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11/04/2023 | FRANCE | N°20NC03649

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 11 avril 2023, 20NC03649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le président de l'université de Strasbourg a refusé d'autoriser la soutenance de sa thèse de doctorat en théologie.

Par un jugement n° 2000962 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 5 avril e

t 6 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Paloux, demande à la cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le président de l'université de Strasbourg a refusé d'autoriser la soutenance de sa thèse de doctorat en théologie.

Par un jugement n° 2000962 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 5 avril et 6 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Paloux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000962 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du président de l'université de Strasbourg du 9 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au président de l'université de Strasbourg, à titre principal, de l'autoriser à soutenir sa thèse de doctorat dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de quatre cents euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à l'examen de sa demande de soutenance de thèse sous astreinte de quatre cents euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'université de Strasbourg la somme de 4 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation ;

- il est également entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges, en renversant la charge de la preuve, ont porté atteinte au respect des droits de la défense, garanti au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision du 9 décembre 2019 méconnaît les dispositions du deuxième alinéa de l'article 17 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat, dès lors que la désignation d'un troisième rapporteur n'était pas légalement justifiée et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette désignation a été précédée de l'avis du directeur de thèse ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, les trois rapporteurs ont été unanimes sur la qualité de son travail, son investissement et la prise en compte des commentaires précédemment émis et que, d'autre part, les deux premiers étaient favorables à la soutenance de sa thèse ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- le mémoire en défense est irrecevable en l'absence de précision concernant la personne ou l'organe habilité à représenter l'université de Strasbourg et de production d'une décision l'autorisant à ester en justice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2022, l'université de Strasbourg, représentée par Me Clamer, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Tily pour l'université de Strasbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 27 juin 1949 et exerçant la profession de médecin généraliste, M. C... A... s'est inscrit, le 22 octobre 2010, à l'université de Strasbourg pour y préparer une thèse de doctorat en théologie intitulée " Création et altérité ". L'intéressé ayant été contraint de reporter sa soutenance de sa thèse, initialement prévue le 16 septembre 2016, en raison des avis défavorables émis par les deux rapporteurs désignés, le directeur de l'école doctorale a refusé d'autoriser à titre dérogatoire, les 21 et 28 septembre 2016, sa réinscription en septième année de doctorat pour l'année universitaire 2016-2017. Par un jugement n° 1700042 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions pour erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 14 de l'arrêté du 25 mai 2016 et a enjoint à l'université de Strasbourg de réexaminer la demande de dérogation présentée par le requérant. M. A... ayant pu se réinscrire en doctorat pour une année supplémentaire au titre de l'année universitaire 2018-2019, un jury de thèse a été constitué le 16 mai 2019 en vue d'une soutenance fixée au 28 septembre 2019. Toutefois, le 25 septembre 2019, malgré les avis favorables des deux rapporteurs désignés, le directeur de l'école doctorale a informé le directeur de thèse du requérant de la suspension de cette soutenance et lui a proposé la désignation d'un troisième rapporteur. Au vu du rapport défavorable établi par ce dernier le 25 novembre 2019, le président de l'université de Strasbourg, par une décision du 9 décembre 2019, a refusé d'autoriser le requérant à soutenir sa thèse de doctorat. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Il relève appel du jugement n° 2000962 du 21 octobre 2020, qui rejette sa demande.

Sur la recevabilité des conclusions en défense présentée par l'université de Strasbourg :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors applicable : " Le président assure la direction de l'université. A ce titre : (...) 2° Il représente l'université à l'égard des tiers ainsi qu'en justice, conclut les accords et les conventions ; (...) ". Aux termes du premier alinéa du quatrième paragraphe de l'article L. 712-3 du même code : " IV.- Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement. A ce titre : 6° Il autorise le président à engager toute action en justice ; (...) ".

3. En application de ces dispositions combinées, le président de l'université de Strasbourg a qualité pour défendre en appel au nom de l'université, sans avoir à justifier d'une habilitation à cette fin par le conseil d'administration. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2021, serait irrecevable en l'absence de précision concernant la personne ou l'organe habilité à représenter la défenderesse et de production d'une décision l'autorisant à ester en justice.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des pièces du dossier, spécialement des motifs exposés au point 6 du jugement contesté, que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la décision du président de l'université de Strasbourg du 9 décembre 2019 serait entaché d'un vice de procédure. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisance de motivation.

