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14/03/2023 | FRANCE | N°20NC00585

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 mars 2023, 20NC00585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Nord Est, venant aux droits de la société Monti, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de fixer le solde du marché de travaux conclu le 24 janvier 2014 avec la communauté de communes de l'Argonne ardennaise, portant sur l'exécution du lot n° 1 " Gros œuvre " de l'opération de construction d'un complexe aquatique à Vouziers, en annulant les pénalités de retard portées dans le décompte général, d'un montant de 93 639,40 euros, et en condamnant la communauté d

e communes à lui verser, au titre des retards de chantier et des prestations suppl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Nord Est, venant aux droits de la société Monti, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de fixer le solde du marché de travaux conclu le 24 janvier 2014 avec la communauté de communes de l'Argonne ardennaise, portant sur l'exécution du lot n° 1 " Gros œuvre " de l'opération de construction d'un complexe aquatique à Vouziers, en annulant les pénalités de retard portées dans le décompte général, d'un montant de 93 639,40 euros, et en condamnant la communauté de communes à lui verser, au titre des retards de chantier et des prestations supplémentaires effectuées, une somme de 345 751,20 euros toutes taxes comprises (TTC), augmentée des intérêts de droit à compter du 2 février 2017 et de la capitalisation des intérêts, ou subsidiairement d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1701871 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fixé le solde du marché à la somme de 43 316,71 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter du 1er mars 2017 et de leur capitalisation à compter du 2 mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2020, la communauté de communes de l'Argonne ardennaise, représentée par Me Longqueue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il fixe le solde du marché à 43 316,71 euros TTC au profit de la société Colas Bord-Est et la condamne au paiement des intérêts sur cette somme ;

2°) de fixer le solde du marché à un montant de 80 079,40 euros TTC, à son profit, et de condamner la société Colas Nord-Est à lui payer cette somme ;

3°) de mettre à la charge de la société Colas Nord-Est une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car l'ampliation qui lui a été adressée ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une omission à statuer, faute pour les premiers juges d'avoir recherché si les travaux non exécutés devaient être déduits des travaux supplémentaires mentionnés dans le projet d'avenant n° 3 et d'avoir tenu compte des travaux en moins-value, d'un montant de 47 558,74 euros hors taxes (HT) ; le montant des travaux en zone jeux solarium, admis par le maître d'ouvrage, s'établissait à la somme de 12 510,06 euros HT, et non à la somme de 17 360,60 euros HT retenue par le tribunal ;

- si elle ne conteste pas que les travaux mentionnés dans le projet d'avenant n° 3 ont été réalisés à sa demande, ils doivent être valorisés au montant de 41 945,39 euros HT et compensés par les travaux en moins-value ; le solde des modifications ainsi apportées s'établissait à 5 613,35 euros HT, au crédit du maître d'ouvrage ; ce montant est intégré au décompte général du marché, qui n'est pas contesté sur ce point ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le montant payé à la société Colas Nord-Est au titre des acomptes s'élevait à 1 658 653,24 euros TTC, alors qu'il s'établit à 1 725 848,89 euros TTC ; le solde du marché doit en conséquence être fixé à 80 079,40 euros TTC, au crédit du maître d'ouvrage ;

- dès lors qu'elle n'était pas débitrice, elle ne pouvait être condamnée à verser des intérêts à la société Colas Nord-Est.

Par des mémoires enregistrés les 13 et 14 janvier 2021, la société Colas France, venant aux droits de la société Colas Nord-Est, représentée par Me Lebon, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise soit porté à 345 751,29 euros TTC, avec intérêts de droit à compter du 1er mars 2017 et capitalisation des intérêts ;

- à ce que le versement d'une somme de 4 500 euros soit mis à la charge de la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise au titre des frais d'instance.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'omission à statuer manque en fait ; l'ordre de service n° 2 était entaché d'une erreur matérielle, le montant des travaux en zone jeu solarium s'établissait à 17 360,60 euros HT ; les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, estimé qu'aucune compensation n'était opposable contractuellement, l'avenant n° 3 étant demeuré à l'état de projet ; ils n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments exposés par le maître de l'ouvrage ; ce dernier n'a pas opposé cette compensation dans le décompte général ;

