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02/03/2023 | FRANCE | N°21NC03034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 21NC03034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100274 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Dravigny, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100274 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté contesté pris dans sa globalité :

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 9 janvier 2016. Par un arrêté du 11 janvier 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par un jugement du 15 janvier 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté. Le 8 mars 2016, M. C... a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié à la préfecture des Alpes-Maritimes mais n'a pas déposé sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans les délais impartis. Le 6 décembre 2016, il a de nouveau sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 28 février 2017. Le 7 août 2017, M. C... s'est vu opposer un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Le 11 juin 2020, l'intéressé a sollicité son admission au séjour en qualité d'époux d'une ressortissante de nationalité française. Par un arrêté du 21 décembre 2020, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. C... fait appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié le 14 février 2020 avec une ressortissante française avec laquelle il vivait au plus tard depuis le mois de juin 2019. La fille de l'épouse de M. C..., mineure à la date de l'arrêté contesté, vivait quant à elle en famille d'accueil, et le requérant s'occupait, selon les déclarations concordantes de l'épouse et de l'assistant familial, des visites de celle-ci au domicile des conjoints. La belle-fille de M. C... indique dans une attestation établie le 5 janvier 2021 qu'elle considère le requérant comme son père. M. C... produit par ailleurs plusieurs attestations du médecin traitant de son épouse, dont deux sont antérieurs à la date de l'arrêté contesté, indiquant qu'il assiste au quotidien son épouse lourdement handicapée pour les toilettes, le suivi des soins, les tâches ménagères, les sorties extérieures et les rendez-vous médicaux Outre ces certificats médicaux, M. C... produit également plusieurs attestations, notamment du pharmacien de son épouse, de son épouse, de l'assistant familial qui héberge sa belle-fille et de cette dernière, qui confortent les déclarations du médecin traitant de M. C.... Enfin, le requérant produit un courrier de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), daté du 29 avril 2020, estimant le taux d'incapacité de son épouse supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80%, et un autre courrier de la MDPH, daté du 8 mars 2021, en réponse à un recours déposé le 9 juillet 2020, indiquant que la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui attribue l'aide humaine dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH) valable du 1er juillet 2020 au 30 juin 2025 pour le dédommagement d'un aidant familial - dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de M. C... - pour une durée de 78 heures et 35 minutes par mois. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le préfet du Doubs a considéré que la présence de M. C... aux côtés de son épouse n'était pas indispensable. Dans ces conditions, le refus du préfet de Doubs de faire droit à la demande de titre de séjour du requérant a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu, en conséquence, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Doubs du 21 décembre 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination doivent être également annulées par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un certificat de résidence à M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer un tel titre de séjour à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.

Sur l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Davigny de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100274 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 21 décembre 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... C... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Dravigny.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le président,

Signé : A. B...L'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC03034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03034
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;21nc03034 ?
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