Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision n° 1/2019 par laquelle la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe hospitalier Sélestat-Obernai l'a exclue définitivement de la formation en soins infirmiers.
Par un jugement n° 1908401 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2021 et le 21 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Marx, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision n° 1/2019 de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai ;
3°) d'enjoindre à la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai de la réintégrer dans la formation suivie avec effet rétroactif au 5 juillet 2019 et de l'autoriser à redoubler, dans un délai de trois semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier Sélestat-Obernai la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la présidente de la formation de jugement s'était déjà prononcée, en qualité de juge des référés, sur sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision attaquée ; la présidente de la formation de jugement a préjugé de l'issue du litige en se prononçant sur le litige en référé ;
- elle a été privée de la possibilité de préparer utilement sa défense, compte tenu des termes de la convocation et du rapport de la directrice de l'IFSI, qui ne précisaient ni la nature de la décision qui pouvait être prise par la section, ni les faits incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge qui lui étaient reprochés et alors que la convocation indiquait à tort que la section pédagogique émettrait uniquement un avis sur sa situation ;
- la composition de la section pédagogique est irrégulière dès lors que l'un des membres a siégé tant en raison de ses fonctions de représentant de la directrice que de responsable de la coordination pédagogique de l'institut et n'était pas, en raison de ses liens avec la directrice, indépendant et impartial ;
- la liste d'émargement de la séance de la section pédagogique atteste que plusieurs membres n'ont pas été convoqués ;
- il n'a pas été désigné de secrétaire de séance lors de la réunion de la section pédagogique et la présidente, qui a cumulé plusieurs fonctions, a eu toute latitude pour rédiger un procès-verbal à sa convenance ; le procès-verbal de la réunion de la section pédagogique ne reprend d'ailleurs pas l'intégralité de l'intervention de la personne l'ayant assistée ;
- la directrice de l'institut a saisi la section en sa qualité de présidente et non de directrice de l'institut de formation en méconnaissance des exigences de l'article 14 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- la présidente a lors de la réunion de la section pédagogique invité les membres à se prononcer sur une sanction non prévue par l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007 précité et le vote de cette sanction a été réalisé à main levée avec possibilité de prononcer des explications à son vote ;
- la présidente n'a pas soumis au vote la possibilité d'une exclusion temporaire, ainsi qu'elle était tenue de le faire ;
- après avoir obtenu une majorité des votes sur le principe d'une exclusion temporaire, la présidence ne pouvait mettre au vote la mesure d'exclusion définitive.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 septembre 2021 et le 26 juillet 2022, le groupe hospitalier Sélestat-Obernai, représenté par Me Muller-Pistré, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été admise en 2016 à l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe hospitalier Sélestat-Obernai, dans le cadre d'une formation de trois ans aux soins infirmiers. Par une décision n°1/2019 notifiée à Mme B... le 22 octobre 2019, la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'institut l'a exclue définitivement de cette formation. Mme B... fait appel du jugement du 11 mars 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision litigieuse :
2. D'une part, aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux : " La section rend, sans préjudice des dispositions spécifiques prévues dans les arrêtés visés par le présent texte, des décisions sur les situations individuelles suivantes : / 1. Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; (...) / Le dossier de l'étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, est transmis au moins sept jours calendaires avant la réunion de cette section. / L'étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres de la section. La section entend l'étudiant, qui peut être assisté d'une personne de son choix. / L'étudiant peut présenter devant la section des observations écrites ou orales. (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, et le cas échéant la direction des soins, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. (...). Lorsque la section se réunit, en cas de suspension ou non, elle peut proposer une des possibilités suivantes : / - soit alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ ou pratique selon des modalités fixées par la section ; / - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire, pour une durée maximale d'un an, ou de façon définitive ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le cas d'un étudiant, qui aurait accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, est soumis à la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, l'intéressé doit être mis à même de connaître les causes de cette saisine ainsi que les décisions susceptibles d'être prises à l'issue de la procédure, afin de pouvoir présenter utilement des observations et de se faire assister, le cas échéant, par la personne de son choix.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le courrier de convocation adressé à Mme B... se borne à indiquer à cette dernière que sa situation de formation sera étudiée par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants et à mentionner l'article 15 du décret du 21 avril 2007. Cette convocation n'évoque ainsi pas les différentes mesures pouvant être adoptées à l'issue de cette réunion et ne vise même pas l'article 16 précité du décret du 21 avril 2007, énumérant les différentes décisions susceptibles d'être prises par la section. Dans ces conditions et alors que le groupe hospitalier Sélestat-Obernai n'établit ni même n'allègue que cette information avait été donnée à Mme B..., cette dernière est fondée à soutenir qu'elle n'a pas été informée, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse, des décisions pouvant être adoptées par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants et notamment de la possibilité d'être exclue définitivement de la formation suivie. La décision en litige est donc entachée d'un vice de procédure ayant privé Mme B... d'une garantie, de sorte qu'elle doit être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par Mme B..., que la requérante est fondée à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision n° 1/2019 de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique uniquement et sous réserve de changement de circonstances de fait, qu'il soit enjoint à la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai , qui dispose toujours de la possibilité de saisir à nouveau la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de la situation de Mme B..., de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, toutes les mesures nécessaires pour assurer la réintégration de Mme B... dans la formation qu'elle suivait. Il n'y a pas lieu toutefois, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir ces prescriptions d'une astreinte. En revanche, l'exécution du présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint à la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai d'autoriser Mme B... à redoubler.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le groupe hospitalier Sélestat-Obernai au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du groupe hospitalier Sélestat-Obernai le versement de la somme de 1 000 euros à Mme B... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2021 et la décision n°1/2019 de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du groupe hospitalier Sélestat-Obernai de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, toutes les mesures nécessaires pour assurer la réintégration de Mme B... dans la formation en soins infirmiers suivie.
Article 3 : Le groupe hospitalier Sélestat-Obernai versera la somme de 1 000 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le groupe hospitalier Sélestat-Obernai sont rejetées.
Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... née D... et au groupe hospitalier Sélestat-Obernai.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. C...
La présidente,
Signé : G. HAUDIERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC00993
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