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21/03/2023 | FRANCE | N°22NC01691

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 21 mars 2023, 22NC01691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 mai 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ainsi que la décision du 29 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1907303 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 30 juin 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 mai 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ainsi que la décision du 29 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1907303 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Bartolo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 avril 2022 ;

2°) d'annuler les décisions du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 mai 2019 et du 29 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

4°) de lui " accorder la possibilité de ne pas être remis aux autorités italiennes " et " la prise en considération de [sa] demande d'asile (en procédure normale), pour laquelle une procédure contentieuse est actuellement en cours devant la Cour nationale du droit d'asile ".

Il soutient que :

- le directeur de l'OFII devait rétablir le bénéfice de ses conditions d'accueil, en l'absence de fraude et alors que contrairement à ce que soutient l'OFII, il ne s'est pas soustrait à une mesure d'éloignement ; il n'a pas refusé de se rendre aux convocations qui lui ont été adressées et avait de bonnes raisons de le faire, dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour au Cameroun ; il ne peut pas être regardé comme ayant été en fuite ;

- il présente une particulière vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision par laquelle le préfet a décidé sa remise aux autorités italiennes méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le rejet de sa demande d'asile serait contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête, qui est une reprise littérale de la demande de première instance et qui ne contient aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2013/33/UE du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais, né en 1988, a présenté une demande d'asile en France le 22 septembre 2017 et a accepté le même jour les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par une décision du 24 novembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes, au motif que celles-ci étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. B... a cessé de percevoir l'allocation pour demandeur d'asile à compter du mois de juin 2018. Le 3 mai 2019, l'intéressé a présenté une nouvelle demande d'asile en France. Par une décision du 10 mai 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Cette décision a été confirmée, sur recours gracieux, par une décision du 29 juillet 2019. M. B... relève appel du jugement du 26 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieurement applicable à la loi du 10 septembre 2018 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ;(...) La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. ". Aux termes de l'article L. 744-6 du même code alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. (...) ".

3. Si les termes de ces articles ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.

4. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.

5. L'OFII a considéré que l'intéressé s'était volontairement soustrait aux convocations qui lui ont été adressées dans le cadre de la procédure de transfert et qu'il a attendu l'expiration du délai de transfert pour présenter une nouvelle demande d'asile. Si le requérant soutient qu'il n'a jamais reçu ces convocations, il ressort des pièces du dossier que les convocations lui ont été envoyées à l'adresse connue de l'administration et donnée par l'intéressé. Il est par ailleurs constant que ce dernier a reçu la décision du préfet du Bas-Rhin du 24 novembre 2017, laquelle est devenue définitive, faute pour l'intéressé de l'avoir contestée devant le tribunal administratif de Strasbourg. De plus, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, si le requérant fait valoir qu'il n'a pas déféré à l'obligation de se présenter aux autorités dans le cadre de l'organisation de son transfert vers l'Italie par crainte que les autorités italiennes ne le renvoient au Cameroun, où il encourrait des risques de traitements inhumains et dégradants en raison de son homosexualité, il n'apporte, en tout état de cause, aucun élément sur les risques qu'il y aurait que sa demande d'asile ne soit pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... ne peut ainsi pas être regardé comme justifiant son refus de se présenter aux autorités par un motif légitime. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, son homosexualité alléguée ou les craintes en cas de retour au Cameroun qu'il fait valoir ne permettent en tout état de cause pas de considérer que M. B... serait en France dans une situation de particulière vulnérabilité. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'OFII aurait entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation en refusant au requérant le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

6. Enfin, le requérant ne peut utilement faire valoir, pour contester les décisions litigieuses, que la décision par laquelle le préfet a décidé sa remise aux autorités italiennes et le rejet de sa demande d'asile, qui était pendante à la date de la décision attaquée, seraient contraires aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 10 mai et 29 juillet 2019. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Ses conclusions tendant à ce que la cour lui accorde " la possibilité de ne pas être remis aux autorités italiennes " et " la prise en considération de [sa] demande d'asile (en procédure normale), pour laquelle une procédure contentieuse est actuellement en cours devant la Cour nationale du droit d'asile " ne peuvent, également et en tout état de cause, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023

La rapporteure,

Signé : G. A...Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC01691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01691
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-21;22nc01691 ?
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