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11/05/2023 | FRANCE | N°21NC00147

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 11 mai 2023, 21NC00147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision contenue dans le télégramme du 8 juin 2018 et l'arrêté du 15 juin 2018 procédant au détachement de M. F... dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel pour occuper les fonctions de chef de la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018, ainsi que la décision implicite rejetant son recours administratif.

Par un jugement n° 1806236 du 17 novembre 2020, le tribunal admin

istratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision contenue dans le télégramme du 8 juin 2018 et l'arrêté du 15 juin 2018 procédant au détachement de M. F... dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel pour occuper les fonctions de chef de la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018, ainsi que la décision implicite rejetant son recours administratif.

Par un jugement n° 1806236 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 15 janvier 2021 et le 7 janvier 2022, M. D..., représenté par Me Muller-Pistré, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision de nommer M. A... F... chef de la circonscription de sécurité publique au sein de la direction centrale de la sécurité publique de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018, révélée par le télégramme n° DRCPN / N° 056 du 8 juin 2018 portant diffusion de la liste des commandants de police détachés dans des emplois de commandants divisionnaires fonctionnels du corps de commandant de la police nationale, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2018 portant détachement de M. F... dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel pour occuper les fonctions de chef de circonscription à la circonscription de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018 pour une période de quatre ans ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé quant à sa réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- il est insuffisamment motivé quant à sa réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en s'abstenant de vérifier la réalité des compétences déclarées par M. F... et d'enjoindre à l'administration d'en rapporter les preuves ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, de dénaturation des pièces du dossier et de discrimination, dès lors que les premiers juges ont implicitement reconnu un droit automatique à la nomination de M. F..., dont les éléments de carrière ont tous été retenus, tandis que ceux qu'il a produits le concernant sur la période 2015 à 2018 ont été implicitement écartés alors que lui seul remplissait les conditions fixées par la note n° 14 du 4 février 2011 de la direction centrale de la sécurité publique ;

- il est entaché d'erreur de droit et de méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires du même corps ;

- la décision de nomination de M. F... procède d'un détournement de pouvoir ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, l'examen des candidatures n'ayant pas été conduit sur la base du formulaire spécifique qui répond aux exigences des dispositions de l'article 17 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995, mais au regard du seul rapport administratif ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 16 du décret du 29 juin 2005, en l'absence de comparaison des mérites respectifs des candidats ;

- elle est entachée d'erreur de droit, en l'absence de prise en compte de ses propres mérites sur la période de 2015 à 2018 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré d'un vice de procédure à raison de l'absence de recours au formulaire établi pour l'instruction des demandes est inopérant ;

- il y aura lieu, le cas échéant, de procéder à une substitution de base légale, afin de substituer aux textes visés dans l'arrêté en litige la mention de l'arrêté du 18 mars 2015 fixant la liste des emplois fonctionnels de commandant de police selon la réglementation en vigueur en 2015 ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. F..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme E...,

- les observations de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Entré dans la police nationale en 1986 comme inspecteur de police, M. D..., devenu commandant de police en 2008, exerçait des fonctions de chef de service au sein du service de police aux frontières de Forbach depuis 2010. Il a postulé, en 2015, à l'emploi fonctionnel de commandant de police à la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines. Par un arrêté du 12 juin 2015, le ministre de l'intérieur a choisi de nommer M. A... F... sur cet emploi fonctionnel. M. D... a obtenu l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2018. Le recours introduit par le ministre de l'intérieur contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 avril 2019. En exécution du jugement du 14 février 2018, le ministre de l'intérieur a décidé de nommer, à nouveau, M. F... sur l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel pour occuper les fonctions de chef de la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018, par un télégramme du 8 juin 2018 puis un arrêté du 15 juin 2018. M. D... relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de nomination de M. F... contenue dans ce télégramme et cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet du recours administratif qu'il avait formé.

