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06/04/2023 | FRANCE | N°21NC00529

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2023, 21NC00529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) Saint-Louis a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1801504 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2021 et un mémoire enregistré le 24 juin 2021, la SC Sa

int-Louis, représentée par Me Michel et Me Favre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) Saint-Louis a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1801504 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2021 et un mémoire enregistré le 24 juin 2021, la SC Saint-Louis, représentée par Me Michel et Me Favre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la clôture des exercices concernés, le risque de non-recouvrement de sa créance en compte courant sur la SCI Les Amis Sportif était probable et c'est à tort que l'administration estime que la solvabilité du débiteur serait bonne et soutient qu'il conviendrait de prendre en compte les possibilités de remboursement par l'autre associé ou qu'une avance en compte courant constituerait une aide à caractère financier non déductible ; l'analyse de l'administration selon laquelle cette avance en compte courant serait destinée à couvrir les déficits de la SCI Les Amis Sportifs est erronée dès lors que cette avance était destinée à assumer l'emprunt bancaire souscrit par cette société ; c'est à tort que l'administration entend mettre en œuvre la théorie de la correction symétrique des bilans alors que les dotations aux provisions des exercices 2011 et 2012 n'ont pas été remises en cause ;

- la provision pour dépréciation des titres de la SCI du Fort Pélissier est justifiée par la valeur patrimoniale de cette société et non pas par ses résultats déficitaires ;

- le risque de non-recouvrement de sa créance en compte courant sur la SCI du Fort Pélissier est établi à la clôture des exercices concernés et c'est à tort que l'administration estime que la solvabilité du débiteur serait bonne et soutient qu'il conviendrait de prendre en compte les possibilités de remboursement par l'autre associé ou qu'une avance en compte courant constituerait une aide à caractère financier non déductible ;

- c'est à tort que l'administration, mettant en œuvre les dispositions du 4 de l'article 39 du code général des impôts, a estimé que la SCEA 2J n'avait pas d'activité réelle et n'avait pour objet que d'entretenir une résidence d'agrément au profit des associés, afin de refuser la déduction des provisions pour dépréciation des titres et pour dépréciation d'une créance en compte courant de cette société alors que le domaine agricole de cette société ne saurait être qualifié de résidence de plaisance et que la valeur patrimoniale de cette société est négative et le recouvrement de sa créance obéré, justifiant ainsi les provisions litigieuses.

Par un mémoire enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Michel, représentant la SC Saint-Louis.

Une note en délibéré, enregistrée au greffe le 16 mars 2023, a été présentée pour la SC Saint-Louis.

Considérant ce qui suit :

1. La SC Saint-Louis, dont les bénéfices sont imposables à l'impôt sur les sociétés à la suite de l'option régulière qu'elle a effectuée en ce sens le 18 août 1997, a pour activité la prise de participation dans des sociétés de gestion immobilière. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification du 23 juin 2016 le service a porté à sa connaissance qu'il envisageait selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales des rehaussements de son bénéfice imposable de l'année 2014. Ces rectifications ont été partiellement confirmées par lettre du 7 novembre 2016 en réponse aux observations de la société du 23 août 2016, ainsi qu'à la suite d'un recours hiérarchique et d'une entrevue avec l'interlocuteur départemental ayant donné lieu à des comptes rendus des 20 janvier et 6 mars 2017. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 16 octobre 2017 conformément à un avis de la commission départementale des impôts directs du 7 septembre 2017. La réclamation préalable de la société du 30 novembre 2017 a été rejetée le 6 avril 2017 par l'administration fiscale. La SC Saint-Louis relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de cette imposition supplémentaire.

Sur les provisions pour créances douteuses concernant respectivement la SCI Les Amis Sportifs et la SCI du Fort Pélissier :

En ce qui concerne la provision constituée au 31 décembre 2011 pour dépréciation de la créance détenue sur la SCI Les Amis Sportifs :

2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". En vertu des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, les associés des sociétés civiles immobilières sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il résulte de ces dispositions que, lorsque leur bénéfice imposable est déterminé conformément aux prescriptions des articles 38 et suivants du code général des impôts, ces associés doivent prendre en compte, à la clôture de leurs propres exercices, comme un profit imposable ou comme une charge déductible, la part qui leur revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la société civile. Si cette règle n'a pas pour effet de priver les mêmes associés de la faculté qu'ils tiennent du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts de constituer une provision en vue de faire face à une dépréciation de leur participation dans le cas où des circonstances postérieures à l'acquisition de cette participation et sans lien avec l'activité de la société, rendent probable une dévalorisation de quelque élément du patrimoine de cette dernière, elle fait, en revanche, obstacle à ce qu'ils puissent constituer une telle provision en vue de tenir compte de résultats déficitaires de l'activité de la société, qui, même probables, ne seront qu'ultérieurement constatés dans les écritures de celle-ci et dont alors seulement ils pourront déduire la part qui leur revient.

