Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2022 par lesquels la préfète de l'Aube, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de l'Aube et l'a obligé à se présenter les lundis, mercredis et vendredis à 8 heures 30 au commissariat de police de Troyes et d'enjoindre à la préfète de l'Aube de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier SIS II.
Par un jugement n° 2201555 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 22NC02086 le 4 août 2022, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande au tribunal :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 juillet 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2022 par lesquels la préfète de l'Aube, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de l'Aube et l'a obligé à se présenter les lundis, mercredis et vendredis à 8 heures 30 au commissariat de police de Troyes ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier SIS II ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
s'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la préfète de l'Aube a commis une erreur d'appréciation en regardant comme établi le risque qu'il se soustraie a` la mesure d'éloignement ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il justifiait de circonstances humanitaires qui aurait dû conduire la préfète à ne pas prendre cette décision ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de l'assignation à résidence :
- l'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français prive de base légale la mesure d'assignation à résidence ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la préfète de l'Aube a commis une erreur d'appréciation quant à la nécessité de cette assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en septembre 2019. S'étant déclaré mineur et regardé comme tel, il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube le 18 septembre 2019. Le 25 février 2021, il a sollicité du préfet de l'Aube la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juin suivant, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... s'est toutefois maintenu sur le territoire français. Par deux arrêtés du 6 juillet 2022, la préfète de l'Aube, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de l'Aube, en lui imposant de se présenter les lundis, mercredis et vendredis à 8 heures 30 au commissariat de police de Troyes. M. A... relève appel du jugement du 19 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
2. L'arrêté du 6 juillet 2022 énonce les considérations de droit et de fait qui servent de fondement aux décisions qu'il comporte. Ainsi, la préfète de l'Abe, qui n'était pas tenue de faire état de manière détaillée de la situation particulière de l'intéressé, ni d'indiquer en quoi cette situation ne faisait pas obstacle à l'édiction de ces décisions, a suffisamment motivé son arrêté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces décisions n'auraient pas été précédées d'un examen particulier de la situation du requérant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France en 2019 à l'âge déclaré de 16 ans. Célibataire et sans enfant, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il est constant que réside sa mère. La circonstance que celle-ci ait été victime d'un accident vasculaire cérébral et soit dans l'impossibilité de recevoir son fils n'est pas de nature à établir qu'il serait désormais sans famille dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, et en dépit des efforts d'intégration et de formation professionnelle dont se prévaut le requérant, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Enfin, l'article L. 612-6 de ce code prévoit que " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".
5. Il est constant que M. A..., qui a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 2 juin 2021, n'y a pas déféré. Il entrait ainsi dans le cas où le risque qu'il se soustraie à la décision lui faisant à nouveau obligation de quitter le territoire français pouvait, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi. L'intéressé ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à avoir permis d'écarter ce risque. Dès lors, la préfète de l'Aube a pu légalement lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire. En application des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la préfète pouvait donc assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. M. A... ne présente pas de circonstances humanitaires pouvant justifier que le préfet n'édicte pas cette interdiction de retour.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français faite à M. A... méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2022 portant assignation à résidence :
7. En premier lieu, l'arrêté du 6 juillet 2022 ordonnant l'assignation à résidence de M. A... énonce les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.
8. En deuxième lieu, l'assignation à résidence de M. A... ne constitue pas une mesure d'exécution de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, il ne saurait utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette interdiction de retour à l'appui de ses conclusions dirigées contre son assignation à résidence. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit, M. A... n'a pas établi l'illégalité de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
9. En dernier lieu, au regard de la situation de M. A... et de la circonstance qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une première mesure d'éloignement, la préfète de l'Aube n'a pas, en décidant de l'assigner à résidence, inexactement apprécié la nécessité de cette mesure.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Wallerich, président,
M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC02086