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02/03/2023 | FRANCE | N°21NC02552

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 21NC02552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de

Chalons-en- Champagne d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Marne pour une durée

de six mois.

Par un jugement n° 2101921, 2101922 du 31 août 2021, le magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de

Chalons-en- Champagne d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2101921, 2101922 du 31 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 août 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 25 août 2021 en ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant la décision portant assignation à résidence :

- la durée de six mois est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par des courriers du 3 février 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, l'article 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettant pas d'édicter une assignation à résidence de six mois.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant algérien, né le 17 juillet 1989, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français au cours du mois de décembre 2017. Le 25 août 2021, l'intéressé a été interpellé par les services de la police aux frontières de la ville de Metz pour des faits de faux documents. Par deux arrêtés du 25 août 2021, le préfet de la Marne, d'une part lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, d'autre part l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois. M. A... fait appel du jugement du 31 août 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. A... n'était présent en France que depuis un peu moins de quatre ans, qu'il s'est maintenu sur le territoire national sans entamer de démarches en vue de régulariser son séjour et qu'il a été interpellé par les services de la police aux frontières de la ville de Metz pour la détention de faux documents. Par ailleurs, si le requérant se prévaut d'une relation amoureuse avec une ressortissante française, les trois quittances de loyer produites pour la période allant de juin à août 2021 et la déclaration de vie maritale, établie postérieurement à la décision contestée, ne suffisent toutefois pas à établir l'ancienneté et la stabilité de cette relation, alors au demeurant que M. A... ne démontre pas être dépourvu d'attaches privées et familiales en Algérie, son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, si, à hauteur d'appel, l'intéressé produit un contrat à durée indéterminée qu'il a conclu le 13 janvier 2022 avec la société " Rémoise de rénovation " pour un poste de peintre de bâtiment, d'une part, cet élément est postérieur à la date de la décision attaquée et est ainsi sans incidence sur sa légalité et, d'autre part, il ne saurait suffire à caractériser une intégration suffisante dans la société française. Dans ces conditions, par la décision contestée, le préfet de Marne n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

Sur la décision portant assignation à résidence :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 732-3 de ce code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ". Enfin, aux termes de l'article L. 733-1 de ce code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-4 du même code : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. (..) ".

6. L'arrêté contesté vise expressément les dispositions du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A..., qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 25 août 2021, possède un document de voyage en cours de validité, et ajoute que l'exécution de la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Il résulte ainsi clairement des mentions de l'arrêté en litige que M. A... a été assigné à résidence sur le fondement des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, cette assignation à résidence ne pouvait excéder la durée de quarante-cinq jours prévue à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en l'assignant à résidence pour une durée de six mois, le préfet de la Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il s'ensuit que l'arrêté par lequel le préfet de la Marne a assigné M. A... à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois, qui est entaché d'une erreur de droit, doit être annulé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 août 2021 portant assignation à résidence dans le département de la Marne pour une durée de six mois.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combinées avec celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 août 2021 est annulé seulement en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à annulation de l'arrêté du 25 août 2021 portant assignation à résidence.

Article 2 : L'arrêté du 25 août 2021 par lequel le préfet de la Marne a assigné M. A... à résidence pour une durée de six mois est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Mainnevret.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le président,

Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 21NC02552 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02552
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MAINNEVRET - MALBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;21nc02552 ?
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