3. La société requérante soutient que le risque de non recouvrement de sa créance détenue sur la SCI les Amis Sportifs était probable en raison de l'impossibilité pour cette dernière de faire face à son passif. Il résulte de l'instruction que la provision de 182 500 euros au 31 décembre 2011 a été constituée par la SC Saint-Louis, en raison du risque de non-recouvrement des créances afférentes aux avances qu'elle avait consenties en compte-courant d'associé à sa filiale soumise au régime d'imposition des sociétés de personnes. Ces avances étaient destinées à permettre à cette dernière, notamment, de rembourser l'emprunt bancaire contracté pour l'acquisition de la salle de football offerte à la location et dont le locataire était défaillant. Les avances consenties à la SCI Les Amis Sportifs avaient ainsi vocation à financer son activité en vue de l'accomplissement de son objet social. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le risque pour la SC Saint-Louis de perdre sa créance est indissociable de la perte qui a vocation à être constatée dans les écritures de la SCI les Amis Sportifs, et dont, en tant qu'associée, elle pourra alors imputer la part correspondant à sa participation sur ses propres résultats, ce qu'elle a d'ailleurs fait au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a pu remettre en cause pour ce motif la constitution de cette provision.

4. En second lieu et de surcroît, aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : /(...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient déductibles, nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

5. En raison du fait que les membres d'une société civile immobilière sont tenus des dettes de celle-ci à l'égard des créanciers, une créance sur une société de cette forme ne peut être considérée comme douteuse que si elle est reconnue comme telle à l'égard non seulement de la société elle-même mais aussi de ses membres. Il n'est pas allégué par la société requérante que l'autre associé de la SCI Les Amis Sportifs, en l'occurrence la société civile Groupe Caillot, tenu en cette qualité au passif social, ne serait pas en mesure de faire face au paiement de cette dette. La circonstance que cet autre associé détient lui-même sur la SCI une créance d'égal montant est sans incidence sur l'appréciation du caractère douteux de la créance détenue par la SC Saint-Louis. Par suite, en l'absence de justification du caractère douteux de sa créance détenue sur la SCI Les Amis Sportifs au 31 décembre 2011, la société requérante ne pouvait la provisionner en vertu des règles rappelées au point ci-dessus.

En ce qui concerne l'application du 13 de l'article 39 du code général des impôts :

6. Aux termes du 13 du même article 39 du code général des impôts applicable aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 : " Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial./Le premier alinéa ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611- 8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte./Les aides mentionnées au deuxième alinéa qui ne revêtent pas un caractère commercial sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l'entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides ".

7. Il résulte de l'instruction que la SC Saint-Louis a accordé à la SCI Les Amis Sportifs, dans le capital de laquelle elle détient la moitié des parts, des avances en compte courant qui se sont élevées à 467 793 euros au 31 décembre 2014, comptabilisées à l'actif de son bilan dans le compte " 26713 - créances rattachées à des participations ". La SC Saint-Louis a constitué des provisions pour dépréciation de cette créance, comptabilisées au compte " 29674 - dépréciations des participations et créances rattachées à des participations ", pour les sommes de 55 000 euros au 31 décembre 2012 et 227 462,50 euros au 31 décembre 2014. Il résulte également de l'instruction que la SC Saint-Louis a accordé à la SCI du Fort Pélissier, dans le capital de laquelle elle détient 88,74 % des parts, des avances en compte courant qui se sont élevées à 1 150414,51 euros au 31 décembre 2013 et 1 169 789,19 euros au 31 décembre 2014, comptabilisées à l'actif de son bilan dans le compte " 26713 - créances rattachées à des participations ". La SC Saint-Louis a constitué une provision pour dépréciation de cette créance, comptabilisée au compte " 29674 - dépréciations des participations et créances rattachées à des participations " pour sa totalité au 31 décembre 2014. Estimant que ces provisions n'étaient pas déductibles des bénéfices de la SC Saint-Louis, l'administration fiscale les a réintégrées dans le résultat de l'exercice 2014.