5. En second lieu, le requérant fait valoir que les premiers juges auraient renversé la charge de la preuve en affirmant qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de thèse de M. A... aurait émis un avis défavorable à la désignation de ce troisième rapporteur ". Toutefois, un tel moyen, s'il est susceptible, le cas échéant, d'affecter le bien-fondé du jugement contesté, s'avère, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 17 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat : " L'autorisation de soutenir une thèse est accordée par le chef d'établissement, après avis du directeur de l'école doctorale, sur proposition du directeur de thèse. / Les travaux du doctorant sont préalablement examinés par au moins deux rapporteurs désignés par le chef d'établissement, habilités à diriger des recherches ou appartenant à l'une des catégories mentionnées au 1° et au 2° de l'article 16 du présent arrêté, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse. / (...) / Sauf si le champ disciplinaire ou le contenu des travaux ne le permettent pas, les deux rapporteurs sont extérieurs à l'école doctorale et à l'établissement du doctorant. Ils peuvent appartenir à des établissements d'enseignement supérieur ou de recherche étrangers ou à d'autres organismes étrangers. / Les rapporteurs n'ont pas d'implication dans le travail du doctorant. / Les rapporteurs font connaître, au moins quatorze jours avant la date prévue pour la soutenance, leur avis par des rapports écrits ; sur cette base, le chef d'établissement autorise la soutenance. Ces rapports sont communiqués au jury et au doctorant avant la soutenance. ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le directeur de l'école doctorale a proposé le nom d'un universitaire susceptible d'être désigné comme troisième rapporteur aux fins d'émettre un avis sur les travaux de M. A... dans un courriel du 25 septembre 2019 adressé à son directeur de thèse et que celui-ci a émis un avis sur cette proposition par un courriel du même jour. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

8. D'autre part, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 17 de l'arrêté du 25 mai 2016, qui prévoient que les travaux du doctorant sont préalablement examinés par " au moins " deux rapporteurs désignés par le chef d'établissement sur proposition du directeur de l'école doctorale et après avis du directeur de thèse, ne font nullement obstacle, le cas échéant, à la désignation d'un troisième rapporteur selon les mêmes modalités. Dans ces conditions, à supposer même qu'aucun manque d'impartialité ne puisse être retenu à l'encontre de l'un des deux rapporteurs initialement désignés, le président de l'université de Strasbourg a pu légalement solliciter, par courrier du 7 octobre 2019, l'expertise d'un rapporteur supplémentaire aux fins d'apprécier la qualité du travail de thèse de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit également être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans son rapport du 25 novembre 2019, le troisième rapporteur, tout en reconnaissant l'ampleur du travail fourni, s'est explicitement opposé à la soutenance de la thèse de M. A... au motif que, compte tenu des déficiences formelles et argumentatives qu'elle comporte, les exigences minimales pour ce type de recherche académique ne sont pas remplies. Si les deux rapporteurs initialement désignés ont émis un avis favorable, leurs rapports respectifs des 3 et 23 septembre 2019 n'en soulignent pas moins les mêmes carences de forme et de fond. Ainsi, après avoir relevé que M. A..., compte tenu de son parcours, n'envisage aucune carrière universitaire et que sa thèse, dès lors qu'elle ne sera probablement jamais publiée, ne portera pas préjudice au bon renom de l'institution, le premier conditionne son acceptation de principe à l'attribution d'une mention exprimant le caractère " juste suffisant " de cette recherche. Le second, qui s'était opposé en 2016 à la soutenance, se montre certes particulièrement sensible aux efforts importants de réécriture et de structuration entrepris par le requérant pour améliorer son travail. Toutefois, il concède volontiers que l'intéressé " y a réussi partiellement seulement " et que le texte actuel, s'il " se rapproche un peu plus de l'idée que l'on peut se faire d'une thèse universitaire ", " reste entaché de faiblesses notoires ". Dans ces conditions, eu égard à l'importance des insuffisances pointées par les trois rapporteurs, le président de l'université de Strasbourg, en refusant d'autoriser M. A... à soutenir sa thèse de doctorat, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la qualité de ses travaux. Par suite, le moyen invoqué en ce sens ne peut être accueilli.

10. En troisième et dernier lieu, si M. A... fait valoir que l'université de Strasbourg lui serait hostile en raison du recours contentieux qu'il a exercé contre les refus des 21 et 28 septembre 2016 d'autoriser sa réinscription en septième année de doctorat et qui a conduit à l'annulation de ces décisions par le tribunal administratif de Strasbourg, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige aurait été prise pour des motifs étrangers à la qualité des travaux présentés par l'intéressé. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'étant pas établi, ce moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 décembre 2019, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université de Strasbourg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la défenderesse sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Strasbourg en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'université de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

-M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC03649 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03649
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-11;20nc03649 ?
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