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14/03/2023 | FRANCE | N°20NC00486

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 mars 2023, 20NC00486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Ehrhart François et fils a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 avril 2018 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer) a émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 58 568,18 euros.

Par un jugement n° 1804004 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2020, l'EARL

Ehrhart François et fils, représentée B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Ehrhart François et fils a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 avril 2018 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer) a émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 58 568,18 euros.

Par un jugement n° 1804004 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2020, l'EARL Ehrhart François et fils, représentée B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 27 avril 2018 pris à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de France AgriMer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les premiers juges n'ont pas informé les parties qu'ils entendaient soulever d'office le moyen tiré, pour apprécier l'éligibilité de l'aide en cause, de la distinction des dépenses au titre du FEADER et du FEAGA ;

- le titre de recettes a été signé par une autorité incompétente ;

- le titre de recettes est illégal dans la mesure où il procède au retrait d'un acte créateur de droits, correspondant à l'avis de paiement du 13 février 2015, postérieurement au délai de quatre mois ;

- le titre de recettes est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des dépenses éligibles concernant les dépenses liées à la sécurité des bâtiments et de plâtrerie ;

- le titre de recettes est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation du calcul du nouveau prorata des surfaces inéligibles du bâtiment qui a été construit ; par conséquent, le caractère inéligible des dépenses de carrelage et chape, d'électricité et de frais d'architecte est contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer), représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'EARL Ehrhart François et fils au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 796/2004 du 21 avril 2004 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n°555/2018 du 27 juin 2008 ;

- le règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- l'arrêté du 17 avril 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Dieudonné pour la société Ehrhart François et Fils ainsi que celles de Me Goachet pour France AgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL Ehrhart François et fils a déposé le 8 décembre 2009 une demande d'aide aux investissements viti-vinicoles. Le 29 avril 2011, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer ) a accordé à cette société une aide d'un montant de 649 113,29 euros. Le 27 avril 2018, France AgriMer a émis à l'encontre de l'EARL Ehrhart François et fils un titre de perception correspondant au recouvrement d'un montant de 58 568,18 euros qui aurait été indûment versé. Par un jugement du 31 décembre 2019, dont l'EARL Ehrhart François et fils relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".

3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant l'audience, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties.

4. Pour écarter le moyen tiré du caractère éligible de certaines dépenses, le tribunal administratif de Strasbourg, dans ses motifs, a indiqué que l'EARL Ehrhart François et fils n'avait pas obtenu une aide au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) mais au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA). En relevant une telle circonstance, qui figurait dans les pièces du dossier de première instance, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas relevé d'office un moyen mais a uniquement exercé son office dans le cadre de la contestation de la remise en cause de l'inéligibilité des dépenses présentées par l'EARL Ehrhart François et fils. Une telle motivation n'avait donc pas à faire l'objet de l'information préalable prévue par les dispositions précitées du code de justice administrative.

5. Par suite, l'EARL Ehrhart François et fils n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la légalité du titre exécutoire du 27 avril 2018 :

6. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, par arrêté du 13 avril 2018, la directrice de France AgriMer a délégué sa signature à Mme A..., cheffe de l'unité " suites de contrôles ", pour l'ensemble des actes relevant des attributions de cette unité, et, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, à M. Comte, signataire du titre contesté. D'une part, cette décision a été publiée au bulletin officiel n° 16 du ministère de l'agriculture du 19 avril 2018. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction ni n'est établi par la société appelante, que Mme A... n'aurait pas été absente ou empêchée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il appartient au juge administratif, lorsqu'est en cause la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte communautaire, de vérifier si une disposition communautaire définit les modalités de récupération de cette aide et, dans l'affirmative, d'en faire application, en écartant le cas échéant les règles nationales relatives aux modalités de retrait des décisions créatrices de droits, pour assurer la pleine effectivité du droit communautaire.

8. En l'espèce, l'aide en cause a été versée sur le fondement des règlements (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 portant organisation du marché vitivinicole et (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008, fixant les modalités d'application du règlement précédent. Il résulte des dispositions combinées de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 et de l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 du 21 avril 2004 que les montants d'aides à la promotion des produits vitivinicoles dans les pays tiers à l'Union européenne versés à tort peuvent faire l'objet d'une action en répétition, lorsque le bénéficiaire est de bonne foi, dans le délai de quatre ans à compter du jour de la mise en paiement des sommes litigieuses et, lorsque la bonne foi du bénéficiaire est écartée, dans le délai de dix ans à compter de cette même date. Ainsi que le soutient l'EARL Ehrhart François et fils, le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 a été abrogé à compter du 31 décembre 2009 par le règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009. Ce dernier règlement ne prévoit pas de délai au cours duquel une aide versée à tort peut faire l'objet d'une action en répétition.

