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17/05/2023 | FRANCE | N°20NC01510

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 mai 2023, 20NC01510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé Me Tirmant, mandataire judiciaire de l'association Le Manège, à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1901626 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 juillet 2020, le 2

5 septembre 2020 et le 23 février 2022, M. C..., représenté par la SCP Leostic Medeau Lardaux, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé Me Tirmant, mandataire judiciaire de l'association Le Manège, à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1901626 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 juillet 2020, le 25 septembre 2020 et le 23 février 2022, M. C..., représenté par la SCP Leostic Medeau Lardaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 mai 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé Me Tirmant, mandataire judiciaire de l'association Le Manège, à le licencier pour motif économique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation concernant la réalité du motif économique et le respect de l'obligation de reclassement ;

- le transfert de son contrat de travail à la commune qui a repris l'activité de l'association faisait obstacle à son licenciement.

Par un mémoire enregistré le 29 juillet 2020, Me Tirmant, mandataire judiciaire désignée par le jugement du tribunal de grande instance de Charleville Mezières du 15 mai 2019 et représentée par Me Harant, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 22 juillet 2020 au ministre du travail du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi et de l'incompétence matérielle de l'inspecteur du travail en raison de la possible requalification du contrat de travail de droit privé de M. C... en contrat de travail de droit public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les conclusions de Mme E..., raporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Le Manège, association culturelle à but non lucratif exploitant une salle de cinéma et un espace de spectacles vivants dans la commune de Givet, a été placée en procédure de liquidation judiciaire par un jugement de la chambre des procédures collectives du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières du 15 mai 2019 pour cessation de paiement. Son mandataire judiciaire a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique son directeur, M. C..., désigné représentant des salariés par une assemblée extraordinaire des six salariés de l'association. Par une décision du 7 juin 2019, l'inspecteur du travail l'a lui a accordée. Ce dernier fait appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire.

3. Aux termes de l'article L. 640-1 du code du commerce : " Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. / La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens. ". Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé de maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du même code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise. Il incombe toutefois à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par l'intervention d'un jugement de liquidation judiciaire, de tenir compte, à la date à laquelle il se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui seraient de nature à faire obstacle au licenciement envisagé. Si, notamment, la cession des droits et biens de l'entreprise s'est accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 et L. 1234-3-1 du code du travail, une telle circonstance fait obstacle au licenciement demandé.

4. En l'espèce, par un jugement du 15 mai 2019, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'association Le Manège qui se trouvait en état de cessation des paiements et a désigné Me Tirmant en qualité de liquidateur judiciaire. Cette circonstance ne saurait toutefois faire obstacle au contrôle de l'autorité administrative sur l'existence d'une reprise même partielle de l'activité et le transfert du contrat de travail en découlant. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la commune de Givet a poursuivi l'activité culturelle de l'association et notamment le cinéma commercial et la programmation jeune public dès le 10 avril 2019 dans les mêmes locaux. En outre, le rapport de fin de mission de M. A... désigné par ordonnance du tribunal de grande instance mentionne que par courrier du 9 janvier 2019 la mairie a fait savoir qu'elle reprendrait en régie l'activité cinéma à compter du 1er février 2019 et dans cette perspective, proposait de reprendre trois salariés de l'association, un projectionniste, un agent comptable et administratif et une caissière. Ainsi, au regard de ces éléments, l'inspecteur du travail aurait dû examiner si le contrat de travail de M. C..., qui occupait au demeurant déjà la fonction de coordinateur culturel pour le compte de la commune, aurait dû être transféré à la ville de Givet sur le fondement de l'article L. 1224-3-1 du code du travail. Or l'administration admet, dans son mémoire en défense produit en première instance que ce point n'a pas été constaté ni invoqué à la date de la décision attaquée. Par conséquent, faute pour l'inspecteur du travail d'avoir vérifié, malgré l'existence du jugement prononçant la liquidation judiciaire de l'association Le Manège, le caractère total et définitif de sa cessation d'activité, l'autorisation de licencier M. C... était entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901626 du 29 mai 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la décision du 7 juin 2019 de l'inspectrice du travail sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre du travail du plein emploi et de l'insertion et à la Scp Tirmant Raulet, mandataire judiciaire de l'association Le Manège.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC01510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01510
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP SANDY HARANT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-17;20nc01510 ?
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