La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2023 | FRANCE | N°22NC01334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 11 avril 2023, 22NC01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a décidé son transfert aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du même jour et du même préfet l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2200657 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 202

2, Mme B..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a décidé son transfert aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du même jour et du même préfet l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2200657 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 11 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes :

- contrairement à ce qu'a retenu le magistrat désigné pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, il ne pouvait être remis en cause ses liens avec son époux et le magistrat ne pouvait pas plus retenir que son époux bénéficiait de la protection subsidiaire en Italie, alors que cette protection avait pris fin.

S'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :

- l'arrêté l'assignant à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes.

Par un courrier du 26 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le délai de transfert fixé à six mois par l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a recommencé à courir à compter de la notification du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 25 avril 2022 et est désormais expiré, de sorte que les conclusions relatives à l'arrêté de transfert sont privées d'objet.

La requête a été communiquée au préfet du Doubs, qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante afghane, est entrée sur le territoire français et y a présenté une demande d'asile enregistrée le 1er décembre 2021. Par un arrêté du 11 avril 2022, le préfet du Doubs a ordonné son transfert aux autorités italiennes. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Doubs l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours. Mme B... fait appel du jugement du 25 avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 11 avril 2022.

Sur l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 27 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013 et des articles L. 572-1, L. 572-5, L. 572-2 et L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. La requête de Mme B... devant le tribunal administratif de Besançon a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Italie. Ce délai a recommencé à courir à compter du 26 avril 2022, date de la notification au préfet du Doubs du jugement du magistrat désigné par le président de ce tribunal en date du 25 avril 2022 et n'a pas été interrompu par l'appel de Mme B... devant la cour. Ainsi, à la date du présent arrêt, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection de Mme B.... Le litige étant dès lors privé d'objet, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

4. Mme B... soutient uniquement que l'arrêté portant assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes et doit ainsi être regardée comme se prévalant de l'illégalité de l'arrêté de transfert du fait de sa méconnaissance de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que de sa méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont il est entaché.

5. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Mme B... se prévaut de la présence en France de M. B..., qui serait son mari et qui aurait vocation à rester sur le territoire français, à tout le moins le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. Pour autant, il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est déclarée aux autorités italiennes sous le nom de Mme C..., soit son nom de naissance, et qu'alors qu'elle a été invitée par le préfet du Doubs à justifier de la réalité de son mariage, elle se borne à produire un document faisant certes état de ce mariage, mais dont la date n'est pas mentionnée et dont l'identité de l'auteur est inconnue. Dans ces conditions et quand bien même elle aurait présenté sa demande d'asile en même temps que M. B..., qu'elle aurait alors déclaré aux autorités françaises être mariée avec ce dernier et qu'elle vivrait avec lui, elle ne démontre ni la réalité, ni la durée de ses éventuels liens maritaux avec M. B.... Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. B... bénéficie de la protection subsidiaire en Italie et dispose, même s'il doit renouveler son titre de séjour, de la possibilité de résider dans ce pays. Bien que M. B... ait également présenté une demande d'asile en France concomitamment à celle de la requérante, il n'évoque, ni n'établit l'existence d'un obstacle à ce qu'il se rende en Italie pendant la durée de l'examen de la demande d'asile de Mme B.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence en raison de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet dans l'arrêté de transfert au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

7. Compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 6, les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence en raison de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté de transfert des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de Mme B... et de la méconnaissance par ce même arrêté de transfert de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... née C..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. D...Le président,

Signé : C. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01334
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-11;22nc01334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award