8. Il n'est pas établi ni même allégué par la société requérante qu'elle aurait entretenu des relations commerciales avec la SCI Les Amis Sportifs et la SCI du Fort Pélissier. Contrairement à ce qu'elle soutient, le fait pour une société de consentir à des filiales des avances sans intérêts constitue une aide au profit de ces dernières, ces avances seraient-elles remboursables ou justifiées par la nécessité de leur permettre de faire face à leurs échéances d'emprunts ou à des pertes exceptionnelles. Dès lors, les avances de trésorerie que la SC Saint-Louis a spontanément consenties à ses filiales constituent des aides à caractère financier et les pertes qui résulteraient du non-recouvrement de ces créances ne sont dès lors pas déductibles des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions ci-dessus reproduites du 13 de l'article 39 du code général des impôts. En conséquence, les provisions constituées afin de faire face au risque de non-recouvrement des créances en compte courant détenues par la SC Saint-Louis sur la SCI Les Amis Sportifs et la SCI du Fort Pélissier ne sont pas elles-mêmes déductibles de ses bénéfices imposables à défaut d'être destinées à faire face à des charges déductibles en vertu des règles rappelées au point 6 ci-dessus. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions ci-dessus reproduites que l'administration fiscale a pu, pour ce seul motif, réintégrer le montant des provisions litigieuses dans le bénéfice de l'exercice 2014 en l'absence d'écritures de reprises de ces dernières.

9. De surcroit, d'une part, il résulte de l'instruction d'une part, que les risques auxquels sont destinées à faire face les provisions ci-dessus analysées sont indissociables des pertes qui ont vocation à être constatées dans les écritures de la SCI les Amis Sportifs et la SCI du Fort Pélissier, et dont, en tant qu'associée, la société requérante pourra alors imputer la part correspondant à sa participation sur ses propres résultats, et d'autre part, il n'est pas allégué par la société requérante que les autres associés de ces SCI, tenus en cette qualité au passif social, ne seraient pas en mesure de faire face au paiement de ces dettes. Par suite, en vertu des règles rappelées aux points ci-dessus, la société requérante ne pouvait déduire de ses bénéfices imposables les provisions pour créances douteuses litigieuses.

En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription :

10. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé./Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession ". Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SC Saint-Louis n'a pas procédé à la reprise des provisions litigieuses constituées au cours des exercices 2011 et 2012 lesquelles étaient, contrairement à ce qu'elle soutient, irrégulières dès l'origine dès lors qu'elles étaient destinées à faire face à des charges non déductibles. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, reproduit ci-dessus, que l'administration a pu réintégrer ces dotations dans le bénéfice de l'exercice 2014, non prescrit, sans qu'y fasse obstacle les dispositions du 4 bis de l'article 38 du même code et de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

Sur la provision pour dépréciation des titres de la SCI du Fort Pélissier :

12. Il résulte des règles rappelées ci-dessus que les membres d'une société visée à l'article 1655 ter du code général des impôts, lorsque leur bénéfice imposable est déterminé conformément aux prescriptions des articles 38 et suivants du code général des impôts, doivent prendre en compte, comme un profit imposable ou comme une perte déductible, la part qui leur revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la société civile immobilière, dès que ceux-ci sont constatés dans les écritures de cette dernière. Il suit de là que la dépréciation de la participation détenue dans une société de cette nature, dans la mesure où elle procède de résultats déficitaires de celle-ci, ne peut être prise en compte par l'associé à un autre titre que celui de la quote-part de déficit qu'il supporte. Dans ces conditions, la constitution d'une provision pour dépréciation de la participation ne pourrait être regardée comme justifiée que dans l'hypothèse où l'actif net comptable de la société civile immobilière apparaîtrait surévalué par rapport au montant probable du produit de la liquidation de ladite société.

13. En admettant comme le soutient la société requérante que la valeur vénale de l'actif immobilier de la SCI du Fort Pélissier au 31 décembre 2014 serait comprise entre 600 000 euros et 700 000 euros, sur la foi de l'évaluation effectuée par Me Chone, notaire, au cours de l'année 2016 et confirmée par lui au titre de l'année 2014, valeur très inférieure à la valeur d'inscription à l'actif dans les écritures de la SCI, il résulte de l'instruction, en particulier des attestations de Me Chone, que la valeur locative du Fort Pélissier est fortement influencée par le montant des loyers consentis par la SCI à son seul locataire à qui elle a dû accorder d'importants rabais compte tenu de ses difficultés commerciales. Il en résulte que la fluctuation de la valeur de l'immeuble appartenant à la SCI du Fort Pélissier est due à un débouché commercial insuffisant et la dépréciation des parts sociales paraît ainsi indissociable de ses conditions d'exploitation. Par suite, en vertu des principes ci-dessus rappelés, c'est à juste titre que l'administration a estimé que la SC Saint-Louis ne pouvait prendre en compte cette dépréciation par voie de provision et a pu, pour ce seul motif, procéder à sa réintégration dans le bénéfice de l'année 2014.

