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13/04/2023 | FRANCE | N°22NC00063

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 avril 2023, 22NC00063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2101429 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022 Mme C..., représ

entée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2101429 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022 Mme C..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative le même délai, et dans les deux cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet avait procédé à l'examen global de sa situation alors qu'il n'a pas tenu compte de l'avis de sa structure d'accueil et qu'il n'a pas apprécié les liens conservés avec son pays d'origine ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :

- c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de l'exception d'illégalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- et les observations de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née le 10 janvier 2003, est entrée en France le 29 novembre 2019 à l'âge de seize ans et dix mois. Prise en charge par l'aide sociale à l'enfance jusque sa majorité, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Mme C... relève appel du jugement n° 2101429 du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Doubs, pour refuser d'admettre exceptionnellement au séjour Mme C... sur le fondement des dispositions citées au point précédent, après avoir relevé que l'intéressée avait été confiée à l'aide sociale à l'enfance le 7 janvier 2020 et qu'elle était inscrite en première année de CAP " Cuisine " pour l'année scolaire 2020-2021, s'est fondé sur les circonstances que le caractère réel et sérieux de ses études ainsi que l'absence de lien avec sa famille dans son pays d'origine n'étaient pas établis. En se fondant sur ces seuls motifs, en omettant de tenir compte de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressée dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions concomitantes l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur l'injonction :

6. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées.

7. En revanche, l'exécution de l'arrêt implique nécessairement que le préfet du Doubs se prononce à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme C..., en tenant compte des motifs exposés au point 3 du présent arrêt et des circonstances de fait et de droit existant à la date de la nouvelle décision administrative à intervenir. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans cette attente, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a également lieu d'enjoindre au préfet de délivrer immédiatement à Mme C... une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à ce qu'il ait de nouveau statué sur la demande de l'intéressée. En revanche, les dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'il soit enjoint au préfet d'assortir cette autorisation provisoire de séjour d'une autorisation d'exercer une activité professionnelle.

Sur les frais de l'instance :

8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, conseil de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101429 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 5 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer immédiatement à Mme C... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande d'admission exceptionnelle au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et selon les modalités fixées au point 6 de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocate de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Picque, première conseillère,

- Mme Barrois, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm.

2

N° 22NC00063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00063
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-13;22nc00063 ?
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