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31/01/2023 | FRANCE | N°20NC02345

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 20NC02345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme totale de 49 391, 92 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de fautes commises lors de l'intervention chirurgicale réalisée au sein de l'établissement le 12 décembre 2014. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle a également sollicité le rembourseme

nt de ses débours.

Par un jugement n° 1806647 du 23 juin 2020, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme totale de 49 391, 92 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de fautes commises lors de l'intervention chirurgicale réalisée au sein de l'établissement le 12 décembre 2014. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle a également sollicité le remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1806647 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le centre hospitalier régional de Metz Thionville à verser à M. D... la somme de 1 849,04 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle la somme de 2 749,07 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 octobre 2022, M. C... D..., représenté par Me Olszowiak, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2020 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme totale de 50 801, 35 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la faute commise lors de l'intervention chirurgicale réalisée au sein de l'établissement le 12 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz Thionville et de la SHAM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si les premiers juges ont à bon droit considéré qu'une la faute a été commise lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 12 décembre 2014, ils ont sous-évalué ses préjudices ;

- il est fondé à solliciter le remboursement de la somme de 1 061 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge ;

- il est fondé à solliciter le remboursement des frais d'expertise qui se sont élevés à 1 930 euros ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de l'indemniser au titre de l'assistance tierce personne ; il justifie que son état a nécessité l'aide de sa mère, à raison de deux heures par jour ; ce poste de préjudice pourra être indemnisé par l'allocation d'une somme de 13 589,79 euros ;

- il justifie de frais de déplacement d'un montant de 669,87 euros et de frais de copie de son dossier médical de 32,92 euros ;

- il a subi une perte de gains professionnels pour la période du 2 février 2015 au 22 novembre 2017 qui peut être évaluée à 11 933 euros ;

- il est également fondé à solliciter une somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- le déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi, y compris pour la période du 6 décembre 2016 au 22 novembre 2017, peut être évalué à 1 305 euros ;

- il est fondé à solliciter une somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- il a subi un préjudice esthétique qui peut être évalué à 2 000 euros ;

- il a subi un préjudice d'agrément qui peut être évalué à 3 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance de Meurthe-et-Moselle indique à la cour qu'elle n'entend pas interjeter appel du jugement du 23 juin 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que M. D... n'est pas fondé à demander une indemnité supérieure à celle qui lui a été accordée en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me Demailly pour le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. Au mois d'août 2014, M. D..., a consulté un médecin oto-rhino-laryngologue, en raison de l'apparition de vertiges et bourdonnements de l'oreille. L'existence d'une tumeur de la glande parotide droite a été décelée à la suite de la réalisation d'une échographie ainsi que d'une imagerie par résonance magnétique (IRM). Le 12 décembre 2014, une intervention qui devait consister en une parotidectomie a été réalisée au centre hospitalier régional de Metz Thionville. La persistance de la tumeur a toutefois été constatée à la suite d'une nouvelle IRM réalisée le 13 février 2015. L'expert qui a diligenté les deux expertises ordonnées par le tribunal administratif de Strasbourg en référé a relevé que, lors de l'intervention du 12 décembre 2014, le chirurgien a retiré une partie de la glande ne contenant pas la tumeur. Par un jugement du 23 juin 2020, le tribunal administratif a considéré que cette erreur était fautive et a condamné le centre hospitalier régional de Metz Thionville à verser à M. D... une somme de 1 849,04 euros en réparation des préjudices subis du fait de la faute commise. M. D... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation à 1 849,04 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux :

2. En premier lieu, les premiers juges ont alloué à M. D... une somme de 940 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge. Le requérant n'établit pas, par les documents qu'il produit, qu'une somme supérieure serait effectivement restée à sa charge et n'aurait pas, notamment, été prise en charge par une assurance de santé complémentaire. De plus, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort de la quittance qu'il a lui-même produite qu'une partie de la consultation du 20 mai 2016 a été prise en charge au titre de l'AMO (assurance maladie obligatoire).

