Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
A... deux recours distincts, M. B... C... et Mme F... C... née D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 3 mars 2022 du préfet de la Moselle portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
En outre, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 du préfet de la Moselle portant assignation à résidence dans le département de la Moselle, obligation de présence à son domicile tous les jours de 17 à 20 heures, et obligation de pointage hebdomadaire en gendarmerie, et demandé l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2022.
A... un jugement n° 2203036[0] du 1er juin 2022, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté du 4 mai 2022 et renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et les conclusions accessoires y afférant à une formation collégiale.
A... un jugement no 2202389, 2202391 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les autres demandes de M. et Mme C....
Procédures devant la cour :
I) A... une requête enregistrée le 8 juillet 2022 sous le n° 22NC01815 et un mémoire enregistré le 9 septembre 2022, M. B... C..., représenté A... Me Agahi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203036 du 1er juin 2022 du président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler les décisions du 3 mars 2022 et du 4 mai 2022 prises à son encontre A... le préfet de la Moselle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'assignation à résidence est illégale en l'absence d'interprète en langue persane, en méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen et est entaché d'insuffisance de motivation ;
- la mesure d'assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il avait introduit un recours contre la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet ; il devait être justifié de ce qui autorisait le préfet à édicter une mesure aussi attentatoire aux libertés publiques ; le droit de la défense a été méconnu ; le préfet ne pouvait préjuger de l'issue du litige qui était en instance devant le tribunal pour estimer que son éloignement demeurait une perspective raisonnable ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour doit être annulée A... voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement ;
- l'interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, compte tenu de l'indisponibilité des traitements nécessités A... l'état de santé de son fils mineur ;
- l'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le fait que le tribunal ait confirmé la légalité de la mesure d'éloignement est sans incidence sur la légalité de l'assignation à résidence édictée antérieurement ; l'assignation à résidence ne pouvait être fondée sur une interdiction de retour édictée accessoirement à une obligation de quitter le territoire qui n'a pas été exécutée.
A... un mémoire enregistré le 29 août 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II) A... une requête enregistrée le 27 juillet 2022 sous le n° 22NC02036, et un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, M. B... C..., représenté A... Me Agahi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 2202389, 2202391 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler les arrêtés du 3 mars 2022 pris à son encontre, ainsi qu'à l'encontre de son épouse, A... le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de 150 euros A... jour de retard, de leur délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à lui-même et à son épouse.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées et n'ont pas été précédées d'un examen individuel de la situation des membres de la famille ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur de fait quant à la disponibilité d'un traitement approprié pour son fils en Iran ;
- ils ont droit à un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant désignation du pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour doit être annulée A... voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement.
A... un mémoire enregistré le 22 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés, en se rapportant à ses écritures de première instance.
A... une ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2022.
Un mémoire, produit pour M. C..., a été enregistré le 9 mars 2023.
III) A... une requête enregistrée le 27 juillet 2022 sous le n° 22NC02037, et un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, Mme F... C... née D..., représentée A... Me Agahi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 2202389, 2202391 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler les arrêtés du 3 mars 2022 pris à son encontre, ainsi qu'à l'encontre de son époux A... le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de 150 euros A... jour de retard, de leur délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à elle-même et à son époux.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées et n'ont pas été précédées d'un examen individuel de la situation des membres de la famille ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur de fait quant à la disponibilité d'un traitement approprié pour son fils en Iran ;
- ils ont droit à un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant désignation du pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour doit être annulée A... voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement.
A... un mémoire enregistré le 22 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés, en se rapportant à ses écritures de première instance.
A... une ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2022.
Un mémoire, produit pour Mme C..., a été enregistré le 9 mars 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les observations de Mme C....
Des notes en délibéré, produites pour M. et Mme C... dans les instances nos 22NC02036 et 22NC02037, ont été enregistrées le 22 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme D... épouse C..., ressortissants iraniens, respectivement nés le 24 janvier 1972 et le 13 août 1978, sont entrés en France le 9 août 2018, selon leurs déclarations, et ont présenté une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié le 10 août 2018. Leurs demandes ont été rejetées A... l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 août 2019, décisions confirmées A... la Cour nationale du droit d'asile le 14 avril 2021. Le 12 novembre 2019, les intéressés ont sollicité leur admission au séjour en raison des soins que nécessiterait l'état de santé de leur fils mineur, né le 23 décembre 2009. Leurs demandes ont été déclarées irrecevables car incomplètes. Le 18 août 2020, les requérants ont à nouveau sollicité leur admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir l'état de santé de leur fils. A... deux arrêtés du 3 mars 2022, le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le préfet de la Moselle a, A... ailleurs, assigné M. C... à résidence, A... un arrêté du 4 mai 2022. A... trois requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer A... un unique arrêt, M. et Mme C... relèvent appel des jugements ayant rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces actes.
Sur la légalité des mesures litigieuses :
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée A... l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à son offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'effectivité du bénéfice d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour refuser aux requérants la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Moselle s'est approprié les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 21 janvier 2022, estimant que si l'état de santé d'Amir, fils de M. et Mme C..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement adapté, et qu'au vu des éléments du dossier, à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Les requérants produisent, pour la première fois en appel, un certificat médical émanant d'un pédiatre exerçant dans un établissement de santé iranien, précisant que l'enfant est traité A... trois substances, dont le Rivotril. Ce document ajoute qu'en raison des sanctions prises à l'encontre de la république islamique d'Iran, ces médicaments ou leurs génériques ne sont pas disponibles en Iran, et que leur administration est indispensable à l'enfant. Il ressort des pièces du dossier que les substances en question correspondent effectivement au traitement qui lui a été prescrit en France. Alors que ce justificatif est de nature à mettre en cause le bien-fondé de l'appréciation portée A... le collège de médecins de l'OFII quant à la disponibilité effective des traitements nécessités A... l'état de santé de l'enfant, l'administration n'a, pour sa part, produit aucun autre élément susceptible de démontrer que des soins adaptés seraient accessibles en Iran. Dès lors, M. et Mme C... sont fondés à soutenir que les refus de titre de séjour qui leur ont été opposés, chacun en ce qui le concerne, méconnaissent les dispositions citées au point 2, et à en demander l'annulation, laquelle implique, A... voie de conséquence, celle des autres mesures édictées à l'encontre de chacun d'entre eux. Ils sont donc fondés, chacun en ce qui le concerne, à soutenir que c'est à tort que leurs demandes ont été rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes et notamment sur les moyens contestant la régularité des jugements.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation des décisions portant refus de titre de séjour implique nécessairement que soit délivrée à M. et Mme C... l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de procéder à la délivrance de ce titre dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement de la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés A... les requérants et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 2202389-2202391 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg, le jugement n° 2203036 du 1er juin 2022 du président du tribunal administratif de Strasbourg et les arrêtés des 3 mars 2022 et 4 mai 2022 du préfet de la Moselle sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. et Mme C..., chacun, l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme F... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 4 avril 2023
La rapporteure,
Signé : A. E...La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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Nos 22NC01815, 22NC02036, 22NC02037