Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les Crins du Saulnois, devenue la SARL Ecurie du Soret a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand Est à lui verser la somme de 311 805,16 euros à titre d'indemnisation, de mettre à la charge de la région Grand Est les entiers dépens ainsi qu'une somme de 6 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1704465 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, l'a condamnée à verser à la région Grand Est une somme de 1 315 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la région Grand Est.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00567 le 4 mars 2020, et trois mémoires, enregistrés les 9 décembre 2021, 18 août et 2 septembre 2022, la SARL Ecurie du Soret, représentée par Me Hellenbrand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 janvier 2020 ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'établissement public local d'enseignement agricole du Val-de-Seille et la région Grand Est à lui verser les sommes de :
- 263 467,16 euros en réparation des préjudices résultant de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public conclue avec la région ;
- 51 988 euros à titre de paiement de prestations non réglées ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'établissement public local d'enseignement agricole du Val-de-Seille et de la région Grand Est une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'avenant à la convention d'occupation du domaine public faisait obstacle à toute indemnisation en cas de résiliation anticipée de cette convention ; une telle clause, contraire à l'article L. 2122-9 du code général de la propriété des personnes publiques, est réputée non écrite ; cette indemnisation est également due en application de l'article L. 1311-7 du code général des collectivités territoriales ;
- l'intérêt général du motif de résiliation n'est pas démontré ;
- la région Grand Est a commis une faute en résiliant la convention d'occupation du domaine public ;
- il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il rejette ses conclusions indemnitaires et en ce qu'il la condamne à payer la somme de 1 315 euros au titre de la période d'occupation sans titre postérieure à la résiliation ;
- elle a droit à l'indemnisation de ses pertes de bénéfices et des dépenses exposées et non amorties à la date de la résiliation ; le montant de ses encours d'emprunt s'élève à 113 467,16 euros ; sa perte de chiffre d'affaires peut être estimée à 150 000 euros ;
- elle a droit au paiement de prestations de fourniture d'équidés supplémentaires, réalisées à la demande de l'établissement public local d'enseignement agricole du Val-de-Seille, pour un montant de 26 000 euros, ainsi qu'au paiement du service rendu pendant l'année scolaire 2016-2017, pour un montant de 22 338 euros ;
- elle a droit au règlement sa facture du 14 mai 2017, d'un montant de 3 650 euros.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er février et 13 octobre 2022, la région Grand Est, représentée par Me Dartois, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Ecurie du Soret une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un courrier du 30 décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la SARL Ecurie du Soret tendant à la condamnation de l'EPLEA du Val-de-Seille, solidairement avec la région Grand Est, à l'indemniser des préjudices résultant de la résiliation anticipée de la convention d'occupation du domaine public régional et à lui régler le montant de diverses prestations, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dartois, pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention, signée le 1er juillet 2012, la région Lorraine, à laquelle a succédé la région Grand Est, a autorisé la SARL Les Crins du Saulnois, devenue SARL Ecurie du Soret, à occuper de manière précaire et révocable, pour une durée d'un an, courant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, les installations du centre équestre La Marchande, situées dans les locaux de l'établissement public local d'enseignement agricole (EPLEA) du Val-de-Seille à Château-Salins et affectées au service public de l'enseignement agricole, constituées d'un bâtiment et d'une carrière d'une superficie respective de 1 200 et 900 mètres carrés. Cette convention, à laquelle l'EPLEA du Val-de-Seille était également partie, prévoyait notamment que l'occupant devrait laisser à cet établissement, pour les besoins du service public, un accès libre aux immeubles objets de la convention. Par un avenant signé le 29 novembre 2013, la durée de cette convention a été étendue jusqu'au 30 juin 2018. Le 1er septembre 2016, l'EPLEA du Val-de-Seille et la SARL Ecurie du Soret ont par ailleurs signé une convention destinée à définir les modalités de mise à disposition réciproque du centre équestre découlant de la convention d'occupation du domaine public régional. Par une lettre du 23 mai 2017, la région Grand Est a cependant informé la SARL Ecurie du Soret de sa décision de résilier pour un motif d'intérêt général la convention d'occupation du domaine public régional avec effet au 30 juin 2017. La région Grand Est a maintenu cette décision malgré la demande de retrait dont la SARL Ecurie du Soret l'avait saisie par un courrier du 8 juin 2017.
