Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 244,03 euros, assortie des intérêts de retard au taux légal, à titre de dommages et intérêts à raison des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de l'action des services fiscaux en vue du recouvrement d'une créance fiscale.
Par un jugement n° 1801818 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Henky, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 244,03 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est illégalement que le comptable a engagé une procédure de recouvrement à son encontre, à raison des dettes fiscales de son ex-concubin alors qu'il n'existe aucune solidarité au paiement des dettes fiscales entre concubins ; c'est donc illégalement que le comptable a pris un acte de poursuite à son encontre en saisissant le véhicule qui lui appartenait ; la circonstance qu'elle aurait eu elle-même une dette fiscale que cette saisie illégale aurait servi à apurer ne saurait régulariser cette procédure de recouvrement ;
- le comptable devait obtenir l'autorisation du juge de l'exécution avant la saisie du véhicule en vertu de l'article L. 221-1 du code procédures civiles d'exécution ; en tout état de cause, ce véhicule lui étant nécessaire pour son travail, il ne pouvait lui être saisi en vertu de l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
- sa dette fiscale s'élevait à 4 566,18 euros au 8 juin 2016, compte tenu des paiements effectués, sur laquelle a été imputée la somme de 1 785 euros provenant de la vente du véhicule, de sorte qu'elle n'était plus redevable que de 2 781,18 euros ; compte tenu du dégrèvement prononcé le 17 octobre 2016, l'administration lui était redevable de la somme de 2 713,82 euros outre les intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales qui ne lui a jamais été restituée.
Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour apprécier la régularité d'une procédure de saisie-vente au regard des articles L. 221-1 et L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
- les conclusions nouvelles relatives à la restitution d'un trop-versé d'impôt sur le revenu de 2 713,82 euros outre les intérêts de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables en ce qu'elle relève d'un litige distinct en matière d'assiette et ne sauraient être invoquées dans une action en responsabilité pour faute de l'Etat à raison de l'action des services de recouvrement ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été rendue redevable de la somme de 11 379 euros correspondant à l'impôt sur le revenu de l'année 2011, taxé d'office, par un avis d'impôt du 7 novembre 2013. Le 29 mai 2015, une mise en demeure de payer l'arriéré d'impôt sur le revenu restant dû, d'un montant de 8 866,18 euros, lui a été adressée. Le 18 février 2016, un huissier de justice a dressé, en présence de Mme B..., un procès-verbal d'immobilisation avec enlèvement de son véhicule automobile aux fins d'apurement de quatre dettes fiscales, l'une, d'un montant au principal de 8 316,18 euros, la concernant personnellement, et trois autres, d'un montant global au principal de 28 181,57 euros, concernant son ex-concubin. Le 25 février 2016, un commandement de payer a été adressé par un huissier de justice à Mme B... pour obtenir le paiement de la somme de 8 316,18 euros restant due, à laquelle s'ajoutaient 416 euros de frais d'exécution. Les 15 avril et 8 juin 2016, Mme B... s'est vu notifier deux avis à tiers-détenteur adressés à des banques aux fins de recouvrement de la somme de 4 566,18 restant due sur sa dette fiscale concernant l'impôt sur le revenu 2011 d'un montant initial de 13 017 euros. Le véhicule automobile saisi a été vendu aux enchères publiques le 29 juin 2016. Le produit de cette vente, d'un montant de 3 570 euros, a été utilisé le 31 août 2016 pour participer à l'apurement des dettes fiscales de Mme B... à hauteur de 1 375 euros et de son ex-concubin pour le surplus. Le 17 octobre 2016, Mme B... a bénéficié d'un dégrèvement à hauteur de 3 373 euros. Le 17 juillet 2017, Mme B... a informé l'administration fiscale qu'elle était seule propriétaire du véhicule automobile saisi. Par un courrier du 16 juin 2018, reçu le 19 du même mois par la direction générale des finances publiques, Mme B... a présenté une demande indemnitaire préalable afin d'être indemnisée à hauteur de 15 244,03 euros des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis du fait de la saisie de son véhicule aux fins d'apurement de la dette fiscale de son ex-concubin. Par une lettre du 31 octobre 2018, le directeur général des finances publiques a rejeté sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme à titre de dommages et intérêts.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ".
