Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté n° 19 10 0002 qui lui a été adressé par lettre du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation prenant effet le 1er décembre 2019.
Par un jugement n° 2000039 du 29 juillet 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande du requérant.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 septembre 2020, le 12 août 2021 et le 31 août 2022, M. A..., représenté par la SCP Blocquaux et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 19 10 0002 qui lui a été adressé par lettre du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation prenant effet le 1er décembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté dans leur jugement le grief n° 2 " incompatibilité des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire avec l'exercice de ses fonctions ", le grief n° 3 " état d'ébriété " et le grief n° 5 " conduite d'un véhicule de service sans autorisation ", la matérialité de ces griefs n'étant pas établie ;
- s'agissant du grief de " soustraction de biens publics " et à son manquement au devoir de probité résultant de la vente à son profit d'une roue de secours appartenant à la direction interdépartementale des routes du Nord, il n'est également pas établi et repose sur des faits inexacts ; la plainte déposée par l'administration a été classée sans suite ;
- s'agissant des griefs tirés du non-respect de son obligation de servir et de son devoir d'obéissance et d'exécution des tâches, ils ne sont également pas établis :
. l'administration a procédé au retrait de 1/30ème de son salaire pour absence de service fait le 27 août 2018 et a donc pris les initiatives qui s'imposaient ;
. s'il a utilisé un véhicule de service le 13 juillet 2018 alors qu'il n'y était pas autorisé, c'était pour rendre service ;
- la sanction de révocation est en tout état de cause disproportionnée ; elle l'est encore plus du fait que les premiers juges ont écarté dans leur jugement deux griefs qui avaient été retenus à son encontre par l'administration ;
- il fait l'objet d'un harcèlement de la part de sa hiérarchie immédiate.
Par un mémoire enregistré le 3 août 2021, le ministre de l'intérieur a informé la cour de ce qu'il était incompétent pour défendre en appel et que seul le ministère de la transition écologique était compétent.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui s'en rapporte également aux écritures de première instance du préfet de la région des hauts-de-France, préfet du Nord, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- la matérialité des faits reprochés à M. A... est établie ;
- la sanction de révocation est proportionnée au égard à la nature et à la gravité des faits commis par M. A....
Par une dernière ordonnance du 1er août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, rapporteure,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., agent d'exploitation des travaux publics de l'Etat titularisé le 31 décembre 2002, était affecté depuis le 1er avril 2010 au centre d'entretien et d'intervention de Charleville-Mézières. Le 21 janvier 2019, la responsable de l'arrondissement de gestion des routes Est a établi un rapport disciplinaire le concernant. Par une lettre du 14 juin 2019, M. A... a été informé des faits qui lui étaient reprochés et convoqué à une séance du conseil de discipline le 4 juillet 2019, laquelle a été reportée, à la demande du conseil de cet agent, au 4 septembre 2019. Par un arrêté n° 19 10 0002, qui lui a été adressé par lettre du 12 novembre 2019, le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire la révocation prenant effet le 1er décembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 29 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la sanction de révocation :
2. L'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction alors applicable, dispose : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (...) 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; (...) ". Aux termes de l'article 25 de cette loi, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ". Selon l'article 28 de cette loi, dans sa rédaction alors applicable : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article 29 de la même loi, dans sa rédaction alors applicable: " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Enfin, aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme ; (...) Quatrième groupe : / -la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la faute.
4. La décision de sanction de révocation prise à l'encontre de M. A... est fondée sur plusieurs griefs tirés de l'incompatibilité des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire avec l'exercice de ses fonctions, de son état d'ébriété pendant le service, d'un manquement au devoir de probité, du non-respect de ses obligations de servir et de son devoir d'obéissance et d'un comportement insolent envers sa hiérarchie.