- l'avenant n° 3 n'ayant pas été signé, il ne liait pas le juge quant au montant à retenir pour les travaux supplémentaires ; elle n'a pas accepté le principe d'une compensation, qui n'apparaissait pas dans le décompte ; eu égard au principe d'intangibilité du décompte général, elle a droit à la rémunération des prestations dont il a été soutenu qu'elles n'avaient pas été exécutées ;

- le montant retenu par le tribunal au titre des acomptes versés est exact ; elle conteste avoir reçu un versement de 67 241,65 euros à titre d'acompte ; ce montant avait été imputé, au titre d'écritures comptables, sur le montant des pénalités de retard dont la collectivité réclamait le paiement ;

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation s'agissant des pénalités de retard ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le planning de travaux indice D devait être pris en considération pour déterminer les pénalités de retard, au regard des stipulations du cahier des clauses administratives particulières, alors qu'il y avait lieu de tenir compte du planning indice F ; à supposer même que cette dernière version du planning aurait été établie pour prendre en compte son retard, ce qui n'était pas le cas, cette circonstance serait sans incidence sur l'actualisation calendaire ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte le fait que les retards ne lui étaient pas effectivement imputables ; les retards provoqués par les travaux sur la voirie communale, la validation tardive des parois du bassin, ainsi que des plans et réservations concernant le voile sur vide sanitaire zone II, le changement de finition du solarium, la défaillance de la cellule de synthèse ainsi que les reports en lien avec les intempéries et les défaillances de la société Cabrol ne lui étaient pas imputables ;

- elle reprend, pour le surplus, ses autres demandes indemnitaires, en se référant à ses écritures de première instance qu'elle joint, que le tribunal a écartées dans les points 7 à 14, 17 à 20, 22 à 24, par une minoration de la force probante des éléments qu'elle a versés, ainsi que par une conception indument restrictive de la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage et des conditions d'indemnisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Degoulet, pour la société Colas France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 24 janvier 2014, la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise a confié à la société Monti, aux droits de laquelle vient la société Colas Nord Est, l'exécution du lot n° 1 " Gros œuvre " de l'opération de construction d'un complexe aquatique à Vouziers. Ce marché de travaux a été conclu à prix global et forfaitaire. Par un courrier du 29 juillet 2016, la société Colas Nord Est a adressé à la communauté de communes un projet de décompte final. Le 2 février 2017, le maître de l'ouvrage lui a adressé le décompte général que la société a renvoyé le 27 février 2017, signé avec réserves et accompagné d'un mémoire en réclamation. Le 10 avril 2017, la communauté de communes a rejeté sa réclamation. La société Colas Nord Est a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour demander que le solde du marché soit fixé en annulant les pénalités de retard, d'un montant de 93 639,40 euros, portées dans le décompte général et que la communauté de communes soit condamnée à lui verser, au titre des retards de chantier et des prestations supplémentaires effectuées, une somme de 345 751,20 euros toutes taxes comprises (TTC). Par un jugement du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fixé le solde du marché à la somme de 43 316,71 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter du 1er mars 2017 et de leur capitalisation à compter du 2 mars 2018. La communauté de communes de l'Argonne Ardennaise relève appel de ce jugement. Ce jugement est également contesté par la société Colas France, venant aux droits de la société Colas Nord-Est, par la voie de l'appel incident, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la requérante ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. En deuxième lieu, si l'établissement public requérant conteste les montants retenus par le tribunal au titre des travaux supplémentaires ainsi que ceux pris en compte pour déterminer le solde du marché, en terme de paiements déjà versés au titulaire et de moins-values, les considérations qu'il invoque sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité du jugement mais sont seulement susceptibles d'entacher son bien-fondé.

5. Il suit de là que la communauté de communes requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.

Sur le règlement du marché :

En ce qui concerne l'indemnisation des difficultés rencontrées dans l'exécution du marché :

6. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

7. Il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés, retenus à juste titre par les premiers juges, aux points 8, 10, 12, et 13 du jugement attaqué, pour écarter les prétentions de la société Colas France, au titre des retards liés aux travaux de voirie, à la validation des plans et réservations concernant le voile sur vide sanitaire, à l'absence de cellule de synthèse et au report des délais à compter du commencement des travaux.

