Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie de la République a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2014 et de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée à hauteur de 82 345 euros.
Par un jugement n° 1907034 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2021 la SARL Pharmacie de la République, représentée par le cabinet Judicia Conseils, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sommes détournées dans sa caisse constituent une perte exceptionnelle déductible de son bénéfice imposable de l'année 2014 en ce que des moyens de contrôle avaient été mis en place pour tous les salariés encaissant des espèces ce que l'administration s'est refusée à considérer ;
- l'amende de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas fondée dès lors qu'à plusieurs reprises au cours du contrôle elle a indiqué au vérificateur de manière circonstanciée le bénéficiaire des détournements de fonds.
Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL Pharmacie de la République, située à Hoenheim (Bas-Rhin), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 10 mai 2017, l'administration fiscale a porté à sa connaissance qu'elle envisageait la réintégration dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'année 2014 d'une somme de 97 000 euros comptabilisée en charge exceptionnelle. Ce redressement a été confirmé par lettre du 9 août 2017 en réponse aux observations de la société. En outre, par cette même lettre, le service l'a informée qu'il envisageait de lui infliger une amende de 72 750 euros sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Les impositions supplémentaires et l'amende ont été mises en recouvrement le 30 mars 2018 conformément à un avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 15 janvier 2018. Les réclamations préalables de la société ont fait l'objet de décisions de rejet des 15 novembre 2018 et 11 juillet 2019. La SELARL Pharmacie de la République relève appel du jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et de cette amende.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale, sans qu'il y ait lieu pour elle, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion faits par l'entreprise et notamment sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.
3. En cas de détournements de fonds commis au détriment d'une société, les pertes qui en résultent sont, en principe, déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers. En revanche, ne sont pas déductibles les détournements commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société.
4. Il résulte de l'instruction que le service a constaté au cours de la vérification de comptabilité que la SELARL Pharmacie de la République avait comptabilisé en charge exceptionnelle et déduit de son bénéfice imposable de l'année 2014 la somme de 97 000 euros. Interrogée sur cette écriture, la gérante a expliqué que cette somme correspondait à des détournements d'espèces dans la caisse commis au préjudice de la société et a indiqué avoir porté plainte le 1er octobre 2015, à raison de ces faits, contre son époux à qui elle avait confié, sans rémunération, la gestion administrative de l'officine de pharmacie et en particulier la responsabilité de la remise en banque des recettes encaissées.
5. L'époux de la gérante de la société requérante, collaborateur de l'exploitant pour les organismes sociaux, doit en l'espèce être regardé comme un préposé assimilable à un salarié, en dépit de son absence de rémunération, et non pas comme un tiers. Si la société requérante soutient que l'intéressé était traité à l'instar des autres salariés et que rien ne permettait de supposer qu'il pourrait se montrer indélicat, il ne résulte pas de l'instruction que la gérante a mis en place des dispositifs de contrôle de ces salariés en ce qui concerne le maniement des espèces, la gestion de la caisse et les remises en banque. Au contraire, il ressort de la proposition de rectification que la globalisation en comptabilité des recettes espèces rendait impossible tout contrôle. Il ressort également de la proposition de rectification que l'importance des espèces détournées aurait dû alerter la gérante. Si la société requérante soutient avoir pris toutes les précautions nécessaires pour empêcher l'époux de la gérante d'utiliser le logiciel de comptabilité, afin de prévenir des irrégularités analogues à celles qu'il avait commises au sein d'un précédent établissement, elle n'en justifie pas alors que l'administration soutient sans être contredite que l'intéressé a été maintenu dans ses fonctions postérieurement au dépôt de plainte du 1er octobre 2015. Dès lors qu'il n'est pas contesté que le détournement litigieux n'a pu être commis que par un des salariés au nombre desquels il y a lieu de ranger l'époux de la gérante, c'est à juste titre que l'administration fiscale, afin de réintégrer la somme litigieuse, a estimé que celle-ci avait fait preuve d'une carence manifeste contraire aux intérêts sociaux dans la gestion des risques liés à la caisse ayant rendu possible cette perte.
Sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts :
6. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ". Il résulte de ces dispositions que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts, et ne fait obstacle ni à ce qu'elle applique à cette société, à défaut de toute réponse, l'amende prévue par l'article 1759 du même code, ni à ce qu'une réponse tardive ou manifestement incomplète ou insuffisante soit assimilée à un défaut de réponse.
7. Il résulte de l'instruction que le service a demandé le 10 mai 2017 à la SELARL Pharmacie de la République de lui désigner le bénéficiaire des revenus réputés distribués correspondant à la somme de 97 000 euros réintégrée, à juste titre ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans son bénéfice imposable. En réponse à cette demande la société a indiqué le 21 juin 2017 qu'elle contestait le redressement et n'a communiqué aucun bénéficiaire de distributions.
8. Contrairement à ce que soutient la société requérante, sa gérante s'est bornée au cours de la vérification de comptabilité à indiquer au vérificateur qu'elle avait déposé plainte contre son époux qu'elle soupçonnait d'avoir détourné les fonds et n'a pas indiqué que ce dernier aurait été le bénéficiaire de revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts alors au demeurant qu'aucune demande en ce sens ne lui avait été faite avant le 10 mai 2017. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir avoir spontanément indiqué le bénéficiaire des revenus distribués à l'administration fiscale tandis qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle n'a pas répondu à la demande du 10 mai 2017.
9. Il résulte des règles ci-dessus rappelées que la circonstance que, compte tenu de la plainte déposée par la société, le service pouvait soupçonner que l'auteur des détournements pouvait être l'époux de la gérante, susceptible de le faire regarder comme le bénéficiaire de revenus distribués, n'était pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie de la République n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie de la République est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie de la République et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC00859
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