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16/02/2023 | FRANCE | N°20NC02200

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 16 février 2023, 20NC02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800879 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Jacquot, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800879 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Jacquot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des impositions contestées ;

3°) subsidiairement, de soumettre à la cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à l'interprétation du c du 1 de l'article 132 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration, afin de récuser la finalité thérapeutique des actes litigieux, refuse de tenir compte de la classification commune des actes médicaux descriptive, en méconnaissance des règles de la directive du 28 novembre 2006, et entend se fonder uniquement sur la liste des actes pris en charge par la sécurité sociale de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale alors que la preuve de l'intérêt diagnostique ou thérapeutique d'actes de médecine ou de chirurgie esthétique non pris en charge est impossible à apporter sur la base de cette liste ;

- c'est à tort que le service a calculé le rappel de taxe au prorata de la valeur des actes sans rechercher si des opérations pouvaient être exonérées en tant qu'accessoires d'une opération principale exonérée.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... est chirurgien spécialisé en chirurgie esthétique et réparatrice au centre hospitalier de Montbéliard. Par lettre du 4 décembre 2013, adressée à l'administration fiscale, l'intéressé a opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de ses actes de chirurgie esthétique qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie à compter du 1er octobre 2012. L'administration fiscale a procédé à la vérification de comptabilité de l'activité libérale de M. B... au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Après avoir constaté que l'intéressé avait déposé une déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée modèle CA12 au titre de l'année 2013, portant au demeurant la mention " néant ", plus de trente jours après la réception d'une mise en demeure et qu'il n'en avait pas déposé au titre des années 2014 et 2015 en dépit de la réception d'une mise en demeure, le service l'a taxé d'office, en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à la suite d'une proposition de rectification du 12 décembre 2016. Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 31 juillet 2017 et la réclamation préalable de M. B... du 20 octobre 2017 a été rejetée le 28 mars 2018. M. B... relève appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office:/ (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

En ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires taxable :

3. Il résulte de l'instruction qu'afin de déterminer le montant du chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et en particulier la part des actes effectués ne pouvant bénéficier de l'exonération applicable aux soins médicaux, le service a considéré que le montant des recettes figurant sur les relevés du système national inter-régimes (SNIR) correspondait à des actes médicaux pris en charge par la sécurité sociale. En conséquence, le service a estimé que la différence entre le montant total des recettes comptabilisées et celui des recettes figurant sur le relevé SNIR représentait le montant des actes non pris en charge par la sécurité sociale, devant être soumis à ce titre à la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte également de l'instruction qu'en cours de procédure et au vu de la production par l'intéressé de la liste des actes pratiqués accompagnée de la seule indication du ou des codes des actes dans la classification commune des actes médicaux (CCAM), le service, par lettre du 22 juin 2017, a admis que devaient être exonérés les actes remboursables selon la CCAM ainsi que, par mesure de tolérance, les actes remboursables selon les circonstances dans la codification de la CCAM. Le service a ensuite considéré que devaient être taxés les actes non remboursables selon la CCAM. S'agissant des interventions recouvrant à la fois des actes remboursables et des actes non remboursables, le service a estimé que l'exonération et la taxation devaient être déterminées au prorata du coût global de l'opération. Enfin, s'agissant des consultations, le service a considéré qu'elles devaient être soumises à la taxe dans la même proportion que les honoraires des actes chirurgicaux taxables au cours du trimestre considéré. En l'absence d'indication, dans la comptabilité et sur les devis, relative à la nature exacte des actes pratiqués, cette méthode ne saurait être regardée comme sommaire ou viciée dans son principe.

En ce qui concerne les conditions de l'exonération :

4. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées ".

5. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point ci-dessus, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va nécessairement de même des actes médicaux, tels que l'anesthésie, matériellement et économiquement indissociables de la prestation principale de soins médicaux exonérée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

6. En vertu, d'autre part, des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

7. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste ci-dessus mentionnée ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

8. En déterminant la part du chiffre d'affaires de l'intéressé soumis à la taxe sur la valeur ajoutée selon les modalités rappelées au point 3 ci-dessus, l'administration n'a pas fait une inexacte application des règles ci-dessus reproduites. Au regard de ces mêmes règles, M. B..., en l'absence de toute justification de leur inscription sur la liste prévue à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale et de leur finalité thérapeutique pour chacune des opérations litigieuses, n'est pas fondé à soutenir que, dès lors que tous les actes chirurgicaux et toutes les consultations qu'il a pratiqués font nécessairement l'objet d'un codage selon la classification des actes médicaux dite descriptive, ces opérations poursuivraient nécessairement une finalité thérapeutique.

En ce qui concerne les actes mixtes :

9. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

10. Le requérant, qui ne produit aucun détail des interventions dans lesquelles, selon lui, des actes à visée non-thérapeutique n'auraient été que l'accessoire d'actes à finalité thérapeutique, n'établit pas, alors que la charge de la preuve lui incombe sur ce point, qu'en soumettant partiellement à la taxe sur la valeur ajoutée les interventions uniques regroupant plusieurs actes à la fois remboursables et non remboursables, l'administration aurait fait une inexacte application des règles ci-dessus rappelées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 20NC02200

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02200
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-16;20nc02200 ?
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