Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2102359 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Olszakowski, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 du préfet de la Moselle ;
3°) à défaut, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile et justifie des violences subies par son père dans son pays d'origine ;
- l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- le préfet s'est cru à tort en compétence liée ;
En ce qui concerne ses conclusions tendant à la suspension de la mesure d'éloignement :
- elle dispose d'éléments sérieux au titre de sa demande d'asile de nature à justifier son maintien sur le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2022 à midi.
Les parties ont été informées, par un courrier du 23 janvier 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevé d'office, tirés :
- de ce qu'il résulte des dispositions de l'article L. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la reconnaissance de la qualité de réfugié a un caractère recognitif et fait obstacle à l'éloignement d'un étranger ;
- de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension de la mesure d'éloignement de Mme A... dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a accordé à Mme A... le bénéfice de la protection subsidiaire.
Le préfet de la Moselle a présenté des observations en réponse aux moyens d'ordre public soulevés le 26 janvier 2023, lesquelles ont été communiquées.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 15 juillet 1997, de nationalité albanaise, a déclaré être entrée en France le 27 mars 2020. Elle a sollicité l'asile mais sa demande, examinée en procédure accélérée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a été rejetée par une décision du 10 février 2021, notifiée le 17 février 2021. Par un arrêté du 10 mars 2021, le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'une année. Mme A... relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 mars 2021 du préfet de la Moselle :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. -L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 613-6 du même code, dans sa rédaction applicable depuis le 1er mai 2021 : " Lorsque la qualité de réfugié ou d'apatride est reconnue ou le bénéfice de la protection subsidiaire accordé à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre au réfugié la carte de résident prévue à l'article L. 424-1, (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'introduction de sa requête devant la cour, Mme A... s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision n° 21019497 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 27 mai 2022. Cette décision, qui a un caractère recognitif, est réputée rétroagir à la date de l'entrée en France de la requérante. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à s'en prévaloir pour contester la mesure d'éloignement prise à son encontre antérieurement à son intervention et que les décisions contenues dans l'arrêté du 10 mars 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite et interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an, sont illégales et doivent être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 10 mars 2021.
Sur les conclusions aux fins de suspension de la mesure d'éloignement :
5. Le présent arrêt annule l'arrêté attaqué. Par suite, les conclusions de Mme A... visant au prononcé de la suspension de l'obligation de quitter le territoire français sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à la suspension de la mesure d'éloignement.
Article 2 : L'arrêté du 10 mars 2021 du préfet de la Moselle et le jugement n° 2102359 du 17 mai 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : A. Laubriat
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 22NC00170