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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC01965

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC01965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 25 février 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2200683 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 25 février 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2200683 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 septembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Gervais, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2200683 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 24 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 25 février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 25 février 2022 a été pris par une autorité incompétente ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreurs de fait.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... est une ressortissante camerounaise, née le 9 mars 1962. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 15 juin 2018. Elle a été mise en possession d'un titre de séjour en raison des soins nécessités par son état de santé, valable du 12 octobre 2020 au 11 octobre 2021, dont elle a sollicité le renouvellement le 1er octobre 2021. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 décembre 2021, le préfet de la Marne, par un arrêté du 25 février 2022, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 février 2022. Elle relève appel du jugement n° 2200683 du 24 juin 2022, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 25 février 2022 a été signé, " pour le préfet et par délégation ", par M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Marne. Or, par un arrêté du 30 août 2021, régulièrement publié le même jour au bulletin d'information et recueil des actes administratifs de la préfecture de la Marne n° 8-12, le préfet de la Marne a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet de signer notamment tous arrêtés ou décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département, à l'exception des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflit et des compétences déléguées au secrétaire général commun départemental. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il ressort des pièces du dossier que, pour chacune des décisions qu'il comporte, l'arrêté en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Il est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En troisième lieu, il ne résulte, ni des motifs de l'arrêté en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que le préfet de la Marne aurait omis de procéder à l'examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler à Mme A... son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Marne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 décembre 2021. Or, selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme A... a souffert d'une psychose traumatique sévère, qui a nécessité son hospitalisation à l'Etablissement public de santé mentale de la Marne du 18 juin 2018 au 15 janvier 2021 et dont le traitement requiert encore actuellement un suivi psychologique régulier en hôpital de jour et un traitement à base de médicaments neuroleptiques et antidépressifs. Toutefois, il n'est pas contesté que cette psychose est la conséquence d'événements traumatisants vécus par l'intéressée au cours de son périple vers la France, notamment en Turquie, en Bulgarie et en Allemagne. Les circonstances qu'une praticienne de l'Etablissement public de santé mentale de la Marne affirme, sans aucune précision, dans un certificat médical du 3 août 2022 et dans différents courriers des 3 juin 2020, 6 octobre 2021 et 17 mars 2022, qu'un retour au Cameroun engagerait le pronostic vital et qu'un psychiatre camerounais atteste, le 5 octobre 2022, que les psychothérapies systématiques et cognitivo-comportementales feraient défaut au Cameroun ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet de la Marne, sur la base notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 décembre 2021, sur la capacité de requérante à voyager sans risque et sur la disponibilité effective du traitement que son état de santé requiert dans le pays d'origine. Par suite, et alors qu'il résulte de cette attestation du 5 octobre 2022 que Mme A... a déjà été prise en charge pour stress post-traumatique à l'Hôpital Jamot de Yaoundé, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France le 15 juin 2018, à l'âge de cinquante-six ans. Si la requérante, qui est hébergée par la Fondation de l'Armée du salut, fait valoir que son fils aîné et un cousin de nationalité française résident sur le territoire français, il est constant que les intéressés ont constitué leur propre cellule familiale en France et il n'est pas démontré que leur assistance au quotidien lui serait indispensable. Il n'est pas davantage établi que Mme A... serait isolée dans son pays d'origine. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En sixième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 7 et 9 du présent arrêt, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreurs de fait en indiquant dans l'arrêté en litige que Mme A... pouvait bénéficier d'un traitement au Cameroun, qu'elle ne faisait état d'aucune circonstance exceptionnelle justifiant un droit au séjour en France et que son éloignement du territoire français n'était pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 25 février 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC01965 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01965
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACG REIMS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc01965 ?
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