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06/04/2023 | FRANCE | N°22NC01737

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2023, 22NC01737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200452 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

4 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Parison, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200452 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Parison, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 14 février 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est entaché de défaut de motivation quant à sa situation personnelle, en méconnaissance de l'article 27 de la loi n° 98-170 et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les premiers juges ont statué ultra petita ;

S'agissant de la légalité du refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code ;

- elle méconnaît les dispositions de la loi du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une carte de séjour à de nouveaux proches du protégé subsidiaire ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 371-2 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît la circulaire n° NOR INTK 1229185 C du 28 novembre 2012 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née en 1991 et de nationalité ivoirienne, est entrée régulièrement en France le 5 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 15 février 2018, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande au motif que des éléments concordants permettaient de suspecter une reconnaissance frauduleuse de paternité destinée à permettre la régularisation de l'intéressée, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire. Les recours introduits par l'intéressée contre cet arrêté ont été rejetés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la cour administrative d'appel de Nancy. Le 15 décembre 2021, Mme C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 14 février 2022, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 février 2022.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments de la demanderesse, ont répondu, de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures de Mme C..., notamment aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de cette même convention n'ayant pas été soulevé en première instance, la requérante ne saurait soutenir que le jugement est insuffisamment motivé sur ce point. Elle ne saurait pas plus utilement se prévaloir des dispositions de l'article 27 de la loi n° 98-170 ni de celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne régissent pas la motivation des jugements. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué ultra petita n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qui refuse à Mme C... la délivrance des titres de séjour prévus par les dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se sont substituées aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code invoquées par la requérante et étaient applicables à la date de la décision en litige : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Si Mme C... résidait sur le territoire français depuis cinq ans à la date de la décision en litige, elle ne justifie pas y avoir d'attaches familiales, en dehors de son fils mineur dont la seule présence à ses côtés ne suffit pas à lui ouvrir un droit au séjour, ni y avoir noué des liens personnels. La circonstance qu'elle ferait des efforts d'intégration, par sa participation à une collecte de la Banque alimentaire, n'est pas de nature à établir que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas de la décision en litige qu'elle porterait refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se sont substituées aux dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code. Par suite, Mme C... ne saurait utilement soutenir que la décision en litige méconnaît ces dispositions.

9. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile n'est pas plus assorti, en appel que devant les premiers juges, des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Contrairement à ce qu'elle soutient, le refus de séjour qui lui a été opposé n'entraîne aucune séparation entre Mme C... et son fils mineur. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. (...) ". Ces stipulations créant seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir de droits aux intéressés, Mme C... ne peut pas utilement s'en prévaloir.

13. En septième lieu, et ainsi qu'il a déjà été dit, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme C... n'emporte aucune séparation avec son fils mineur. Par suite, et en tout état de cause, la requérante ne saurait utilement soutenir que la décision en litige l'empêchera d'assumer ses fonctions de mère, ni qu'elle méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article 371-2 du code civil aux termes duquel : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur ".

14. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, et alors qu'il n'est pas établi que l'enfant mineur de la requérante ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans le pays d'origine de sa mère, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige, qui n'emporte aucune séparation avec son fils mineur, méconnaît les stipulations précitées. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le refus de titre de séjour doit également être écarté.

16. En dernier lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit. Par suite, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision en litige.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de sa requête à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à Me Parison et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : H. B... Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC01737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01737
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : PARISON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-06;22nc01737 ?
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