9. Toutefois, aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1.Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. / (...) ". Il résulte des termes même de ce règlement qu'il a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne.

10. Le titre de recettes en litige a été pris au motif que certaines dépenses n'étaient pas éligibles au dispositif d'aide prévue par les règlements européens n° 479/2008 du 29 avril 2008 et n° 555/2008 du 27 juin 2008. Une telle irrégularité avait notamment pour effet de porter préjudice au budget général des communautés. Ainsi que le soutient France AgriMer, les dispositions précitées du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 trouvaient donc à s'appliquer en l'espèce pour procéder à la récupération de l'aide indûment versée à l'exclusion des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droit. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du retrait des décisions de versement précitées au regard des règles de droit interne régissant le retrait des actes administratifs créateurs de droit, doit donc être écarté comme inopérant.

11. En dernier lieu, les aides au secteur vitivinicole financées par le FEAGA étaient régies, à la date des faits en litige, par les règlements (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 et n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et, en droit interne, par le décret du 16 février 2009 définissant, conformément au règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008, les modalités de mise en œuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole financé par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008, qui dispose, dans sa version alors en vigueur, à son article 1er, que le programme d'aide est mis en œuvre par France AgriMer et, à son article 2, que " des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et du budget précisent les conditions et les modalités d'attribution des aides ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 pris sur ce fondement : " La liste des investissements éligibles est fixée par la circulaire du directeur " de France AgriMer. L'article 6 du même arrêté définit plusieurs conditions et modalités de mise en œuvre de la mesure d'aide et dispose à son dernier alinéa que " l'ensemble des dispositions du présent article sont précisées par la circulaire du directeur " de France AgriMer.

12. Il ressort du point n° 2 de la circulaire n° 2009-07 du 28 mai 2009 relative à la mise en place par France AgriMer d'une aide au programme d'investissements des entreprises en application des règlements CE n°475/2008 du 29 avril 2008 et n° 555/2008 du 27 juin 2008 que " les dossiers d'aides aux investissements dans les entreprises viticoles peuvent présenter, en fonction des investissements présentés, bénéficier du financement FEAGA prévu par le présent dispositif et/ou d'un financement FEADER dans le cadre des programmes de développement rural (cf. grille de répartition en annexe 1) ".

13. En l'espèce, l'EARL Ehrhart François et fils a sollicité une aide communautaire pour financer un projet ayant pour objet l'extension d'un bâtiment existant, dont l'activité est la vinification, et la création d'un second bâtiment comprenant, au rez-de-chaussée, un espace de stockage, une zone d'accueil et de vente, des bureaux et des sanitaires et à l'étage un espace de dégustation et de réunion ainsi qu'un logement privé. Il résulte de l'annexe 1 à la décision initiale d'attribution de l'aide du 29 avril 2011, et n'est au demeurant pas contesté par l'appelante, que cette société a obtenu une aide au titre du FEAGA.

14. D'une part, il ressort de l'annexe 1 à la circulaire précitée que les dépenses relatives à la commercialisation, au conditionnement, au stockage, et à la promotion commerciale ne relèvent pas de l'aide versée au titre du FEAGA. Par suite, la société Ehrhart François et fils n'est pas fondée à soutenir que, pour le second bâtiment, les dépenses, relatives à la plâtrerie pour l'étage, au carrelage et chape pour l'espace accueil et dégustation et à l'électricité menant à l'étage qui se rattachent aux espaces de vente, d'accueil et de dégustation ou au logement privé seraient éligibles à l'aide communautaire en cause. Pour les mêmes motifs, la société Ehrhart François et fils n'est pas fondée à soutenir que, pour les factures concernant l'ensemble du bâtiment n° 2, le prorata de surface éligible, qui exclut les espaces de vente, d'accueil et de dégustation, serait erroné.

15. D'autre part, il ne résulte aucunement de l'annexe 1 à la circulaire précitée que les dépenses de sécurité et d'incendie seraient éligibles au dispositif de l'aide en cause.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL Ehrhart François et fils n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de France AgriMer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EARL Ehrhart François et fils demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de France AgriMer présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EARL Ehrhart François et fils est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par France AgriMer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Ehrhart François et fils et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC00486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00486
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-14;20nc00486 ?
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