8. Par ailleurs, s'agissant des retards qu'elle impute à la validation tardive des plans d'exécution des parois du bassin sportif, l'entreprise soutient que la maîtrise d'œuvre a modifié, à plusieurs reprises, les conditions d'implantation des hublots dans les parois de ce bassin sportif, générant un retard de trois mois dans la validation des plans d'exécution des parois de ce bassin. Elle en déduit une inertie fautive du maître de l'ouvrage. Toutefois, les comptes rendus de réunion de chantier et courriers électroniques qu'elle produit ne suffisent pas à démontrer que le maître d'ouvrage aurait été informé, en temps utiles, de difficultés dans des conditions telles qu'elles justifiaient une intervention de sa part, sauf à méconnaître son pouvoir de direction du marché.

9. En outre, s'agissant des retards de chantier en lien avec le changement de finition du solarium, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges au point 11 du jugement attaqué, il ne résulte pas de l'instruction que cette modification, apportée par le maître d'œuvre, résulterait d'une insuffisante définition des besoins par le maître d'ouvrage dans le programme qu'il a établi. Si la société Colas France conteste par ailleurs la nécessité du changement ainsi apporté par le maître d'œuvre, une telle circonstance, à la supposer même établie, ne saurait suffire à caractériser une faute imputable au maître d'ouvrage.

10. S'agissant du choix de la société Cabrol comme attributaire du lot n° 3 " Toiture ", il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait commis des fautes à l'occasion de la procédure de passation ayant abouti au choix de cet attributaire, alors en particulier que la seule existence de difficultés, apparues postérieurement à l'attribution de ce lot, ne saurait suffire à caractériser un manquement de la communauté de communes à cet égard. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait commis des manquements, au regard de ses propres pouvoirs de direction et de contrôle, dans la gestion des difficultés occasionnées par l'exécution par la société Cabrol des travaux relevant de son lot, en terme de coordination de l'intervention des différents participants à l'opération.

11. Enfin, si la société Colas France sollicite une indemnisation au titre des pertes liées à la gestion du compte prorata, dont elle avait la charge, correspondant à des sommes impayées par les autres intervenants, elle ne démontre pas que cette difficulté résulterait d'une faute du maître d'ouvrage. De plus, elle ne se prévaut d'aucune stipulation du marché imposant qu'une somme non réglée en fin de chantier soit mise à la charge du maître d'ouvrage, alors au contraire que l'article 3.3.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), figurant dans les stipulations relatives à la répartition des dépenses communes de chantier, précise expressément que " le maître d'ouvrage n'intervient, dans aucun cas, dans le règlement des différends entre intervenants ".

12. Il suit de là que la société Colas France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnisation par le maître d'ouvrage au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution de son marché.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

13. Le titulaire d'un marché à prix forfaitaire a droit au paiement des travaux supplémentaires demandés par le maître d'ouvrage ainsi que ceux qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre de service, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société titulaire du lot n° 1 a réalisé, à la demande du maître de l'ouvrage, divers travaux supplémentaires, dont l'utilité n'est pas contestée, et que la collectivité avait envisagé de rémunérer dans le cadre d'un projet d'avenant n° 3, que l'entreprise avait refusé de signer. La communauté de communes allègue que, pour certains de ces travaux, concernant la zone jeux/solarium et comprenant la réalisation de regards suspendus, de renforts de planchers, de caniveaux, la fourniture et la pose de grilles de goulottes et de grilles de courettes anglaises, il devait être retenu un montant de 12 510,60 euros hors taxes (HT) , qui figurait dans le projet d'avenant n° 3, et non la somme de 17 360,60 euros HT, qui figurait dans la demande de paiement de l'entreprise et qui a été retenue par le tribunal. Il résulte de l'instruction que la société demandait 9 700 euros HT pour les travaux de pose de grilles de goulottes et de grilles de courettes anglaises, alors que le maître d'ouvrage n'avait accepté qu'un montant de 4 850 euros. L'annexe au projet d'avenant retient cependant un montant mathématiquement erroné de 4 850 euros, alors qu'il ressort de ce document que le maître de l'ouvrage a entendu déterminer ce prix en appliquant à 200 mètres linéaires un prix unitaire de 485 euros, ce qui correspondrait à 9 700 euros. En l'absence de tout élément d'explication de nature à démontrer pour quelle raison ces travaux devraient, en réalité, être valorisés à seulement 4 850 euros, la communauté de communes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le montant qui avait été proposé par le titulaire du lot n° 1 pour ces travaux supplémentaires. Le montant des travaux supplémentaires contenu dans le projet d'avenant n° 3, que le maître d'ouvrage admet avoir demandés au titulaire, s'élève donc à la somme de 41 945,39 euros HT à laquelle s'ajoutent les 4 850 euros précédemment mentionnés, soit 46 795,39 euros HT comme l'a à juste titre retenu le tribunal.

