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21/03/2023 | FRANCE | N°20NC02772

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 21 mars 2023, 20NC02772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Bas-Rhin a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser la somme globale de 50 769,63 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1802384 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Bas-Rhin a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser la somme globale de 50 769,63 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1802384 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 24 septembre 2020, le 31 octobre 2022 et le 9 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Bas-Rhin a rejeté sa demande indemnitaire, ainsi que sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser la somme de 50 769,63 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au président du conseil départemental de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

5°) de mettre à la charge de la collectivité européenne d'Alsace la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 février 2018 du président du conseil départemental du Bas-Rhin ;

- le jugement est irrégulier car il est insuffisamment motivé ;

- la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les conditions relatives à l'octroi de cette protection étaient en l'espèce satisfaites ;

- la responsabilité pour faute de la collectivité territoriale est engagée en raison de la violation par ses agents du secret professionnel et de leur obligation de discrétion, mais également car ils ont porté atteinte à sa vie privée ;

- la responsabilité sans faute de la collectivité est engagée du fait du dysfonctionnement de ses services, notamment car son organisation a permis la divulgation d'information pourtant protégée par le secret professionnel et qu'elle n'a pas prévenu la situation de conflit d'intérêt ayant amené un de ses agents à enquêter sur sa situation ;

- la responsabilité sans faute de la collectivité est engagée en raison de l'accident de service dont elle a été victime ;

- du fait des révélations dont elle a été victime, elle a connu des troubles

anxio-dépressifs et la collectivité doit ainsi accorder une indemnisation de 50 769,63 euros couvrant ses préjudices matériaux, professionnels et moraux.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 3 mars 2021 et le 8 novembre 2022, la collectivité européenne d'Alsace, qui s'est substituée au 1er janvier 2021 au département du Bas-Rhin, représentée par Me Marcantoni, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire.

Par un courrier du 9 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué dès lors que la caisse d'assurance maladie d'affiliation de la victime n'a pas été appelée à la cause, en méconnaissance de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale.

Des observations en réponse au courrier du 9 novembre 2022, présentées pour la collectivité européenne d'Alsace par Me Marcantoni, ont été reçues le 28 novembre 2022.

Des observations en réponse au courrier du 9 novembre 2022, présentées pour Mme B... par Me Marty, ont été reçues le 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Dangel pour la collectivité européenne d'Alsace.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce, depuis le 4 août 2008, les fonctions d'assistante

socio-éducative principale au sein des services du département du Bas-Rhin. Elle a été placée en congé de longue maladie du 23 mars 2016 au 31 août 2017 en raison d'une sciatique. Dans le cadre de la recherche d'un reclassement, Mme B... s'est présentée, le 25 avril 2017, à un entretien de recrutement pour exercer les fonctions de référent technique pour le Fond solidarité logement au sein de l'Unité territoriale d'action médico-sociale Sud (UTAMS) du département du Bas-Rhin. Estimant avoir été victime de propos violents, menaçants et diffamatoires lors de cet entretien, Mme B... a, par un courriel du 27 avril 2017, sollicité auprès du département le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a également présenté au département, par un courrier du 15 décembre 2017, une demande indemnitaire. Par une décision du 16 février 2018, le président du conseil départemental du Bas-Rhin a rejeté la réclamation indemnitaire de Mme B..., ainsi que sa demande de protection fonctionnelle. Mme B... fait appel du jugement du 23 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2018 et à la condamnation du département du Bas-Rhin à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté explicitement les conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation présentées par Mme B... et a ainsi statué sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Bas-Rhin a rejeté sa demande de protection fonctionnelle. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis à statuer sur ces conclusions.

3. En deuxième lieu, il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, s'est prononcé sur les moyens soulevés par Mme B... dans ses écritures et a suffisamment motivé son jugement, notamment, quant à l'absence d'engagement de la responsabilité de la collectivité en raison de la divulgation d'une information couverte par le secret professionnel et, plus généralement, en raison d'un dysfonctionnement de l'un de ses services.

4. En troisième lieu, aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. (...) ".

5. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect des dispositions précitées du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime ou par la caisse d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler en la cause, selon le cas, la caisse ou la victime. La méconnaissance des obligations de mise en cause entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel doit, au besoin, relever d'office.

6. Il ressort des éléments produits devant le tribunal administratif que Mme B..., qui demandait devant les premiers juges notamment l'indemnisation de dépenses de santé, était assurée sociale auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Il appartenait donc au tribunal administratif de Strasbourg, saisi de la demande de Mme B..., de communiquer celle-ci à la CPAM. En s'abstenant de procéder à cette communication, le tribunal a entaché son jugement du 23 juillet 2020 d'irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... et de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions indemnitaires et par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions de Mme B... à fin d'annulation de la décision du 16 février 2018 du président du conseil départemental du Bas-Rhin.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Mme B... doit être regardée comme demandant la condamnation de la collectivité européenne d'Alsace, qui s'est substituée au 1er janvier 2021 au département du Bas-Rhin.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

S'agissant de la violation du secret professionnel :

8. Aux termes de L. 121-6 du code général de la fonction publique reprenant les dispositions du 1er alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " L'agent public est tenu au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ". Aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ". L'article L. 133-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " Les informations nominatives à caractère sanitaire et social détenues par les services des affaires sanitaires et sociales sont protégées par le secret professionnel. / Le président du conseil départemental et le représentant de l'Etat dans le département peuvent obtenir la communication des informations nécessaires pour exercer leurs pouvoirs en matière sanitaire et sociale. / Les règles régissant la communication des informations d'ordre sanitaire et social à l'autorité judiciaire sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 221-6 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. (...) ".

