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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC02449

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC02449


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... D... et Mme E... D..., née A..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 19 août 2021 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102068-2102070 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté le

urs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 septe...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... D... et Mme E... D..., née A..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 19 août 2021 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102068-2102070 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022 sous le n° 22NC02449, Mme D..., représentée par Me Werthe, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102068-2102070 du tribunal administratif de Besançon du 7 avril 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 19 août 2021 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2022.

II. Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022 sous le n° 22NC02450, M. D..., représenté par Me Werthe, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102068-2102070 du tribunal administratif de Besançon du 7 avril 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 19 août 2021 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 22NC02449 et 22NC02450, présentées pour M. B... et Mme E... D..., concernent la situation d'un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme D... sont des ressortissants albanais, nés respectivement les 12 juin et 4 avril 1973. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 18 décembre 2012, accompagnés de leur fils mineur né le 12 mars 2009. Le 25 février 2013, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 janvier 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 31 mars 2015. Leurs demandes de réexamen ont également donné lieu à des décisions d'irrecevabilité de l'Office le 24 mars 2016. La cour administrative d'appel de Nancy ayant, dans son arrêt n° 16NC00103-16NC00104 du 3 novembre 2016, annulé les arrêtés du 12 juin 2015 par lesquels le préfet du Doubs s'était opposé à l'admission au séjour des requérants en raison de l'état de santé de M. D..., ce dernier a été mis en possession d'un titre de séjour en application des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en a sollicité le renouvellement le 16 février 2018. Toutefois, le préfet du Doubs ayant refusé de faire droit à cette demande, la cour, par un nouvel arrêt n°19NC03378-19NC03379 du 29 septembre 2020, a prononcé l'annulation des arrêtés préfectoraux du 5 novembre 2018 et enjoint à l'administration de réexaminer la situation personnelle et familiale des intéressés. A l'issue de ce réexamen, le préfet, par deux arrêtés du 19 août 2021, a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme D... ont saisi chacun le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 août 2021. Ils relèvent appel du jugement

n° 2102068-2102070 du 7 avril 2022, qui rejette leurs demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

1. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ait sollicité son admission au séjour pour raison de santé. Par suite, elle ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, de tels moyens doivent être écartés comme inopérants.

2. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) ".

3. Si M. D... fait valoir que la décision en litige n'a pas été précédée de l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Doubs soutient, sans être sérieusement contredit sur ce point, avoir saisi à cet effet le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Dijon qui, en l'absence de transmission par l'intéressé de son dossier médical, a procédé à la clôture définitive de son dossier le 26 juillet 2021. Par suite, et alors au demeurant que, par un courrier du 14 janvier 2021, les requérants ont, dans le cadre du réexamen par l'administration de leur situation, sollicité leur admission exceptionnelle au séjour sans plus faire allusion à leur état de santé, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a souffert d'une hernie discale lombaire nécessitant une intervention neurochirurgicale avec pose d'une arthrodèse L4-L5. Il produit un certificat médical établi le 7 décembre 2021 par le praticien hospitalier qui l'a opéré le 7 octobre 2019 au centre hospitalier régional de Besançon. Il résulte de ce document que, depuis cette intervention, l'état de santé de M. D... requiert simplement une surveillance clinique et radiologique périodique, dont il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas être assurée sur le territoire albanais. Par suite, l'intéressé ne remplissant plus les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont arrivés en France, le 18 décembre 2012, à l'âge de trente-neuf ans. Ayant été admis à séjourner en qualité d'étranger malade et d'accompagnant d'un étranger malade, ils n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français. En dehors de leur fils mineur, né le 12 mars 2009, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou même personnelle en France. Ils n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine. Les circonstances que les requérants soient bénévoles dans une association humanitaire, que leur fils soit sérieux et appliqué dans ses études, que M. D... soit titulaire d'une promesse d'embauche dans le secteur du bâtiment, datée du 20 mars 2022, et que Mme D... ait travaillé comme employée de blanchisserie de juin à novembre 2018 ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Enfin, les requérants faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Albanie, ni que leur fils se trouverait dans l'impossibilité d'y poursuivre une scolarité et une existence normales. Par suite, alors que les stipulations de l'article 8 ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le pays qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations, ainsi que des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent être accueillis.

8. En cinquième et dernier lieu, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet à titre exceptionnel.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

10. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

11. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. et Mme D... feraient l'objet d'une mesure d'expulsion. Dans ces conditions, ils ne sauraient, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions du 5° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables à leur situation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. M. D... fait valoir qu'en raison de ses activités politiques en Albanie, il a été victime d'un enlèvement et a fait l'objet de menaces pour son intégrité physique et pour celle des membres de sa famille. Toutefois, les éléments versés au débat contradictoire par les requérants ne suffisent pas à démontrer qu'ils risqueraient, en cas de retour dans leur pays d'origine, d'être exposés à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que, au demeurant, les demandes d'asile présentées par les intéressés ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause ne peuvent qu'être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 19 août 2021, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme E... D..., née A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Werthe.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. C...

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

Nos 22NC02449, 22NC02450 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02449
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc02449 ?
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