Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire.
Par un jugement n° 2102207 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté préfectoral du 6 septembre 2021, a enjoint au préfet de l'Aube de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à la requérante.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2022, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que son arrêté préfectoral avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a mal apprécié les éléments de faits et de droit qui lui ont été soumis.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Macarez, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que le moyen d'appel n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise, née le 16 mars 1989 à Brazzaville, est entrée en France le 6 novembre 2014 sous couvert d'un visa court séjour valide du 30 octobre au 13 décembre 2014. Elle s'est maintenue sur le territoire français après l'expiration de son visa de court séjour. Elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 28 juin 2021. Par un arrêté du 6 septembre 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté préfectoral du 6 septembre 2021 et lui a enjoint de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire.
Sur l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2021 du préfet du Doubs :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Le préfet de l'Aube, pour refuser à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour, a estimé que l'essentiel de sa résidence en France l'a été en situation irrégulière, qu'elle est célibataire et sans enfant, qu'elle a vécu dans son pays d'origine plusieurs années après le décès de ses parents et qu'elle ne justifie d'aucune insertion professionnelle, ni ne dispose de ressources propres.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... réside en France depuis le 6 novembre 2014 auprès de sa sœur qui l'héberge à Troyes. Ses parents sont décédés en 2000 et 2010 au Congo et ses frères et sœurs, dont deux ont la nationalité française et deux bénéficient d'une carte de résident, vivent en France. Si la requérante fait ainsi valoir que ses attaches familiales se trouvent en France, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de vingt-cinq ans et où elle a passé l'essentiel de son existence. Par ailleurs, si elle s'est prévalue être en concubinage avec un ressortissant français, la seule attestation produite en première instance par ce dernier, qui réside au demeurant sur Paris, est insuffisante pour démontrer l'intensité de cette relation. La requérante n'apporte aucun élément sur son intégration ou sur ses perspectives d'intégration en France hormis une promesse d'embauche datée de septembre 2021 pour un emploi d'agent administratif. Dans ces conditions, le préfet de l'Aube, en refusant de délivrer à Mme C... un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé pour ce motif l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2021. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme C... :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée par M. Christophe Borgus, secrétaire général de la préfecture de l'Aube. Or, par un arrêté du 29 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture, le préfet de l'Aube a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet de signer notamment tout arrêté ou décision relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions litigieuses. Le secrétaire général de l'Aube était en conséquence compétent pour signer ledit arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il résulte des termes-mêmes de l'arrêté attaqué, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionne plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle de Mme C..., que celui-ci est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
11. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
12. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 4, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté préfectoral du 6 septembre 2021 et a mis à sa charge la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Mme A... C....
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
La rapporteure,
Signé : S. B...Le président,
Signé : A. Laubriat
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 22NC00344