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03/11/2016 | FRANCE | N°16NC00103

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 03 novembre 2016, 16NC00103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... D..., d'une part, et MmeE... A... épouseD..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 juin 2015 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par deux jugements nos 1501362 et n°1501363 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant

à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... D..., d'une part, et MmeE... A... épouseD..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 juin 2015 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par deux jugements nos 1501362 et n°1501363 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 janvier 2016, le 11 mars 2016, le 7 avril 2016, le 21 avril 2016 et le 27 avril 2016, M.D..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501362 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté dont il fait l'objet ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me F... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des risques de mauvais traitements qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est pas en capacité de voyager ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 avril 2016, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 janvier 2016, le 11 mars 2016, le 21 avril 2016 et le 27 avril 2016, MmeD..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501363 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté dont elle fait l'objet ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me F...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des risques de mauvais traitements qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'est pas en capacité de voyager ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- les décisions fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 avril 2016, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeD..., ressortissants albanais, sont entrés irrégulièrement en France en décembre 2012 selon leurs déclarations afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 janvier 2014 confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2015. Le préfet du Doubs a refusé le 17 avril 2014 de faire droit à la demande de M.D..., qui avait sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé le 17 avril 2014. Le préfet du Doubs a, à nouveau, sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé qui s'est prononcé le 26 mars 2015. Par arrêtés du 12 juin 2015, le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeD..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés. M. et Mme D...relèvent appel des jugements nos 1501362 et 1501363 du 17 novembre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes susvisées concernent deux jugements et des décisions administratives relatifs aux membres d'une même famille dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dont M. D...fait l'objet :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".

4. M. D...soutient qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.

5. Dans son avis émis le 26 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis pour une durée de 3 mois.

6. D'une part, pour refuser de délivrer un titre de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est fondé sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressé dans son pays d'origine. Il produit un message de l'ambassade de France en Arménie qui atteste de la qualité de l'offre de soins dans ce pays. Toutefois, ce message procède à un renvoi à un message émanant d'un médecin établi à Tirana qui indique que certaines maladies spécialisées ne sont pas prises en charge en Albanie sans qu'il soit établi que la pathologie du requérant ne compte pas parmi ces maladies. Le préfet du Doubs produit également un message émanant du ministère de l'intérieur mais ce message, qui concerne exclusivement la prise en charge des pathologies cardiaques en Albanie, ne permet pas de contredire utilement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé dès lors que M. D...ne souffre pas d'une telle pathologie. Enfin, si le préfet produit le rapport de l'organisation internationale des migrations sur le système de santé albanais, ce document, relativement ancien et d'ordre général, ne permet pas d'établir qu'il existe un traitement approprié à la pathologie de M. D...en Albanie.

7. D'autre part, M. D...produit un certificat médical du Dr C...en date du 21 février 2015 qui indique que l'état de santé de l'intéressé nécessite une intervention neurochirurgicale et une attestation du DrG..., neurochirurgien à Tirana, qui précise, après étude du dossier médical de l'intéressé, qu'une intervention neurochirurgicale ne pourrait être réalisée en Albanie. Le préfet du Doubs n'apporte aucun élément de nature à établir qu'une telle intervention pourrait être pratiquée en Albanie.

8. Dans ces conditions, M. D...est fondé à soutenir que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En conclusion de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 juin 2015 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

En ce qui concerne l'arrêté dont Mme D...fait l'objet :

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Mme D...soutient que l'arrêté dont elle fait l'objet doit être annulé en application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'arrêté dont fait l'objet son époux est annulé.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'arrêté dont fait l'objet M. D...est annulé. Par suite, Mme D...est fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En conclusion de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 juin 2015 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

15. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Doubs délivre une carte de séjour temporaire à M. et Mme D...dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements nos 1501362 et 1501363 du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Besançon et les arrêtés du 12 juin 2015 du préfet du Doubs sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer une carte de séjour temporaire à M. et Mme D...dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Me F... la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme E...A...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

Nos °16NC00103, 16NC00104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00103
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-03;16nc00103 ?
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