3. L'ordre de juridiction compétent, en application de ces dispositions, pour connaître d'une action en décharge de l'obligation de payer procédant d'un acte de recouvrement l'est également pour connaître de l'action en responsabilité résultant du caractère éventuellement fautif de cet acte. La responsabilité résultant de fautes commises dans l'engagement du recouvrement forcé d'un impôt relève, ainsi, de la compétence du juge administratif lorsque celui-ci est le juge de l'impôt en cause.
4. Si la juridiction administrative est en l'occurrence compétente pour connaître du caractère fautif de la décision de l'administration d'engager à l'encontre de Mme B... une action en recouvrement forcé de ses dettes fiscales et celles de son ex-concubin, le ministre chargé des finances publiques est en revanche fondé à soutenir qu'elle n'est pas compétente pour apprécier la régularité d'une procédure de saisie-vente. Par suite, comme le soutient le ministre, la demande de Mme B..., formulée en appel, tendant à engager la responsabilité de l'Etat à raison de l'irrégularité de la procédure de saisie-vente de son véhicule au regard des dispositions des articles L. 221-1 et L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre en défense :
5. Les conclusions de la requête de Mme B... présentées comme indemnitaires mais tendant en réalité à la restitution d'un trop-versé d'impôt sur le revenu et au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, qui se rattachent à un litige en matière d'assiette, soulèvent un litige distinct de celui évoqué en première instance. Dès lors ces conclusions sont nouvelles en appel. Par suite, le ministre chargé des finances publiques est fondé à soutenir que ces conclusions sont irrecevables.
Sur la responsabilité :
6. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
7. L'administration fiscale a utilisé le produit de la vente aux enchères publiques du véhicule automobile de Mme B... qu'elle avait saisi, non seulement pour apurer la dette fiscale de l'intéressée, mais également pour apurer celle de son ex-concubin, dont elle n'était pas solidairement redevable, en croyant, à tort, au vu des renseignements recueillis auprès des services préfectoraux des cartes grises, qu'ils étaient tous deux propriétaires du véhicule, alors que Mme B... a justifié l'avoir acquis au mois de juin 2011 pour un montant de 10 590 euros et en être seule propriétaire. En utilisant une partie du produit de la vente aux enchères de ce véhicule pour apurer les dettes fiscales de l'ex-concubin de Mme B..., l'administration fiscale a ainsi commis une erreur constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de la requérante.
8. Toutefois, Mme B... était elle-même défaillante dans le paiement d'une dette fiscale d'un montant en principal de 8 316,18 euros, au 18 février 2016, qui justifiait à elle seule la saisie de son véhicule à cette date par l'administration fiscale et l'utilisation de tout ou partie du produit de sa vente aux enchères le 29 juin 2016, qui s'est élevé à 3 570 euros, afin de l'apurer. Ainsi, l'administration fiscale aurait pris le même acte de poursuites si elle avait entendu recouvrer la seule dette fiscale de Mme B..., dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle avait été remboursée à la date de la vente aux enchères du véhicule. Par suite, et alors que la part du produit de la vente aux enchères du véhicule initialement utilisée pour l'apurement des dettes fiscales de l'ex-concubin de Mme B... a finalement été réaffectée à l'apurement d'une de ses dettes fiscales, cette dernière ne justifie d'aucun préjudice qui trouverait sa cause directe dans la faute de l'administration ci-dessus analysée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête de Mme B... tendant à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des irrégularités qui auraient affecté la procédure de saisie-vente de son véhicule sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC00955
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