9. En premier lieu, Mme B... fait valoir que lors de l'entretien de recrutement, auquel étaient présents la responsable du service de l'UTAMS, la responsable d'équipe, ainsi qu'un agent de la direction des ressources humaines, il lui aurait été indiqué que l'ensemble des agents du service de l'UTAMS ont eu connaissance de l'existence et du contenu d'un dossier concernant une procédure relative à sa belle-fille et dans lequel elle était impliquée à titre personnel et familial. Pour autant, la présentation du déroulement de cet entretien diverge entre, d'une part, les indications de Mme B... et, d'autre part, les versions concordantes du responsable du service de l'UTAMS et de la responsable d'équipe, qui réfutent toute mention d'une divulgation généralisée du dossier et exposent, au contraire, avoir souligné que cette information n'avait pas été diffusée globalement au service. Ces deux membres du jury de recrutement indiquent par ailleurs avoir uniquement évoqué l'existence de ce dossier pour s'assurer de l'absence de difficultés pour Mme B... à travailler au sein du service ayant instruit la procédure relative à sa belle-fille. Eu égard à ces divergences et en l'absence de tout autre élément étayant les allégations de Mme B..., la divulgation des informations relatives au dossier de sa belle-fille à l'ensemble du service ne peut être regardée comme établie. Il résulte néanmoins de l'instruction que l'existence de ce dossier était connue par la directrice des ressources humaines, ainsi que par les trois membres du jury d'entretien et que, parmi ces trois membres, la responsable du service de l'UTAMS connaissait aussi le motif même de la saisine du service. Pour autant, eu égard, d'une part, aux fonctions d'assistante sociale qu'occupait Mme B... lors du déroulement de l'enquête concernant sa belle-fille et ayant abouti, selon les propres indications de la requérante, à un rapport accablant notamment à son encontre et, d'autre part, au fait que sa candidature portait sur un poste au sein du service ayant mené cette enquête, la communication de l'existence du dossier à la directrice des ressources humaines et au jury d'entretien, chargé d'évaluer l'aptitude de l'intéressée à occuper le poste, tout comme l'information donnée à la responsable du service du motif de la saisine, étaient strictement nécessaires au bon fonctionnement du service et ainsi à l'accomplissement de la mission d'aide sociale. Aucune méconnaissance du secret professionnel et donc aucune faute ne peuvent, dans ces conditions, être retenues en raison de ces divulgations préalables à l'entretien de recrutement.

10. En second lieu, Mme B... fait valoir que la responsable du service de l'UTAMS aurait méconnu son obligation de respect du secret professionnel lors de l'entretien de recrutement en dévoilant l'existence du dossier concernant sa belle-fille, ainsi que le contenu de ce dossier. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des indications du courriel du 27 avril 2017 par lequel la requérante a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle que la responsable du service, pour s'assurer de la capacité de Mme B... à travailler au sein du service ayant géré le dossier concernant sa belle-fille, s'est bornée à évoquer l'existence d'une saisine du service, soit, ainsi qu'il a été précisé, une information dont disposaient déjà les deux autres membres du jury. A la suite de cette mention, la requérante a par elle-même dévoilé le motif de cette saisine, ainsi que d'autres informations sur le dossier. Par suite, la responsable du service n'a pas, au cours de cet entretien, dévoilé d'informations protégées au titre du secret professionnel aux autres membres du jury. La requérante n'est ainsi pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité pour faute de la collectivité européenne d'Alsace en raison de la méconnaissance par la responsable du service de l'UTAMS de son obligation de respect du secret professionnel.

S'agissant de la méconnaissance de l'obligation de discrétion :

11. Eu égard aux circonstances de fait rappelés aux points 9 et 10, Mme B..., qui n'apporte, au demeurant, aucun élément distinguant ses développements sur la violation de l'obligation de discrétion de ceux sur la violation du secret professionnel, n'est pas fondée à soutenir que la collectivité européenne d'Alsace a commis une faute en raison de la méconnaissance par ses agents de leur obligation de discrétion.

