Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que l'arrêté pris le même jour par la même autorité ordonnant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2202179 du 12 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a provisoirement admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation et de faire procéder à la suppression par les services compétents dans le système d'information Schengen et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Hentz en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à M. A... si l'admission définitive à l'aide juridictionnelle devait lui être refusée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mai 2022 et 2 septembre 2022, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que le droit à être entendu de l'intéressé avait été méconnu et que les moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 21 août 2022, M. A..., représenté par Me Hentz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit au profit de son conseil s'il est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, soit à son propre profit dans le cas contraire.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que son droit à être entendu avait été méconnu, dès lors qu'il ne lui a pas été demandé s'il avait des observations à formuler dans l'hypothèse où le préfet prendrait à son encontre une mesure d'éloignement ;
- il reprend les moyens invoqués en première instance ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation individuelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le risque de fuite tel que défini par le droit de l'Union n'est pas constitué ; le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est disproportionné, son enfant étant en cours d'année scolaire ;
- il n'est pas justifié que l'assignation à résidence ait été édictée postérieurement à l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'assignation à résidence est disproportionnée ; il n'est pas précisé si elle s'applique aux jours fériés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 2 février 1989, est entré en France en octobre 2021, selon ses déclarations. Après qu'il ait été interpelé à l'occasion d'un contrôle routier, le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, par un arrêté du 30 mars 2022. Par un arrêté du même jour, la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Pour annuler les arrêtés litigieux, le premier juge a estimé qu'il n'était pas justifié que M. A..., qui n'avait pas demandé la régularisation de sa situation administrative, aurait été effectivement auditionné et, le cas échéant, qu'au cours de cette audition, il aurait été mis à même de présenter ses observations sur l'irrégularité de sa situation administrative et ses conditions de séjour en France, sa situation familiale, ainsi que sur la perspective de son éloignement du territoire français, pour en déduire que la mesure d'éloignement était intervenue en méconnaissance de son droit à être entendu.
3. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : [...] le droit de toute personne d'être entendu avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Ces stipulations s'adressent non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
5. Il ressort des pièces nouvellement produites en appel par le préfet qu'à l'occasion de la retenue pour vérification du droit au séjour de M. A..., intervenue le 29 mars 2022, l'intéressé a pu préciser sa situation familiale, et notamment mentionner la présence en France de son épouse et de sa fille de quatre ans, et évoquer le fait que sa sœur vit en France, ainsi que son parcours migratoire et les attaches qu'il conserve dans son pays d'origine. Lorsqu'il lui a été demandé s'il accepterait de regagner son pays, et les motifs de ce refus le cas échéant, il a indiqué qu'il ne rentrerait jamais en Tunisie mais qu'il essaierait de se rendre dans un autre pays de l'Union européenne. Il doit, dès lors, être regardé comme ayant pu présenter ses observations de manière utile sur un éventuel retour, quand bien même il ne lui a pas été précisément demandé s'il avait des observations à formuler dans l'hypothèse où le préfet prendrait à son encontre une mesure d'éloignement.
6. Il suit de là que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur l'atteinte au droit d'être entendu pour annuler l'arrêté litigieux. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et la cour administrative d'appel de Nancy.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne le moyen commun aux diverses décisions :
7. Par un arrêté du 7 décembre 2021, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a donné délégation à Mme D... B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, et en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, à M. C... F..., directeur adjoint, pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions en litige. Le requérant n'allègue pas que Mme B... n'aurait pas été absente ou empêchée le 30 mars 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que M. F..., signataire des arrêtés contestés, n'était pas compétent pour les adopter doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la mesure litigieuse comporte un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque dès lors en fait.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen de la situation individuelle du requérant, alors en particulier que cette décision précise qu'il est entré en France en octobre 2021, qu'il n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative, que son épouse est dans la même situation administrative et qu'il a indiqué être père d'un enfant.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Le requérant fait valoir qu'il est venu en France pour rejoindre des membres de sa famille, à savoir sa sœur et sa belle-sœur, et qu'il vit avec cette dernière. Il se prévaut également de la présence en France de son épouse et de la scolarisation de sa fille. Toutefois, M. A..., son épouse et sa fille ne résident en France que depuis moins d'un semestre à la date de l'arrêté litigieux. Il n'est ni établi, ni même allégué que l'épouse du requérant serait en situation régulière. M. A... n'invoque pas davantage de circonstances particulières de nature à justifier, compte tenu de la spécificité de leurs liens, qu'il soit admis à demeurer auprès de ceux de ses proches qui vivent régulièrement sur le territoire national. Dès lors, la mesure d'éloignement dont il fait l'objet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation individuelle. Enfin, compte tenu de la brièveté du séjour en France de l'enfant, qui n'est âgé que de quatre ans à la date de l'arrêté litigieux, et alors que les allégations quant au fait que certains membres de sa famille s'opposeraient à sa scolarisation en Tunisie ne sont étayées d'aucun commencement de preuve, cette mesure ne porte pas non plus atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " (...) 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire (...) ".
14. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : [...] 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / [...] 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
15. Les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient, par exception au délai de départ volontaire de trente jours institué par les dispositions de l'article L. 612-1 du même code, les hypothèses dans lesquelles un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut se voir opposer une décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. L'hypothèse prévue au 3° de l'article L. 612-2 constitue la transposition exacte des dispositions du 4° de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent les critères objectifs de détermination du risque de fuite. Par ailleurs, en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans l'un des cas ainsi définis, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque ressortissant étranger de nature à assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives, en conformité avec l'article 3 de la directive.
16. Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de la Moselle a retenu qu'il existait un risque de fuite sur le fondement du 1° et du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Il est constant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour, au sens du 1°. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, cette circonstance suffisait à caractériser un risque de fuite, sous réserve d'éventuelles circonstances particulières. A supposer même que le préfet se soit mépris en estimant que le requérant ne justifiait pas de garanties de représentation, il aurait pris la même décision en se fondant sur le seul 1°. En outre, la circonstance que la fille du requérant, scolarisée en maternelle, serait amenée à interrompre son année scolaire avant son terme ne suffit pas à caractériser des circonstances particulières de nature à exclure un risque de fuite. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement, et sans méconnaitre les articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A.... Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, le refus d'octroyer un tel délai n'est pas non plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la désignation du pays de renvoi :
17. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.
18. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'existence de risque de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
20. Il résulte des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, tenir compte des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par ailleurs, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
21. La décision contestée, qui vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, qu'il est entré en France en octobre 2021, qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux intenses et stables en France pour en déduire que, bien qu'il n'ait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement ne présente pas de menace pour l'ordre public, il est justifié qu'une interdiction de retour d'un an soit prise à son encontre. Elle est, dès lors, suffisamment motivée.
22. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de l'interdiction de retour, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.
23. En troisième lieu, le requérant ne se prévaut d'aucun fait susceptible d'être qualifié de circonstance humanitaire, au sens des dispositions précitées, de nature à justifier qu'il ne fasse l'objet d'aucune interdiction de territoire français qui s'impose lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est par ailleurs pas assorti des précisions permettant d'en connaître.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
24. En premier lieu, cette décision comporte un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque dès lors en fait.
25. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, invoqué par voie d'exception, ne peut qu'être écarté.
26. En troisième lieu, l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ".
27. Si les deux arrêtés litigieux portent la même date, celui portant assignation à résidence mentionne celui portant obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'assignation à résidence aurait été édictée avant que la mesure d'éloignement ne soit prise. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'antériorité de l'obligation de quitter le territoire français manque en fait.
28. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence ne répond pas aux exigences posées par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers n'est pas assorti des précisions permettant d'en connaître. Il en va de même s'agissant du moyen invoquant une erreur manifeste d'appréciation.
29. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
30. M. A... fait valoir qu'une assignation à domicile entre 17 heures et 20 heures est disproportionnée, en l'empêchant d'aller chercher sa fille à l'école ou de suppléer son épouse pour les tâches quotidiennes. Toutefois, il est constant que son épouse ne fait pas l'objet d'une mesure équivalente. En l'absence d'argumentation faisant état de circonstances particulières, le moyen tiré du caractère disproportionné de cette obligation de présence doit être écarté.
31. En sixième lieu, l'arrêté litigieux précise que M. A... a l'obligation de se présenter auprès des services du commissariat de Sarrebourg tous les lundis entre 15 heures et 17 heures, y compris si le jour de présentation coïncide avec un jour férié. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration aurait omis de se prononcer sur le maintien de cette obligation lors des jours fériés manque en tout état de cause en fait.
32. Aucun des moyens invoqués pour contester l'arrêté litigieux n'étant fondé, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et relatives aux frais d'instance de M. A.... Ce dernier ayant la qualité de partie perdante en appel, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la cour ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202179 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. G... A... et à Me Hentz.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023
La rapporteure,
Signé : A. H...
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. E...
2
N° 22NC01184