Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2002380 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2022, M. A..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du
6 janvier 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 29 juin 2020 prise à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hami-Znati, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne ne pouvait pas considérer qu'il ne justifiait pas de son état civil ;
- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel.
Une mise en demeure a été adressée le 14 février 2023 au préfet de la Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du
28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 3 février 1982, serait entré en France, selon ses déclarations, le 17 avril 2014. Le 9 novembre 2018, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-7 du même code. Par une décision du 29 juin 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer le titre sollicité. Par un jugement du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision. M. A... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne et signataire de la décision contestée, a reçu, par un arrêté du préfet de la Marne du 24 mars 2020 régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de l'Etat dans la Marne, délégation à l'effet de signer tous actes relevant de la compétence de l'Etat dans le département, à l'exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, M. A... reprend, en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Il ressort des pièces du dossier que, à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfants français, M. A... a présenté de nombreux documents, et plus particulièrement différents extraits du registre des actes de naissance et copie littérale d'acte de naissance pour justifier de son état civil. Par quatre rapports d'expertise documentaire datés des
26 novembre 2018, 15 mars 2019, 19 juin 2019 et 25 février 2020, la cellule zonale Grand Est de la fraude documentaire des services de la police aux frontières a estimé que ces documents étaient affectés de nombreuses anomalies et devaient être regardés comme contrefaits au sens de l'article
441-4 du code pénal et constitutifs de faux en écriture publique. Ces rapports ont notamment relevé que les extraits du registre des actes de naissance et le certificat de nationalité sénégalaise ne comportaient pas la nationalité de l'intéressé ou la devise républicaine du Sénégal. Par ailleurs, dans certains documents dont se prévaut M. A..., le nom de la commune de naissance a été incorrectement orthographié. M. A... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause utilement les constats opérés par la cellule de fraude documentaire. Dans ces circonstances, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges l'extrait du registre des actes de naissance du 11 juin 2020, la copie littérale d'acte de naissance du même jour et le certificat administratif du 17 juin suivant produits devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par M. A... sont insuffisants pour remettre en cause le caractère frauduleux des documents précités. Dans ces conditions, le préfet de la Marne a pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que M. A... ne justifiait pas de son état civil et refuser de lui délivrer, pour ce seul motif, un titre de séjour.
7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment le refus de titre de séjour est fondé sur le seul motif du défaut de justification de l'état civil du requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Marne aurait fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
8. En dernier lieu, M. A... reprend, en appel, les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés du défaut de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, 9 du code civil, L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Marne sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Hami-Znati et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
2
N° 22NC00772