S'agissant de la méconnaissance de la vie privée et familiale de Mme B... :

12. Il résulte de l'instruction que la responsable du service de l'UTAMS s'est bornée, lors de l'entretien de recrutement, à mentionner l'existence d'un dossier concernant la requérante afin de s'assurer de la capacité de Mme B... à travailler au sein du service ayant instruit ce dossier. Mme B... a, à la suite de cette indication, elle-même exposé les motifs de la saisine du service et d'autres informations concernant ce dossier. Dans ces conditions, en se bornant à évoquer l'existence de ce dossier devant les membres du jury chargés d'évaluer la possibilité pour la requérante d'occuper le poste, alors que ces derniers disposaient déjà de cette information, la responsable du service n'a pas porté une atteinte au droit de Mme B... au respect de sa privée et familiale permettant d'engager la responsabilité pour faute de la collectivité européenne d'Alsace.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

13. En premier lieu, un éventuel dysfonctionnement du service, qu'il soit lié à la révélation des informations concernant le dossier de la belle-fille de la requérante ou à l'existence d'un conflit d'intérêt ayant permis à une assistante sociale de connaître le dossier de Mme B..., ne permettrait pas d'engager la responsabilité sans faute de la collectivité mais uniquement sa responsabilité pour faute. Par suite et alors, au demeurant, que ces dysfonctionnements ne sont nullement établis, les conclusions présentées sur ce fondement par Mme B... ne peuvent qu'être rejetées.

14. En deuxième lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.

15. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 6 octobre 2020, le président du conseil départemental du Bas-Rhin a reconnu le caractère d'accident de service de l'entretien du 25 avril 2017. Le caractère d'accident de service de cet entretien n'est par ailleurs pas contesté par la défenderesse et il ouvre ainsi à Mme B... un droit à réparation, de la part de la collectivité européenne d'Alsace, au titre de la responsabilité sans faute, en ce qui concerne ses préjudices personnels, ainsi que ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique.

En ce qui concerne les préjudices :

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison de l'accident de service du 25 avril 2017, Mme B... a notamment connu un état de stress post traumatique avec un état anxio-dépressif. La requérante justifie par les éléments versés au dossier avoir, en raison de ces troubles, suivi onze séances de psychothérapie facturées chacune 50 euros. Elle est ainsi fondée à solliciter la somme de 550 euros au titre de ses frais de psychothérapie.

17. En deuxième lieu, Mme B..., dont il n'est nullement contesté qu'elle effectuait ses déplacements pour se rendre à des rendez-vous médicaux en voiture, est également fondée à demander l'indemnisation des frais de déplacement jusqu'au cabinet de la psychologue. Eu égard à la distance d'un peu plus de 13 kilomètres séparant le domicile de la requérante au lieu des séances de psychothérapie et du nombre de séances réalisées, Mme B... est fondée à demander la somme de 75 euros au titre de ces frais généraux de déplacement. En revanche, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle ait eu à exposer des frais de stationnement lors de ces séances et n'est par suite pas fondée à solliciter l'indemnisation de telles dépenses.

18. En troisième lieu, si Mme B... demande l'indemnisation de frais de déplacement et de stationnement exposés dans le cadre de séances d'acupuncture, elle n'apporte aucun élément établissant la réalité de ces séances, ni, en tout état de cause, leur lien avec l'accident de service. Par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

19. En quatrième lieu, Mme B..., qui n'est pas fondée à demander l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la collectivité, des préjudices de perte de revenus et d'incidence professionnelle, n'apporte, en tout état de cause, aucune précision quant au préjudice professionnel subi, ni aucun élément permettant de l'établir. Les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent dès lors être rejetées.

20. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... a, en raison de l'accident de service, subi des troubles anxio-dépressifs liés à un stress

post-traumatique. Au regard des expertises versées au dossier, les symptômes qu'elle a subis apparaissent néanmoins être d'une intensité limitée, de sorte qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en accordant à la requérante la somme de 1 500 euros.

21. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander la condamnation de la collectivité européenne d'Alsace à lui verser la somme de 2 125 euros au titre des préjudices subis en raison de son accident de service.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

22. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, toute décision de justice prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à ce que les sommes qui lui sont allouées portent intérêts à compter de la date de l'arrêt sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

23. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 alors en vigueur: " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

24. Mme B... fait valoir que la responsable du service de l'UTAMS aurait tenu des propos violents, menaçants et diffamatoires à son encontre lors de l'entretien du 25 avril 2017. Pour autant, la présentation du déroulement de cet entretien diverge entre, d'une part, les indications de Mme B..., qui soulignent la véhémence de la responsable du service à son égard et, d'autre part, les versions concordantes de la responsable du service de l'UTAMS et de la responsable d'équipe, qui réfutent toute agressivité et font état d'échanges cordiaux et guidés par la volonté de s'assurer de la capacité de la requérante à intégrer le service. Eu égard à ces divergences et en l'absence de tout autre élément étayant les allégations de Mme B..., la tenue par la responsable du service de propos violents, menaçants ou diffamatoires ne peut être regardée comme établie. La requérante n'est pas ainsi pas fondée à soutenir que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

25. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être elles aussi rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la collectivité européenne d'Alsace. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juillet 2020 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B....

Article 2 : La collectivité européenne d'Alsace est condamnée à verser à Mme B... la somme de 2 125 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la collectivité européenne d'Alsace et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente-assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : C...

Le président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02772

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02772
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-21;20nc02772 ?
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