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13/04/2023 | FRANCE | N°22NC00023

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 avril 2023, 22NC00023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2106595 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa dem

ande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2106595 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022, Mme C..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté 23 août 2021 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a inexactement apprécié sa situation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a apprécié de façon manifestement inexacte sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a inexactement apprécié sa situation en estimant que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;

- le préfet a apprécié de façon manifestement inexacte les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne née en 1982, est entrée en France le 5 juillet 2016. A la suite du rejet de sa demande d'asile, elle a fait l'objet, le 28 décembre 2020, d'une décision d'obligation de quitter le territoire français. Après l'annulation de cette mesure d'éloignement par le tribunal administratif de Strasbourg, le préfet de la Moselle lui a délivré une autorisation provisoire de séjour et a procédé au réexamen de sa situation administrative. Par un arrêté du 23 août 2021, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet, qui, au surplus, n'y était pas tenu, n'a pas examiné son droit au séjour au regard de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative a inexactement apprécié la situation de la requérante au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... séjournait en France depuis cinq ans à la date de la décision attaquée. Veuve et mère de trois enfants, à savoir deux enfants en situation irrégulière et un mineur scolarisé, elle ne se prévaut d'aucune autre attache familiale en France. Elle n'établit pas qu'elle aurait tissé en France des liens personnels d'une intensité particulière. Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache en Arménie, pays dans lequel elle a vécu jusque l'âge de trente-quatre ans. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme C..., la décision de refus de titre de séjour ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

6. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'arrêté en litige, que, pour refuser de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme C..., le préfet de la Moselle, s'est fondé sur la double circonstance que, d'une part, elle ne pouvait être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour et, d'autre part, sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

7. D'une part, Mme C... se prévaut de son entrée en France au cours de l'année 2013, de la scolarisation de son fils mineur et de la signature, récente à la date de la décision attaquée, d'un contrat de travail à durée indéterminée comme serveuse au mois de juillet 2021. Toutefois ces seules circonstances ne constituent ni un motif humanitaire ni un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées alors que Mme C... s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français et qu'elle ne se prévaut d'aucun élément de nature à faire obstacle à son retour en Arménie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. D'autre part, si les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que la présence en France de Mme C... représente une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur le précédent motif pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes du dernier alinéa de cet article L. 435-1 : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

10. Il résulte des motifs exposés au point 4 que Mme C... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'était tenu de saisir la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande de titre, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, qui n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'étranger à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de séjour, est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le droit d'être entendu aurait été méconnu avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse.

12. En dernier lieu, au regard des motifs exposés aux points 4 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste au regard de la situation personnelle de la requérante en l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que doit être écarté le moyen invoqué par Mme C... tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour :

14. Au regard des motifs exposés aux points 4 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation interdisant à la requérante de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Picque, première conseillère,

- Mme Barrois, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm.

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N° 22NC00023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00023
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-13;22nc00023 ?
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