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13/04/2023 | FRANCE | N°22NC00135

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 avril 2023, 22NC00135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement nos 2101247, 2101373 du 17 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nanc

y a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement nos 2101247, 2101373 du 17 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, M. C..., représenté p ar Me Willaume, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé l'examen individuel de sa situation personnelle ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il est mineur ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il n'a pas été reconnu coupable des faix de " faux et usages de faux ", ni d'ailleurs fait l'objet de poursuite après son placement en garde à vue ;

- la décision porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Sur la décision de refus délai de départ volontaire :

- la décision encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation ; il ne présente aucun risque de fuite et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- le préfet n'a pas procédé l'examen individuel de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation ; il s'agit de sa première mesure d'éloignement, il n'a plus d'attache dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen, déclare être entré en France en avril 2019. Il s'est présenté au centre départemental de l'enfance de la Moselle afin d'être pris en charge en qualité de mineur isolé, disant être né le 30 octobre 2013. M. C..., dont la prise en charge en sa qualité de mineur a finalement été ordonnée par le juge des enfants le 12 février 2021, a été interpellé puis placé en garde à vue, le 28 avril 2021, pour des faits de " détention et usage de faux documents administratifs et de fraude aux prestations sociales ". Par un arrêté en date du 29 avril 2021, le préfet de la Moselle a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français sur le fondement des 1° et 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 17 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. C..., alors placé en rétention administrative, tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. C... reprend en appel, les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu, de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par la première juge. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable aux litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ". D'autre part, aux termes de l'article 388 du code civil : " (...) Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. / En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. M. C... soutient être né le 30 octobre 2003, en se prévalant d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Kranken du 24 juillet 2020, de sa transcription datée du 13 août 2020, non légalisés, ainsi qu'une carte consulaire guinéenne, au vu desquelles le juge des enfants a ordonné le 21 février 2021 sa prise en charge par le département de la Moselle.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... s'était présenté une première fois comme mineur auprès des services du département de la Moselle le 2 avril 2019. Il avait alors fait l'objet d'une évaluation qui avait conclu à l'existence d'un doute sur sa minorité en raison de son apparence, de son comportement et de son mode de vie ainsi que de l'absence de documents d'identité et d'état civil. M. C... ne s'est ensuite plus manifesté jusqu'au mois de juin 2020. Le 17 juillet 2020 le juge des enfants a alors rendu une décision de non-lieu à assistance éducative à son égard en raison de l'incohérence des déclarations de M. C... et des documents d'identité produits, à savoir un premier jugement supplétif du 2 avril 2019, sa transcription et la copie d'un second jugement supplétif daté du 20 janvier 2020. Par ailleurs, il ressort du rapport de la police aux frontières du 28 avril 2021 que le jugement du 21 février 2021, tout en ordonnant une mesure d'assistance éducative au profit de M. C... sur présentation du troisième jugement supplétif et de sa transcription mentionnée au point 5, fait part d'un doute sur la minorité de M. C... en raison d'une non-conformité de son allure et de son comportement avec l'âge allégué. Enfin, après qu'un rapport d'examen technique documentaire a conclu le 24 février 2021 au caractère apocryphe de l'ensemble des documents d'état civil présentés par M. C... en raison de leurs caractéristiques et de leurs mentions, des tests osseux ont été ordonnés sur la personne de M. C.... Ceux-ci, pratiqués le 28 avril ont permis d'évaluer un âge osseux bien supérieur à l'âge de 18 ans dès lors que le stade IV de Schultz est corrélé à un âge osseux de 22 ans avec un intervalle de confiance de 95%. Dans ces circonstances, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 3 que le préfet de la Moselle a estimé que M. C... était majeur et pouvait dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans méconnaitre méconnaître les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En dernier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".

7. Il ressort des pièces du dossier que pour obliger M. C... à quitter le territoire français, le préfet de la Moselle s'est fondé sur les dispositions des 1° et 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si la circonstance que M. C... a été placé en garde à vue pour des faits de " détention et usage de faux documents administratifs, fraude aux prestations sociales " ne saurait suffire à démontrer que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Ainsi l'obligation de quitter le territoire en litige pouvait être légalement prononcée sur le seul fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code. Enfin il résulte de l'instruction que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce seul fondement.

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

10. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. C..., le préfet de la Moselle s'est fondé sur les dispositions des 1° et 3° a), f) et h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au même point, M. C... est entré irrégulièrement en France et ne conteste pas n'avoir jamais demandé de titre de séjour. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du formulaire de renseignement administratif que M. C... a signé le 28 avril 2021, avoir explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre. Ainsi le refus de délai de départ volontaire en litige pouvait être légalement pris sur les seuls fondements du a) ou du h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code. Enfin il résulte de l'instruction que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce seul fondement.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, M. C... reprend en appel, le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par la première juge. Il y a en conséquence lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Wuillaume et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Picque, première conseillère,

- Mme Barrois, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLe président,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm.

2

N° 22NC00135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00135
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : WILLAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-13;22nc00135 ?
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