5. En premier lieu d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment des résultats négatifs des analyses sanguines prescrites à plusieurs reprises par le médecin du travail que l'état d'ébriété de M. A... sur son lieu de travail les 29 septembre 2017 et 17 janvier 2019 était matériellement établi. D'autre part, M. A... a été condamné le 31 octobre 2014 et le 3 octobre 2017 pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et récidive, infractions commises hors du service. Si ces deux condamnations apparaissent au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mention révèlerait une incompatibilité avec l'exercice de ses fonctions alors qu'elle n'a pas empêché l'intéressé de les exercer puisqu'il ne disposait plus d'autorisation pour conduire un véhicule de service depuis 2009. Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, les premiers juges ont donc pu, à bon droit, ne pas retenir ces faits comme étant susceptibles de caractériser un manquement justifiant une sanction.
6. En deuxième lieu, M. A... conteste le grief tiré d'un manquement au devoir de probité résultant de la vente à son profit d'une roue de secours provenant d'un véhicule appartenant à la direction interdépartementale des routes (DIR) Nord. Si le requérant fait de nouveau valoir en appel la circonstance que la plainte pour vol déposée par l'administration a fait l'objet d'un classement sans suite par le ministère public, celui-ci est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attachant qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... a publié une annonce sur un site de vente en ligne avec son numéro professionnel, pour la vente d'une roue de secours dont la photographie permet d'identifier une mention " A44 " apposée en jaune sur la jante, laquelle est identique à celle apposée sur toutes les roues de secours des véhicules des services de la DIR Nord et, plus particulièrement, du centre d'entretien et d'intervention de Rethel où est affecté le requérant et où il a été constaté que du matériel identique avait été dérobé. Le requérant, ne produit pas d'éléments permettant d'expliquer cette coïncidence. Dans ces conditions, il est suffisamment établi que M. A... a soustrait à son profit du matériel appartenant à la DIR Nord et il n'est donc pas fondé à soutenir que le manquement à l'obligation de probité qui lui est reproché reposerait sur des faits matériellement inexacts.
7. En troisième lieu, il est constant que M. A... s'est absenté du service, sans explication le 12 mars 2019 et ne s'est pas présenté à son poste de travail la journée du 27 août 2018, faits pour lesquels une retenue de traitement a été opérée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il a, à plusieurs reprises, refusé d'exécuter les consignes de travail données par sa hiérarchie. Enfin, il ne conteste pas avoir utilisé un véhicule de service le 13 juillet 2018, alors qu'il n'était plus autorisé à l'utiliser depuis 2009, ni avoir adopté, de manière répétée, une attitude irrespectueuse, insolente et menaçante envers sa hiérarchie le 19 juillet 2018, le 25 octobre 2018 et le 14 février 2019. Ainsi, ces faits, suffisamment établis, qui caractérisent un manquement au devoir d'obéissance, présentent un caractère fautif.
8. Il résulte de ce qui précède que les manquements mentionnés au points 6 et 7 sont de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déjà fait, le 20 octobre 2005 et le 19 avril 2006, l'objet de deux sanctions disciplinaires d'exclusion temporaire de fonctions et de plusieurs rappels à l'ordre de sa hiérarchie l'invitant à se conformer à ses obligations. Dans ces conditions, il ne ressort pas de pièces du dossier, compte tenu du passé disciplinaire de l'intéressé et de la nature et de la gravité des faits établis, que la sanction de révocation présente un caractère disproportionné.
10. Enfin, aux termes du 1er alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Si le requérant fait valoir que cette sanction disciplinaire s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral et produit un certificat médical du 4 mars 2019 faisant état d'un syndrome dépressif réactionnel et de son dépôt de plainte du 6 mars 2019 pour harcèlement moral visant ses supérieurs hiérarchiques, laquelle sera au demeurant classée sans suite, ces faits ne suffisent pas à caractériser des agissements de l'administration susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Ainsi, la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire à l'égard de M. A..., qui n'a en outre pas dépassé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, n'est pas constitutif d'un harcèlement moral entachant d'illégalité la sanction en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02810