2. Par un jugement du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SARL Ecurie du Soret tendant à voir condamner la région Grand Est à lui verser la somme totale de 311 805,16 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public régional ainsi qu'en paiement de diverses prestations. La SARL Ecurie du Soret relève appel de ce jugement et demande désormais la condamnation solidaire de la région Grand Est et de l'EPLEA Val-de-Seille à lui verser la somme 263 467,16 euros en réparation des préjudices résultant de la résiliation anticipée de la convention d'occupation du domaine public régional et la somme de 51 988 euros à titre de paiement de prestations non réglées.
Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre l'EPLEA du Val-de-Seille :
3. Les conclusions de la SARL Ecurie du Soret tendant à la condamnation de l'EPLEA du Val-de-Seille, solidairement avec la région Grand Est, à l'indemniser, des préjudices résultant de la résiliation anticipée de la convention d'occupation du domaine public régional et à lui régler le montant de diverses prestations, au demeurant mal dirigées s'agissant des premières, sont nouvelles en appel et sont par suite irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre la région Grand Est :
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices résultant de la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public régional :
4. L'article 12 de la convention d'occupation du domaine public régional signée le 1er juillet 2012, dont les stipulations ont été étendues jusqu'au 30 juin 2018 par l'avenant conclu le 13 novembre 2013, prévoit que " La présente convention (...) pourra prendre fin de manière anticipée, dans les conditions prévues à l'article 13 (...) Cette autorisation d'occupation du domaine public régional est consentie, conformément à l'article L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques, à titre précaire et révocable. Aussi, à l'expiration de cette convention, et quelle qu'en soit la cause, l'occupant ne pourra invoquer aucun droit au maintien dans les lieux ni réclamer aucune indemnité. ". Selon l'article 13 de cette convention, " Le Conseil Régional de Lorraine pourra ainsi procéder à la résiliation de la présente convention avant l'arrivée de son terme dans deux hypothèses : / - Si un motif d'intérêt général justifie cette résiliation : / Dans cette hypothèse le Conseil Régional de Lorraine devra respecter un préavis de 1 mois. Dans cette hypothèse la partie de la redevance versée d'avance et correspondant à la période restant à courir sera, conformément aux dispositions de l'article L. 2125-5 du code général de la propriété des personnes publiques, restituée à l'occupant. / - En cas de manquement par l'occupant à ses obligations contractuelles : / En cas d'inobservation par l'occupant de ses obligations contractuelles, le Conseil Régional de Lorraine pourra le mettre en demeure de se conformer à ses obligations, au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception. A défaut d'effet dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette lettre, le Conseil Régional de Lorraine, pourra prononcer la résiliation de la présente convention. ". Ces stipulations ont été reprises à l'identique, aux articles 12 et 13 de l'avenant à la convention, signé le 29 novembre 2013.
5. Dans les termes où elles sont rédigées, compte tenu notamment du rappel du caractère précaire et révocable de l'autorisation d'occupation du domaine public régional, suivi de l'exclusion de tout droit à indemnité au profit de l'occupant à " l'expiration " de la convention " quelle qu'en soit la cause ", ces stipulations doivent être interprétées, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, comme faisant obstacle à toute demande d'indemnité du préjudice résultant de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public régional, que cette résiliation repose sur un motif d'intérêt général ou sur un manquement de l'occupant à ses obligations contractuelles.
