Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Par un jugement n° 2200622 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 4 novembre 2021 de la préfète du Bas-Rhin.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Mengus, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il s'est borné à enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et a ainsi rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ou, à titre subsidiaire, sur le fondement du 5) de cet article, ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé lui permettant de travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges auraient dû annuler l'arrêté litigieux en raison de la méconnaissance par cet arrêté des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ou, a minima, en raison de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de cet accord et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en retenant ces moyens, les premiers juges auraient pu enjoindre à la préfète de lui délivrer un certificat de résidence alors qu'ils se sont bornés à lui enjoindre de réexaminer sa situation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est, en tout cas, illégale dès lors qu'elle est insuffisamment motivée, qu'elle est entachée d'un défaut d'examen, mais qu'elle est aussi intervenue sans avis préalable de la commission de titre de séjour, qu'elle méconnait les stipulations des 1) et 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, tout comme celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et enfin qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont également nécessairement illégales en raison non seulement de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, mais aussi car elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il avait droit à un titre de séjour de plein droit.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né en 1980, a sollicité, le 18 mars 2020, son admission au séjour. Par un arrêté du 4 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit. Par un jugement du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. C... et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. C... fait appel de ce jugement en tant qu'il se borne à enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et a ainsi rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
3. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".
5. M. C... fait valoir qu'il réside de manière continue en France depuis 2006 et qu'il démontre a minima être présent en France depuis 2011, soit plus de 10 ans avant la date de sa demande. Pour autant, alors que le requérant ne verse aucun élément pour justifier de sa présence en France avant 2011, les éléments produits pour justifier sa présence sur le territoire français en 2011 et 2012, qui consistent en des documents attestant d'une présence ponctuelle en 2011 et en deux attestations d'hébergements réalisés pour les besoins de l'instance, ne permettent pas d'établir qu'il aurait été régulièrement présent en France avant l'année 2013. Ainsi, le requérant ne justifie pas avoir résidé en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoit également la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. C... établit être présent en France depuis 2013 et a, par ailleurs, bénéficié de titres de séjour pour raison de santé de 2014 à la fin de l'année 2017. Pour autant, M. C... s'est ensuite maintenu sur le territoire français irrégulièrement en s'étant abstenu d'exécuter une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre en 2018. Si M. C... a pu, depuis son arrivée sur le territoire, travailler de manière ponctuelle, il ne démontre pas, en dépit de la conclusion d'un contrat d'insertion à durée déterminée en 2017, qui a été interrompu pour des raisons de santé, une intégration professionnelle particulière. De plus, bien que M. C..., qui est célibataire et sans enfant, soutient avoir l'un de ses frères en France et disposer également de liens amicaux, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et l'intensité de ces liens. Dans ces conditions, alors que le requérant a passé la majorité de sa vie en Algérie, où demeurent sa mère et plusieurs de ses frères et sœurs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
8.En dernier lieu, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. C... qui, quand bien même ils seraient fondés, ne seraient pas de nature à justifier le prononcé de l'injonction demandée tendant à la délivrance d'un certificat de résidence.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de lui délivrer un certificat de résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente-assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. B...Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 22NC02294