15. En deuxième lieu, au titre de l'appel incident, la société Colas France demande l'indemnisation d'autres travaux supplémentaires, rejetée par le tribunal, par référence à ses écritures de première instance qu'elle a jointes à sa requête.

16. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés, retenus à bon droit par les premiers juges, aux points 17, 18, 19, 20 et 23 du jugement attaqué, pour écarter les prétentions de la société Colas France, au titre des travaux d'isolation des planchers bas en rez-de-chaussée, des modifications de la zone balnéo, de la réalisation d'un regard AEP, des déblais et matériaux utilisés pour réaliser les remblais périphériques et des mises en eau des bassins.

17. Par ailleurs, si la société évoque des dépenses de chauffage supplémentaires qu'elle aurait eu à supporter, de tels frais ne sauraient être regardés comme constituant des travaux supplémentaires.

18. Il suit de là que la société Colas France n'est pas fondée à demander d'indemnisation supérieure à celle qui lui a été allouée par les premiers juges au titre des travaux supplémentaires, soit la somme de 46 795,39 euros HT précédemment mentionnés, et celle de 11 300 euros HT, concernant la réalisation de calfeutrements et non contestée à hauteur d'appel.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

19. Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en question stipule, en son article 4.3.1 : " Pénalités de retard dans l'exécution des travaux. Les dispositions suivantes sont appliquées, lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié comme il a été indiqué au 4.1.2 ci-dessus. A. Retard sur le délai d'exécution propre au lot considéré. Il est fait application de la pénalité journalière indiquée au paragraphe c. ci-après (...) c. Montant de la pénalité et de la retenue prévue aux paragraphes a et b : Le montant de la pénalité et de la retenue prévues aux paragraphes a et b est fixée, par jour de retard, à 1/300ème du montant HT de l'ensemble du lot correspondant (...) ". Aux termes des articles 4.1.2 du même document : " Le calendrier détaillé d'exécution distingue les différents ouvrages dont la construction fait l'objet des travaux. Il indique, en outre, pour chacun des lots, la durée et la date probable de départ du délai d'exécution qui lui est propre ; la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives du titulaire sur le chantier (...) Au cours du chantier et avec l'accord des différents titulaires concernés, le responsable de la mission Ordonnancement et Pilotage de Chantier peut modifier le calendrier détaillé d'exécution dans la limite du délai d'exécution dans la limite du délai d'exécution de l'ensemble des lots fixé à l'article 3 de l'acte d'engagement (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes a retenu, dans le décompte général définitif, des pénalités de retard pour un montant de 93 639,40 euros, qui doivent être regardées comme ayant été appliquées sur le fondement du A de l'article 4.3.1 du CCAP. Ces pénalités correspondent à 19 jours de retard, du 29 juin au 12 juillet 2015, moins deux jours d'intempéries.