Sur la légalité de la nomination :

2. Alors même que les nominations sur un emploi fonctionnel de commandant de police ont pour effet, non de conférer à leurs bénéficiaires un grade ou un des échelons de leur grade mais de leur attribuer un emploi qui, en raison des responsabilités particulières qu'il comporte, entraîne une majoration du traitement indiciaire, l'annulation prononcée par le tribunal administratif pour erreur manifeste d'appréciation faisait obligation à l'administration de réexaminer l'ensemble des candidatures à la nomination à un emploi fonctionnel de commandant de police pour l'année 2015 non retenues, parmi lesquelles celle de M. D..., et, le cas échéant, de prononcer la nomination de ce dernier sur l'emploi fonctionnel concerné pour l'année 2015.

3. Aux termes des dispositions de l'article 16 du décret du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, dans leur rédaction applicable au litige et mises en œuvre par le ministre pour apprécier les candidatures : " Les commandants de police comptant au moins un an d'ancienneté dans le 3e échelon de leur grade peuvent être nommés, après avis de la commission administrative paritaire, sur un des emplois fonctionnels de commandant de police comportant l'exercice effectif de responsabilités particulièrement importantes ; la liste de ces emplois est fixée par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) ". Il résulte de ces dispositions que la nomination à l'emploi fonctionnel de commandant de police, soumise à l'appréciation de l'administration en fonction des états de service des candidats, ne saurait constituer un droit pour les intéressés. De telles nominations ne peuvent être prononcées qu'à l'issue d'un examen de la valeur professionnelle de chacun des fonctionnaires remplissant les conditions pour être nommé et des responsabilités assumées par chacun d'eux.

4. M. D... soutient que la décision de nomination en litige, qui confirme le choix de M. F... sur l'emploi fonctionnel de commandant de police pour la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines, a été adoptée sans qu'il soit procédé à un examen comparé des mérites respectifs des candidats. Le ministre se borne dans ses écritures, tant en appel que devant les premiers juges, à indiquer qu'il a été procédé au réexamen des candidatures et à exposer les mérites personnels du seul candidat retenu, sans d'ailleurs exposer les raisons pour lesquelles les mérites de celui-ci étaient, en 2015, supérieurs à ceux de M. D.... Le ministre ne produit aucun document émanant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) ou de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) qui procéderait à cette analyse comparée. La proposition faite par la DCSP, formalisée par un courrier du 19 avril 2018 adressé à un des syndicats de la police nationale, est d'ailleurs antérieur au courrier du 29 mai 2018 par lequel le secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure expose les missions et responsabilités que M. F... a exercées lorsqu'il en était le secrétaire zonal Est. Enfin, il ressort des mentions portées sur le procès-verbal de la commission administrative paritaire réunie le 6 juin 2018, dans sa version " document de travail " dont les mentions ne sont pas contestées en défense, que les débats ont uniquement porté sur la question du reclassement des permanents syndicaux et qu'un des syndicats a dénoncé l'attitude de M. D... après l'intervention du jugement annulant la nomination de M. F.... Il ne ressort toutefois pas de ce procès-verbal que la CAP aurait abordé la question des mérites respectifs des trois candidats dont les candidatures étaient alors réexaminées, ni même évoqué des documents que l'administration aurait tenus à disposition de la commission. Ainsi, il n'est établi par aucune pièce du dossier que les mérites de M. F..., consistant principalement dans l'expérience acquise en tant que délégué zonal de son syndicat entre 2006 et 2015, auraient été effectivement comparés à ceux des autres candidats et en particulier ceux de M. D.... Dans ces conditions, si le ministre a procédé au réexamen des candidatures en exécution du jugement du 14 février 2018, cet examen n'a cependant pas comporté une analyse des mérites respectifs des candidats. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que la décision de nomination de M. F... comme chef de la circonscription de sécurité publique de Sarreguemines et, en conséquence, la décision portant détachement de celui-ci sur cet emploi fonctionnel sont entachées d'une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D... est fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation tant de la décision contenue dans le télégramme du 8 juin 2018 que de l'arrêté du 15 juin 2018, ainsi que de la décision portant rejet du recours gracieux qu'il avait formé.

Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La décision de nommer M. A... F... chef de la circonscription de sécurité publique au sein de la direction centrale de la sécurité publique de Sarreguemines à compter du 7 juin 2018, révélée par le télégramme n° DRCPN / N° 056 du 8 juin 2018, l'arrêté du 15 juin 2018 portant détachement de M. F... dans cet emploi, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M. D... sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à M. A... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : H. B... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC00147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00147
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-11;21nc00147 ?
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