Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2201238 du 20 juillet 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, Mme C..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 11 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier et approfondi de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés de la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 28 novembre 2022, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante russe née le 12 mai 1982, indique être entrée sur le territoire français au mois de mai 2019. Elle a épousé un ressortissant français le 31 janvier 2020. Le 2 février 2020, après ce mariage, elle s'est rendue en Russie où se trouvaient ses deux enfants et est revenue sur le territoire français le 19 décembre 2020, accompagnée de ses enfants. Le 10 mai 2021, elle a sollicité le renouvellement du visa de long séjour qui lui a été délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Le 7 juillet 2021, elle a, par ailleurs, présenté une demande d'asile. Cette demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 novembre 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 mars 2022. Par un arrêté du 11 mai 2022, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme A... C... relève appel du jugement du 20 juillet 2022, par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision litigieuse, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle de la requérante, énonce de manière non stéréotypée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, alors même que l'arrêté litigieux ne mentionne ni le mariage, ni la séparation du couple, ni même la demande de renouvellement de visa de long séjour présentée par l'intéressée, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée et n'aurait notamment pas pris en compte sa situation administrative et familiale.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. La requérante se prévaut de sa bonne insertion en France et de son mariage avec un ressortissant français. Toutefois, il est constant que la communauté de vie entre les époux a cessé depuis le mois de février 2021. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle indique, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de violences conjugales dont elle aurait fait l'objet. En outre, si l'intéressée indique qu'en raison de la nationalité ukrainienne de son père, elle encourt des risques dans son pays d'origine, la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel Mme C... pourra être reconduite d'office. Enfin, la requérante ne démontre pas une insertion particulière en France. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la préfète aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. En l'espèce, compte tenu des circonstances exposées au point 4 et alors notamment qu'il n'est établi ni que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Russie, ni que les enfants de la requérante ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en édictant la décision litigieuse, la préfète aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2, désormais codifiées au dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
8. Si la requérante fait valoir qu'elle encourt des risques de persécutions en Russie, en raison de l'origine ukrainienne de son père, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir. Par ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Mme C... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision fixant la Russie comme pays à destination duquel elle pourrait être éloignée serait intervenue en violation des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.
La rapporteure,
Signé : G. B...
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
2
N° 22NC02085