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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC00309

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC00309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 décembre 2021 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a décidé de les transférer aux autorités italiennes et les a assignés à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2108833, 2108834 du 3 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de S

trasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 décembre 2021 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a décidé de les transférer aux autorités italiennes et les a assignés à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2108833, 2108834 du 3 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 22 mars 2022, M. D... et Mme C..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 janvier 2022 seulement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'obligation qui leur a été faite de se présenter périodiquement aux forces de l'ordre accompagnés de leurs enfants mineurs ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin du 3 décembre 2021 en ce qu'ils les obligent à se présenter périodiquement auprès des forces de l'ordre accompagnés de leurs enfants mineurs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant assignation à résidence sont entachées d'une erreur de droit en tant qu'elles visent également leurs enfants mineurs, dès lors qu'aucune disposition légale ou règlementaire n'autorise la préfète à imposer à leurs enfants mineurs de se présenter périodiquement auprès des services de police et de gendarmerie ;

- les mesures de surveillance leur imposant de se présenter périodiquement auprès des services de police et de gendarmerie avec leurs enfants mineurs constituent une ingérence dans le droit de leurs enfants à la liberté de circulation protégée par l'article 2 du protocole 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2022, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun élément nouveau ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les observations de Me Airiau, représentant Mme C... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme C..., ressortissants tunisiens, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français afin de solliciter la reconnaissance du statut de réfugiés. La consultation du fichier européen " Eurodac " a permis de constater qu'ils avaient irrégulièrement franchi la frontière de l'Italie dans les douze mois précédant l'introduction de leurs demandes d'asile. Les autorités italiennes, à qui la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a demandé le 23 septembre 2021 de prendre en charge les intéressés, ont accepté leur responsabilité le 23 novembre 2021. Par quatre arrêtés du 3 décembre 2021, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a ordonné les transferts de M. D... et de Mme C... aux autorités italiennes et les a assignés à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... et Mme C... font appel du jugement du 3 janvier 2022 seulement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés les assignant à résidence en tant que ces arrêtés les obligent à se présenter régulièrement aux forces de police accompagnés de leurs enfants mineurs.

2. Aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ". Aux termes de l'article L. 751-4 du même code : " En cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2, les dispositions des articles L. 572-7, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 à L. 733-4 et L. 733-8 à L. 733-12 sont applicables. (...) ". L'article L. 733-1 du même code dispose : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". Selon l'article R 752-2 du même code : " Les dispositions des articles R. 732-5, R. 733-1 et R. 733-3 sont applicables à l'étranger demandeur d'asile assigné à résidence en application de l'article L. 752-1 ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".

3. D'une part, si une décision d'assignation à résidence doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation conventionnelle, notamment pas les stipulations de l'article 2 du protocole n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des de l'homme et des libertés fondamentales, ne fait obstacle à ce que l'autorité administrative, lorsqu'elle assortit la décision de transfert d'une mesure d'assignation à résidence, mesure alternative moins contraignante au placement en rétention, impose à son destinataire d'être accompagné de ses enfants mineurs lors de ses présentations au service de police ou de gendarmerie, dès lors notamment que cette obligation de présentation ne saurait constituer une ingérence dans le droit des enfants mineurs à la liberté de circulation. Enfin, les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative en vertu de l'article L. 733-1 précité, doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent. Les modalités d'application de l'obligation de présentation sont soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qui, saisi d'un moyen en ce sens, vérifie notamment qu'elles ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation.

4. Les articles 3 des arrêtés contestés du 3 décembre 2021 imposent aux requérants de se présenter, accompagnés de leurs enfants mineurs, les mercredis, hors jours fériés, entre 9 heures et 10 heures au service de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, pour y confirmer leur présence.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, les deux filles de M. D... et de Mme C..., âgées respectivement de 4 et 5 ans, étaient scolarisées en école maternelle. Leur scolarisation ne fait donc pas obstacle à ce qu'elles accompagnent leurs parents lors leur obligation de pointage le mercredi, jour de repos scolaire. Les requérants ne font valoir aucune autre circonstance de nature à établir que l'obligation qui leur est faite de se présenter périodiquement aux forces de l'ordre accompagnés de leurs enfants mineures serait entachée d'erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin, que M. D... et de Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés les assignant à résidence en tant que ces arrêtés les obligent à se présenter régulièrement aux forces de police accompagnés de leurs enfants mineurs. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Airiau.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023

Le président,

Signé : A. E...L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC00309 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00309
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc00309 ?
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