3. En deuxième lieu, M. D... fait valoir qu'il a présenté un état anxio-dépressif qui a nécessité la présence et l'aide de sa mère à raison de deux heures par jour. Toutefois, s'il établit la prise d'un traitement antidépresseur et d'anxiolytiques, il ne résulte pas des attestations peu circonstanciées de son médecin traitant que cette pathologie serait imputable à la faute commise. Le requérant ne saurait, à cet égard, obtenir une indemnisation au titre de la tumeur elle-même ou de la nécessité de réaliser une parotidectomie pour l'ablation de cette tumeur. Par ailleurs, il ne justifie pas, en tout état de cause, que son état nécessitait l'assistance d'une tierce personne à raison de deux heures par jour.

4. En troisième lieu, le requérant, qui n'apporte aucun élément sur l'activité d'autoentrepreneur qu'il exerçait avant la découverte de la tumeur et sur les revenus que lui procurait cette activité, n'établit pas que la cessation de cette activité et la reprise d'une activité salariée en qualité d'agent commercial à temps partiel seraient imputables à la faute commise. Notamment, ainsi que le relève le centre hospitalier, il résulte de l'instruction que le requérant a débuté cette activité à mi-temps avant la découverte de l'erreur en cause. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir subi, du fait de la faute imputable au centre hospitalier, une perte de gains professionnels supérieure à la somme de 192,12 euros allouée par les premiers juges. Il n'est pas davantage fondé à solliciter une indemnité au titre de l'incidence professionnelle.

5. En quatrième lieu, les premiers juges ont alloué au requérant, au titre des frais de copie de son dossier médical, une somme de 16,92 euros, qui correspond à celle figurant sur la seule facture produite par le requérant. Ce dernier n'établit pas avoir engagé d'autres frais à ce titre. En outre, s'il sollicite le remboursement de frais de déplacement, il se borne à produire une liste des trajets qu'il aurait effectués et à indiquer qu'ils ont été réalisés avec la voiture de sa sœur qui avait une puissance de 5 CV. Ces seuls éléments ne permettent pas d'établir la réalité des frais qu'il aurait engagés.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

6. En premier lieu, les premiers juges ont retenu, conformément aux conclusions de l'expert, que M. D... avait souffert, du fait de la faute commise, d'une incapacité temporaire totale de quatre jours et d'un arrêt de travail d'une quinzaine de jours. Compte tenu notamment des considérations mentionnées aux points précédents, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait souffert d'un déficit fonctionnel temporaire plus important. Le requérant n'est ainsi pas fondé à solliciter une indemnité supérieure à celle de 200 euros que le tribunal administratif lui a allouée au titre de ce poste de préjudice.

7. En deuxième lieu, si le requérant se plaint de présenter une cicatrice disgracieuse à la suite de la première intervention, le préjudice esthétique invoqué est sans lien avec la faute commise.

8. En troisième lieu, si le requérant fait valoir qu'il a dû arrêter la pratique du football et que son poids a fortement augmenté à la suite de la première intervention, il n'établit pas, par ces seuls éléments, avoir subi un préjudice d'agrément du fait de la faute commise.

9. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que, du fait de la faute commise, le requérant a subi des douleurs physiques supplémentaires en raison de la seconde intervention, mais également des douleurs morales en lien avec l'appréhension de cette seconde intervention, qui présentait un risque de paralysie faciale plus important que la première. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. D... du fait de la faute commise en portant à 1 500 euros la somme allouée à ce titre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Strasbourg lui a allouée soit portée à 2 849,04 euros. Il est également fondé à demander que la Société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier, soit condamnée, solidairement avec le centre hospitalier, à lui verser ladite somme.

Sur les frais d'expertise :

11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...). ".

12. Contrairement à ce que semble indiquer le requérant, les frais des expertises du 20 février 2016 et du 3 février 2018, liquidés et taxés aux sommes de, respectivement, 1 420 et 510 euros par ordonnances de la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 5 avril 2016 et du 20 mars 2018, ont déjà été mis à la charge définitive du centre hospitalier régional de Metz Thionville par les premiers juges.

Sur les frais d'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Metz Thionville et la Société hospitalière des assurances mutuelles sont condamnés solidairement à verser à M. D... la somme de 2 849,04 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au centre hospitalier régional de Metz Thionville, à la Société hospitalière des assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de chambre,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M.Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

La rapporteure,

Signé : G. A...Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 20NC02345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02345
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP ORIENS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-31;20nc02345 ?
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