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02/03/2023 | FRANCE | N°20NC02883

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 mars 2023, 20NC02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., Mme A... D... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 19 mars 2018 par lesquels le maire de Montperreux a délivré à Mme C... D... deux certificats d'urbanisme négatifs.

Par un jugement n° 1801081 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 19 mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2020, la commune de Montperreux, représentée par Me Su

issa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801081 du tribunal administratif de Besan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., Mme A... D... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 19 mars 2018 par lesquels le maire de Montperreux a délivré à Mme C... D... deux certificats d'urbanisme négatifs.

Par un jugement n° 1801081 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 19 mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2020, la commune de Montperreux, représentée par Me Suissa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801081 du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par les consorts D... ;

3°) de mettre à la charge des consorts D... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en prenant les arrêtés en litige du 19 mars 2018, le maire de Montperreux n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard du principe de constructibilité limitée énoncé aux articles L. 111-3, L. 122-5 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme dès lors que les constructions envisagées ne sont pas situées dans les parties actuellement urbanisées de la commune et en continuité avec le bâti existant et qu'elles ne correspondent à aucune des exceptions prévues à l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme ;

- situées à proximité immédiate du lac Saint-Point, dont les abords font l'objet d'une protection particulière, les parcelles destinées à accueillir les projets de construction sont classées, dans le plan local d'urbanisme de Montperreux en cours d'élaboration, en zone naturelle et naturelle humide avec un risque de glissement de terrain de moyen à fort.

Par un courrier reçu le 7 janvier 2021, Mme C... D..., agissant au nom des consorts D..., a indiqué à la cour ne pas souhaiter présenter de mémoire en défense et s'en tenir à ses écritures de première instance.

Par courrier du 25 janvier 2023, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, compte tenu des avis défavorables du préfet du Doubs du 26 février 2018, le maire de Montperreux se trouvait en situation de compétence liée pour délivrer aux requérants les certificats d'urbanisme négatifs contestés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Naudin, substituant le cabinet DSC Avocats, pour la commune de Montperreux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... et ses deux enfants, Mme A... D... et M. E... D..., sont propriétaires en indivision de trois parcelles contiguës d'une superficie totale de 7 809 mètres carrés, cadastrées Section 405 AD 37, AD 38 et AD 123 et situées 8 B rue du Tacot, au lieu-dit " La Coqueline ", sur le territoire de la commune de Montperreux (Doubs). Le 8 février 2018, Mme C... D... a sollicité, sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, la délivrance de deux certificats d'urbanisme en vue de la démolition d'un chalet existant et de la construction, en lieu et place, de deux maisons à usage d'habitation. Le 19 mars 2018, le maire de Montperreux lui a délivré, au nom de la commune, deux certificats d'urbanisme opérationnels négatifs. Le recours gracieux, formé par Mme D... le 7 avril 2018, ayant été rejeté le 7 juin 2018, les consorts D... ont, le 25 juin suivant, saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 mars 2018. La commune de Montperreux relève appel du jugement n° 1801081 du 6 août 2020, qui fait droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; (...) ".

3. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ". Aux termes de l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux. ".

5. Il résulte de ces dispositions, qui régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet réalise une urbanisation en continuité par rapport à un groupe d'habitations existantes, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions déjà présentes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 février 2018, le préfet du Doubs, consulté par le maire de Montperreux, a émis deux avis défavorables au motif que les projets des consorts D..., qui ne relèvent d'aucune des exceptions autorisées par

l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, sont situés en discontinuité du bâti existant au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du même code. Il n'est pas contesté que, à la date des arrêtés en litige du 19 mars 2018, le terrain d'assiette des constructions projetées n'était pas couvert par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. Dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, le maire était tenu de délivrer des certificats d'urbanisme négatifs. Par suite, eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle il se trouvait et en l'absence de contestation par les consorts D... du bien-fondé des avis défavorables émis par le préfet du Doubs le 26 février 2018, la commune requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour annuler les arrêtés en litige du 19 mars 2019, le moyen, qui était inopérant, tiré de ce que ces arrêtés étaient entachés d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

7. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les parcelles des consorts D... se situent à l'extérieur de la partie urbanisée du hameau de Chaon, lequel constitue l'un des trois hameaux composant la commune de Montperreux. Elles se trouvent à l'arrière d'un ensemble d'une dizaine d'habitations implantées le long de la rue de la Coqueline, à l'intérieur d'un compartiment comportant un vaste espace demeuré à l'état naturel et situé à proximité du lac de Saint-Point. A supposer même que ces habitations puissent être regardées comme un ensemble immobilier suffisamment homogène et dense pour former un " groupe d'habitations " au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que les constructions projetées seront séparées de cet ensemble par une zone boisée et seront distantes des constructions les plus proches d'environ soixante à quatre-vingt-dix mètres. Dans ces conditions et alors même qu'elles seront desservies par une voie carrossable et par les réseaux publics d'eau, d'assainissement et d'électricité et que les parcelles cadastrées AD 37 et 38 supportent, depuis de nombreuses années, un chalet d'habitation et un hangar, elles ne peuvent être perçues comme s'insérant dans l'ensemble immobilier existant. Lesdites constructions, qui ne correspondent à aucune des exceptions autorisées par l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, ne satisfont donc pas à l'exigence de continuité de l'urbanisation énoncée à l'article L. 122-5 du même code.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués dans la demande de première instance.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, eu égard aux avis défavorables du préfet du Doubs du 26 février 2018, le maire de Montperreux se trouvait en situation de compétence liée pour délivrer à Mme C... D... des certificats d'urbanisme négatifs. Par suite, les autres moyens de la demande de première instance, tirés respectivement de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation, de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des administrés devant la loi, doivent être écartés comme inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montperreux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 19 mars 2018.

Sur les frais de justice :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts D... la somme réclamée par la commune de Montperreux en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801081 du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par les consorts D... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montperreux et à Mme C... D... pour l'Indivision D....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

La présidente,

Signé : G. HAUDIER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02883 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02883
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme - Contenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;20nc02883 ?
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