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31/01/2023 | FRANCE | N°20NC02762

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 20NC02762


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme totale de 58 601,38 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge.

Par un jugement n° 1505529 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné avant-dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si la

perforation œsophagienne dont a été victime Mme C... au cours de l'intervention d...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme totale de 58 601,38 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge.

Par un jugement n° 1505529 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné avant-dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si la perforation œsophagienne dont a été victime Mme C... au cours de l'intervention du 27 avril 2011 est la conséquence d'un aléa thérapeutique ou d'une faute médicale.

Par un jugement n° 1505529 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme C..., mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 656 euros, et rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, ainsi que celles présentées par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 31 janvier 2022, Mme B... C..., représentée par Me Seyve, demande à la cour :

1°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ;

2°) d'annuler les jugements n° 1505529 du tribunal administratif de Strasbourg des 20 septembre 2018 et 22 juillet 2020 ;

3°) de condamner le centre hospitalier régional à lui verser la somme totale de 58 601,38 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le 27 avril 2011, au cours d'une intervention chirurgicale pour une stérilisation tubaire à but contraceptif, elle a été victime d'une perforation œsophagienne qui, malgré ses symptômes, n'a été diagnostiquée et prise en charge que le 29 avril suivant ;

- cette perforation et ce retard de diagnostic, qui sont à l'origine des séquelles qu'elle a conservées, sont constitutifs de fautes qui engagent la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

- elle est fondée à réclamer les sommes de 2 035,93 euros au titre des frais divers, de 6 265,35 euros au titre de l'assistance par tierce personne, de 3 300 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 30 000 euros au titre des souffrances, de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique et de 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2021, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme C... ne sont pas fondées dès lors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Seyve pour Mme C... et de Me Demailly pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

Considérant ce qui suit :

1. Née le 25 septembre 1968, Mme B... C... a été admise, le 27 avril 2011, au service de chirurgie ambulatoire de l'hôpital-maternité Sainte-Croix de Metz pour y subir une stérilisation tubaire à but contraceptif. A la suite de cette intervention, elle a quitté l'établissement public de santé dès le lendemain, sans prescription médicale particulière, mais avec un arrêt de travail de quarante-huit heures. Ressentant des douleurs à la gorge et constatant un gonflement à cet endroit, elle s'est présentée, le 29 avril 2011, aux urgences gynécologiques de l'hôpital-maternité Sainte-Croix, où un médicament à base de paracétamol lui a été prescrit. En raison de la persistance et de l'aggravation de ses symptômes, la requérante a été adressée, le 30 avril 2011, par le médecin de garde au service des urgences de l'hôpital Notre-Dame-de-Bon-Secours de Metz. Une radiographie pulmonaire et un scanner ayant révélé respectivement un pneumo-médiastin et une volumineuse collection aérique rétropharyngée, une suspicion de perforation œsophagienne a justifié le transfert de la requérante au centre hospitalier régional universitaire de Nancy. Après confirmation de ce diagnostic, l'intéressée y a subi en urgence, le 1er mai 2011, une intervention de huit heures, qui a été suivie d'une hospitalisation en service de réanimation jusqu'au 6 mai, puis en service de soins continus jusqu'au 20 mai 2011. Mme C... a de nouveau été hospitalisée du 6 au 10 et du 14 au 17 juin 2011 dans le cadre du contrôle des suites opératoires. Le 23 novembre 2011, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, qui, par une ordonnance n° 1105960 du 7 mars 2012, a ordonné une expertise médicale, dont le rapport définitif a été remis le 30 septembre 2014. Sa réclamation du 25 juillet 2015 ayant été rejetée le 24 août suivant par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, dont dépendaient tant l'hôpital-maternité Sainte-Croix que l'hôpital Notre-Dame-de-Bon-Secours, Mme C... a, le 7 octobre 2015, saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement mis en cause à lui verser la somme totale de 58 601,38 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge. Elle relève appel des jugements n° 1505529 des 20 septembre 2018 et 22 juillet 2020, par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a ordonné avant-dire droit une expertise médicale afin de déterminer si la perforation œsophagienne dont elle a été victime est la conséquence d'un aléa thérapeutique ou d'une faute médicale, d'autre part, à la suite de la remise par l'expert de son rapport le 16 novembre 2019, a rejeté sa demande indemnitaire.

2. Aux termes du premier aliéna du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. D'une part, il résulte du premier rapport d'expertise, établi le 30 septembre 2014, que l'acte chirurgical de stérilisation tubaire réalisé le 27 avril 2011 " a été effectué dans le plus strict respect des règles de l'art ". Dans ces conditions, aucune faute ne peut être reprochée au centre hospitalier régional de Metz-Thionville à ce titre.

4. D'autre part, il résulte notamment du second rapport d'expertise, établi le 13 novembre 2019, lequel se réfère au compte rendu détaillé du médecin anesthésiste du 20 février 2012, que, en l'absence de visibilité de la glotte de la patiente, l'induction anesthésique a été marquée par une difficulté d'intubation, qui a rendu nécessaire l'utilisation d'un mandrin. Eu égard aux conditions dans lesquelles cette intubation a été réalisée, l'expert en conclut que la perforation œsophagienne latérale gauche à hauteur de l'œsophage cervical dont a été victime Mme C... est la conséquence d'un aléa thérapeutique de fréquence exceptionnelle. Si la requérante fait valoir que le compte rendu du médecin anesthésiste a été établi longtemps après l'intervention du 27 avril 2011, que la feuille d'anesthésie ne fait état d'aucune difficulté particulière, ni d'ailleurs de la nécessité de recourir à un mandrin, et que les résultats des consultations pré-anesthésiques ne lui ont pas été communiqués, de telles circonstances ne suffisent pas à démontrer que cette perforation serait imputable à un acte médical fautif. Dans ces conditions aucune faute ne peut être reproché au centre hospitalier régional de Metz-Thionville à ce titre.

5. Enfin, il résulte de l'instruction, spécialement du premier rapport d'expertise, que la perforation œsophagienne de Mme C... n'a été véritablement diagnostiquée et prise en charge que le 1er mai 2011, alors même que l'intéressée, au lendemain de sa stérilisation tubaire, présentait des signes de dysphagie, des maux de gorge, ainsi qu'un début d'emphysème, et qu'elle est retournée avec de la fièvre au service des urgences gynécologiques de l'hôpital-maternité Sainte Croix, le 29 avril 2011. Selon l'expert, les symptômes marquant les suites immédiates de l'intervention du 27 avril 2011 auraient dû conduire le personnel médical à une réévaluation de la situation par des examens complémentaires. Toutefois, si le retard dans le diagnostic et la prise en charge de la perforation œsophagienne sont constitutifs d'une faute, qui engage la responsabilité du centre hospitalier de Metz-Thionville, le rapport d'expertise du 30 septembre 2014 estime que les conséquences dommageables subies par la patiente n'auraient pas été différentes si ce diagnostic et cette prise en charge avaient été plus rapides. Dans ces conditions, alors même que l'intéressée a continué à boire et à s'alimenter après l'intervention du 27 avril 2011, aucun lien de causalité ne peut être établi entre la faute ainsi commise par l'hôpital et les préjudices subis par l'intéressée, lesquels résultent exclusivement de la perforation de son œsophage.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la caisse primaire d'assurance maladie de

Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02762 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02762
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute - Actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Diagnostic.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP J-C et M. SEYVE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-31;20nc02762 ?
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