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13/04/2023 | FRANCE | N°22NC00907

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 avril 2023, 22NC00907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du préfet de la Marne du 26 juin 2021 prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jo

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Par un jugement n° 2101393 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du préfet de la Marne du 26 juin 2021 prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101393 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2022, M. D..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ainsi que par voie de conséquence, l'arrêté du préfet de la Marne du 26 juin 2021 prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du vice de procédure en l'absence d'information préalable sur ses droits et obligations, en méconnaissance des articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de production d'une délégation régulière de signature du préfet de la Côte-d'Or à M. B... ;

- il n'est pas suffisamment motivé en l'absence de considérations de faits et de droit exposées et de visa de l'accord franco-algérien ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle dès lors que ne sont mentionnés ni sa compagne, ni son travail ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations en application de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de délivrance des informations mentionnées aux articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de la notification de la décision attaquée ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé sur les dispositions, inapplicables en l'espèce, de l'article L. 611-1 du même code et non sur les stipulations des articles 6, 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3 de la même convention ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'interdiction de retour méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article L. 612-10 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision prononçant une assignation à résidence :

- elle est entachée d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2022, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français en septembre 2016 selon ses déclarations. A la suite d'une interpellation par les services de police de Reims le 25 juin 2021, le préfet de la Côte d'Or lui a, par un arrêté du même jour, fait obligation de quitter le territoire sans délai assortie d'une interdiction de retour pour une durée de douze mois. M. D... fait appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. D... soutient que le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen relatif au vice tiré de l'absence d'information préalable sur ses droits et obligations en méconnaissance des articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte toutefois du paragraphe 6 du jugement attaqué que le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requête, a jugé que ce moyen était inopérant dès lors que les conditions de notification d'une décision administrative sont par elles-mêmes sans incidence sur sa légalité. Par cette motivation, le magistrat désigné a ainsi répondu au moyen soulevé par le requérant et par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français assorti d'une interdiction de retour d'une durée de douze mois :

3. En premier lieu, M. D... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le premier juge, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier de sa situation, de l'absence de délivrance des informations mentionnées aux articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de son droit d'être entendu et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 1er juillet 2021 et énoncés aux points 3, 4, 5 et 6 dudit jugement.

4. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit ou qu'une convention internationale stipule que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.

5. Si M. D... se prévaut des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour faire valoir qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, il est toutefois constant qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle. Ainsi le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions ci-dessus mentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles-ci ayant trait aux conditions de délivrance d'un titre de séjour.

6. D'une part, aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à sa relation récente avec sa compagne, de son absence de charge de famille et de la présence de ses parents et ses huit frères et sœurs dans son pays d'origine l'Algérie, que M. D... aurait tissé en France des liens d'une intensité et d'une stabilité particulières, ni être dépourvu d'attaches privées et familiales en Algérie et qu'il devrait dès lors, se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.

7. D'autre part, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française " et de l'article R. 5221-20 du code du travail, applicable aux ressortissants algériens sollicitant la délivrance d'un certificat de résidence valant autorisation de travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ".

8. Si M. D... se prévaut d'un certificat de travail du 2 janvier 2020 au 4 janvier 2021 et d'une promesse d'embauche du 25 juin 2021 en qualité de technicien fibre optique, il ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 7 de l'accord franco-algérien.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de la Côte-d'Or aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. De même, en l'absence de tout autre élément, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'interdiction de retour :

10. En premier lieu, M. D... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le premier juge, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 1er juillet 2021 et énoncés aux points 12 et 14 dudit jugement.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales articulé à l'encontre de la mesure d'interdiction du territoire français dont elle fait l'objet doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. M. D... qui soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Algérie, reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le premier juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui de l'insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 1er juillet 2021 et énoncés aux points 17 et 18 dudit jugement.

Sur la décision portant assignation à résidence :

13. Le requérant soulève le moyen tiré de l'erreur de droit sans apporter toutefois de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il sera dès lors écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me Gabon et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président de chambre,

- Mme Picque, première conseillère,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00907
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-13;22nc00907 ?
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