21. Toutefois, il résulte de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution avait été modifié, par l'adoption d'une version F, dont il est constant qu'elle a été établie par le responsable de la mission ordonnancement et pilotage de chantier. Ce planning indicé F, qui ne mettait pas en cause le délai d'exécution de l'ensemble des lots mentionné dans l'acte d'engagement, reportait la fin de la période d'intervention du titulaire du lot n° 1 au 12 juillet 2015. Dans ces conditions, et compte tenu des stipulations précédemment mentionnées, c'est au regard de ce calendrier actualisé que devait être déterminée l'existence d'un retard susceptible de donner lieu à l'application des pénalités mentionnées aux A de l'article 4.3.1 du CCAP. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rejet de la réclamation de l'entreprise, que les travaux du lot n° 1 ont été achevés le 12 juillet 2015. Dans ces conditions, aucun retard n'étant caractérisé au regard du calendrier détaillé d'exécution actualisé, la société Colas France est fondée à soutenir qu'aucune pénalité ne pouvait lui être infligée sur le fondement des stipulations précédemment citées. Elle est donc fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur le moyen d'irrégularité du jugement qu'elle avait invoqué à cet égard, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la décharge des pénalités de retard.

En ce qui concerne le solde du marché :

22. Il résulte de l'instruction que le montant initial du marché s'établit à 1 480 007,17 HT. Il y a lieu d'ajouter à ce montant 4 123 euros HT au titre de l'avenant n° 2 et les sommes de 11 300 euros HT et de 46 795,39 euros HT au titre des travaux supplémentaires admis au point n° 18 du présent arrêt, auxquelles il faut retrancher 47 558,74 euros HT de moins-value contenues dans le projet d'avenant n° 3, prises en compte dans le décompte général et dont la contestation par la société a été rejetée par le tribunal administratif au motif de son irrecevabilité non remise en cause à hauteur d'appel. Le montant dû au titre du marché, avant déduction des paiements réalisés au profit du titulaire et des sous-traitant, s'établit ainsi à 1 494 666,82 euros HT soit 1 793 600,18 euros TTC

23. Doivent être déduits les paiements versés aux sous-traitants, pour 8 080,28 euros TTC et 40 245 euros TTC selon les mentions figurant dans le décompte général définitif et non contestées.

24. S'agissant des acomptes perçus par le titulaire du lot n° 1, la communauté de commune soutient qu'ils s'établissent à 1 725 894,89 euros TTC, et non à 1 658 653,24 euros TTC ainsi que l'a retenu le tribunal. Toutefois, l'écart entre ces deux montants découle de l'exclusion, par les premiers juges, d'une somme de 67 241,65 euros TTC. Si l'établissement public requérant soutient que cette somme devait être déduite du solde, en produisant un document faisant état d'un paiement mandaté le 3 avril 2017 et réglé le 9 juin 2017, la société Colas France conteste avoir perçu cette somme et fait valoir qu'il s'agit d'un mandat émis pour pouvoir faire jouer une compensation partielle avec un titre exécutoire qui avait été émis à son encontre, avant d'être annulé, ce que corroborent les pièces qu'elle produit en appel. Au regard des éléments soumis à l'instruction, c'est donc à juste titre que les premiers juges ont exclu cette somme de 67 241,65 euros TTC des montants à déduire au titre des acomptes effectivement perçus par le titulaire du lot n° 1, qui s'établissent ainsi à 1 658 653,24 euros TTC.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le solde du marché s'établit à 86 621,66 euros TTC, au crédit de la société Colas France. Cette somme doit être assortie des intérêts et de leur capitalisation, selon les modalités retenues aux points 31 à 34 du jugement, qui ne sont pas sérieusement contestés, la communauté de communes se bornant à soutenir que les intérêts ne sont pas dus au motif qu'elle serait créancière du solde, ce qui, comme il vient d'être dit, est inexact.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Colas France, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise le versement à la société Colas France d'une somme de 1 500 euros, sur le même fondement.

D E C I D E:

Article 1er : La somme que la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise est condamnée à verser à la société Colas France, venant aux droits de la société Colas Nord Est, est portée à 86 621,66 euros TTC.

Article 2 : Le jugement n° 1701871 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 janvier 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La communauté de communes de l'Argonne Ardennaise versera à la société Colas France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de l'Argonne Ardennaise et à la société Colas Nord France.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

La rapporteure,

Signé : A. A...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC00585


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 14/03/2023
Date de l'import : 17/03/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC00585
Numéro NOR : CETATEXT000047313817 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-14;20nc00585 ?
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