le cadre de la procédure contradictoire initiée le 21 juin 2022. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement contestée serait intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire.

25. En quatrième lieu, M. A... n'a pas, postérieurement au refus de titre de séjour du 9 juin 2021, formé une nouvelle demande de séjour. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de méconnaissance des articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de cet arrêté du 6 juillet 2022 qui ne lui refuse pas de titre de séjour mais se borne à l'oblige à quitter le territoire français.

26. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit, M. A... n'a pas sollicité de titre de séjour. Dans ces conditions, il ne peut pas utilement se prévaloir des moyens tirés de la méconnaissance par l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il refuserait de l'admettre au séjour de l'article 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., présent en France selon ses déclarations depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté en litige, est dépourvu de ressources financières propre et d'un logement stable. La circonstance qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle agricole, mention assez bien, spécialité jardinier paysagiste en juin 2021 et qu'il apporte satisfaction à son maître de stage n'est pas suffisante pour considérer qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts personnels. Célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune d'attache familiale ou amicale en France alors qu'il n'établit pas être dépourvu de famille en Côte d'Ivoire où il a vécu jusqu'en 2018. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté du 6 juillet 2022 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. En septième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, la préfète de l'Aube n'a pas, en tout état de cause, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

29. En huitième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le jugement en assistance éducative du 28 septembre 2018, par lequel juge des enfants près du tribunal de grande instance de Troyes a retenu sa minorité et l'a placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube jusqu'à sa majorité n'est pas revêtu d'une autorité de la chose jugée faisant obstacle au constat qu'il n'est pas établi que l'intéressé avait moins de 16 ans à la date à laquelle il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Par suite, et en tout état de cause, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 9 juin 2021 en tant qu'il refuse de l'admettre au séjour et l'arrêté du 6 juillet 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulés en ce qu'ils méconnaissent ce jugement en assistance éducative du 28 septembre 2018.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 2201553 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes Nos 22NC00397, 22NC02211de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : L. Kara

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

L. Kara

2

Nos 22NC00397, 22NC02211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00397
Date de la décision : 01/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-01;22nc00397 ?
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