Sur les provisions se rattachant à la participation détenue dans la SCEA 2J :

14. Aux termes du 4 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " ... sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt... les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences (...) Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux charges exposées pour les besoins de l'exploitation et résultant de l'achat, de la location ou de l'entretien des demeures historiques classées, inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ou agréés ou des résidences servant d'adresse ou de siège de l'entreprise en application des articles L. 123-10 et L. 123-11-1 du code de commerce, ou des résidences faisant partie intégrante d'un établissement de production et servant à l'accueil de la clientèle ". Ces dispositions visent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion normale, du fait qu'elle dispose d'une résidence ayant vocation de plaisance ou d'agrément, c'est-à-dire des locaux ayant un caractère notamment de prestige, à laquelle elle conserve ce caractère, et qui ne fait pas l'objet d'une exploitation lucrative spécifique.

15. Il résulte de l'instruction que la SC Saint-Louis détient 50% des parts de la société 2J, société créée en 2006 sous forme de SCI puis transformée en société civile d'exploitation agricole (SCEA) au cours de l'année 2010, laquelle a pour objet l'exploitation d'un domaine présenté comme agricole de plus de 55 hectares attenant à la résidence principale de ses associés. La SC Saint-Louis, en 2013 et 2014, a constitué une provision pour dépréciation des titres détenus au sein de cette société pour des montants respectifs de 600 000 euros et 1 400 000 euros. A la clôture de l'exercice 2014, la SC Saint-Louis a également constitué une provision de 323 000 euros pour créance douteuse à raison des avances en compte courant qu'elle avait consenties à la SCEA 2J. Le service a réintégré ces provisions sur le fondement des dispositions ci-dessus reproduites.

16. Il ressort de la proposition de rectifications adressée à la SCEA 2J dans le cadre de sa vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a considéré que la constitution de cette société reposait sur un abus de droit des associés afin de leur permettre de bénéficier de certains avantages fiscaux à raison des dépenses exposées pour l'amélioration de leur résidence personnelle, que cette société a acquis de nombreuses parcelles à vocation agricole ou forestière, situées dans une zone naturelle, afin de constituer un domaine d'un seul tenant de cinquante-cinq hectares entourant la résidence personnelle de ses associés personnes physiques. La SCEA 2 J a procédé sur ces terres à d'importants travaux d'aménagements paysagers ayant donné lieu à la création de deux étangs, d'une rivière décorative, d'une cascade, de chemins de promenade ainsi qu'à de nombreuses plantations ornementales et à l'engazonnement d'importantes surfaces. La SCEA 2J a implanté sur ces terres un nombreux cheptel d'animaux et de poissons d'ornement. La SCEA 2J s'est prévalue d'un projet économique qualifié d'agricole qui aurait consisté à exploiter la forêt, un centre équestre, une pisciculture et les produits de la chasse. Non seulement ce projet ne s'est jamais concrétisé depuis l'année 2006 mais il paraît dépourvu de toute crédibilité compte tenu du classement en zone naturelle de la propriété et en l'absence de toute dépense engagée pour en permettre la réalisation. Dans ces conditions, la SC Saint-Louis ne saurait utilement soutenir que l'absence de démarrage de l'activité serait due à un refus de permis de construire pour le centre équestre. Il résulte en réalité de l'instruction que la constitution de la SCEA 2J a servi à constituer au profit de la résidence personnelle de ses associés et pour leur usage personnel, un important parc d'agrément.

17. Si la SC Saint-Louis soutient que la SCEA 2J n'est pas elle-même propriétaire d'une résidence à proprement parler, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les parcelles appartenant à cette société sont indissociables de la propriété des associés personnes physiques dont l'ensemble forme une résidence de plaisance et d'agrément au sens des dispositions ci-dessus reproduites du 4 de l'article 39 du code général des impôts. Par suite, c'est à juste titre que l'administration fiscale a pu refuser pour ce seul motif la déduction des provisions comptabilisées par la SC Saint-Louis s'y rapportant.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SC Saint-Louis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SC Saint-Louis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SC Saint-Louis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 21NC00529

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00529
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : FL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-06;21nc00529 ?
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