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28/02/2023 | FRANCE | N°22NC01368

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 février 2023, 22NC01368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et, d'autre part, l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2200002 du 10 janvier 2022, la magistrate désignée par le président d

u tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision refusant un délai de départ volon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et, d'autre part, l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2200002 du 10 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire à M. A... ainsi que " les conditions de contrôle de la décision portant assignation à résidence en tant que M. A... doit aller pointer à la DDPAF de l'aéroport d'Entzheim " et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2022, M. A..., représenté par Me Welzer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 10 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ; le tribunal a omis de répondre au moyen qu'il avait invoqué dans sa requête et tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, compte tenu de la demande de titre de séjour qu'il avait déposée avant son interpellation et l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'existence du dépôt d'une demande de titre de séjour ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ; la préfète n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ; l'arrêté ne mentionne pas les éléments relatifs à sa bonne insertion professionnelle et ne mentionne pas la demande de titre de séjour qu'il avait présentée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il a déposé une demande de titre de séjour ;

- il peut se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 pour obtenir la régularisation de sa situation ;

- le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français alors que sa demande de titre de séjour était toujours pendante ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;

- les décisions portent refus de départ volontaire et fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant refus de départ volontaire est illégale ; la décision n'est pas suffisamment motivée ; elle est entachée d'erreurs de fait et de droit.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant bosnien né en 1973, a déclaré être entré en France au mois d'août 2017, accompagné de son épouse et de ses deux enfants. Il a présenté une demande d'asile le 26 octobre 2017, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 décembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 juillet 2018. Le 17 septembre 2018, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a été rejetée par une décision du préfet du Bas-Rhin du 18 septembre 2019. Le recours contentieux présenté par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 décembre 2019, confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy le 25 juin 2020. M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 3 octobre 2018 puis le 25 septembre 2019. Ces demandes ont toutes été rejetées tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par un arrêté du 31 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 10 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire à M. A... et a rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... à l'encontre de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté du 31 décembre 2021.

Sur l'étendue du litige :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par son jugement du 10 janvier 2022 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire à M. A.... Les conclusions du requérant tendant à ce que la cour annule cette décision sont ainsi irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant, par une motivation suffisante. En particulier, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a répondu au moyen tiré de ce qu'avant de prendre l'arrêté litigieux, la préfète n'aurait pas examiné la demande de titre de séjour qu'aurait présentée M. A... le 22 novembre 2021, en indiquant dans son jugement que M. A... n'établissait pas avoir déposé une telle demande. Par ailleurs, la circonstance que la magistrate désignée par le président du tribunal aurait commis une erreur de droit ou aurait entaché son jugement d'une erreur d'appréciation est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement et serait uniquement, le cas échéant, de nature à en affecter le bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, l'arrêté litigieux comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant d'édicter cet arrêté. En particulier, si le requérant fait valoir que, préalablement à l'édiction de son arrêté, la préfète n'a pas examiné la demande de titre de séjour qu'il avait présentée le 22 novembre 2021, il n'établit pas, par les documents qu'il produit, avoir effectivement présenté une telle demande. S'il produit un accusé de réception d'un courrier adressé à la préfecture du

Bas-Rhin réceptionné par les services de ladite préfecture le 22 novembre 2021, il ne produit pas de copie de sa demande. Par ailleurs, s'il indique s'être prévalu d'une promesse d'embauche dans cette demande, le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail signé par le gérant de la société Decor Sezer est daté du 26 janvier 2021 et le courrier rédigé par ce dernier, qui aurait été adressé à la sous-préfecture de Haguenau, est daté du 24 aout 2021. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le requérant a présenté une demande de titre de séjour le 22 novembre 2021.

5. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la préfète a commis une erreur de fait et, en tout état de cause, celui tiré de ce que la préfète ne pouvait pas prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français alors que sa demande de titre de séjour était toujours pendante, ne peuvent qu'être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Le requérant se prévaut de sa bonne insertion en France, d'une promesse d'embauche et de la présence en France de ses deux enfants, dont l'une, mineure poursuit sa scolarité en France, mais également de son épouse dont l'état de santé nécessite des soins. Toutefois, une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la préfète du Bas-Rhin sur la demande présentée par Mme A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 19 novembre 2019, le collège des médecins de l'OFII a considéré que si l'état de santé de Mme A... nécessite des soins dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine. Le requérant n'établit ainsi pas que son épouse aurait vocation à rester en France. De plus, s'il est constant que la fille du requérant, née en 2004, a obtenu de très bons résultats scolaires au collège et au lycée, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Bosnie. Dans ces conditions et compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la préfète aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que cette autorité aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale du requérant.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. En l'espèce, compte tenu des circonstances mentionnées aux points précédents et alors notamment qu'il n'est établi ni que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Bosnie, ni que la fille du requérant ne pourrait pas y poursuivre sa scolarité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en édictant l'arrêté litigieux, la préfète aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. En cinquième lieu, en instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans son avis n° 462784 du 14 octobre 2022, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, en l'espèce, le requérant ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire.

11. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2023.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : E. MEISSELa présidente-rapporteure,

Signé : G. C...

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC01368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01368
Date de la décision : 28/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-28;22nc01368 ?
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