6. A cet égard, si les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle ne le prévoient, de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve de l'indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant, ces mêmes principes ne s'opposent pas, en l'absence de dispositions législatives expresses, à ce que des stipulations contractuelles écartent, comme en l'espèce, tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique. Le troisième alinéa de l'article L. 2122-9 du code général de la propriété des personnes publiques et le troisième alinéa de l'article L. 1311-7 du code général des collectivités territoriales ne prévoient les modalités d'indemnisation du retrait anticipé d'autorisations d'occupation du domaine public que dans la mesure où ces autorisations concernent, dans le premier cas, des dépendances du domaine public de l'Etat et de ses établissements publics, et, dans le second cas, des dépendances du domaine public des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements constitutives de droits réels. Aucun de ces deux articles ne s'opposaient dès lors à ce que la convention d'occupation du domaine public régional conclue entre la région Grand Est et la SARL Ecurie du Soret, qui ne concerne pas une dépendance du domaine public de l'Etat ou d'un de ses établissements publics et n'institue aucun droit réel au profit de l'occupant, prévoie l'exclusion de toute indemnité de ce dernier en cas de résiliation de cette convention pour un motif d'intérêt général.
7. Par ailleurs, la région Grand Est a justifié la résiliation de la convention d'occupation de son domaine public conclue avec la SARL Ecurie du Soret par sa volonté de réorganiser le centre équestre et de mettre en œuvre un projet pédagogique d'écurie active gérée par l'EPLEA du Val-de-Seille. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ce projet dont la réalité résulte de l'instruction, répond à une finalité d'intérêt général, de sorte que cette résiliation a été valablement prononcée.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Ecurie du Soret ne saurait prétendre à l'indemnisation de la perte de bénéfices et des dépenses non amorties exposées en vain résultant de la décision de résiliation prise par la région Grand Est.
En ce qui concerne le paiement des prestations réalisées par la SARL Ecurie du Soret :
9. Il résulte de l'instruction, comme l'a relevé le tribunal, que les prestations de mise à disposition d'équidés, respectivement pour la période du 5 septembre 2016 au 30 janvier 2017 et un montant de 22 338 euros, et pour la période du 7 septembre 2015 au 30 janvier 2017 et un montant de 26 000 euros, dont la requérante fait valoir la réalisation et sollicite le paiement, ont été fournies exclusivement à l'EPLEA, et non à la région Grand Est. Il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait accepté de prendre en charge ces dépenses. Par suite, la requérante n'est pas fondée à lui en demander le règlement. Il en va de même du règlement de la facture du 14 mai 2017, d'un montant de 3 650 euros, dont se prévaut la requérante dans le dernier état de ses écritures.
Sur la condamnation de la SARL Ecurie du Soret à verser une indemnité d'occupation :
10. Il est constant que la SARL Ecurie du Soret, qui à la suite de la résiliation de la convention, prononcée valablement, aurait dû libérer les lieux le 30 juin 2017, s'y est maintenue, en méconnaissance de ses obligations contractuelles et sans titre, jusqu'au 10 août 2017, date à laquelle les clés du centre équestre ont été restituées à un agent de la région Grand Est. Cette dernière était, dès lors, fondée à demander que le paiement d'une indemnité d'occupation soit mis à la charge de la requérante. La somme de 1 315 euros que réclame la région pour la période d'occupation sans titre de 40 jours correspond au tarif de la redevance d'occupation prévue par la convention résiliée. Il y a lieu de retenir ce montant.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL Ecurie du Soret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires et l'a condamnée au versement à la région Grand Est de la somme de 1 315 euros à titre d'indemnité d'occupation.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Grand Est et de l'EPLEA du Val-de-Seille, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la SARL Ecurie du Soret demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge de celle-ci le versement à la région Grand Est d'une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'elle a lui-même exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Ecurie du Soret est rejetée.
Article 2 : La SARL Ecurie du Soret versera à la région Grand Est la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ecurie du Soret, à la région Grand Est et à l'EPLEA du Val-de-Seille.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Wallerich, président de chambre,
M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 20NC00567