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31/01/2023 | FRANCE | N°20NC02250

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 20NC02250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le maire de Kuntzig lui a infligé un blâme, ensemble la décision du 14 juin 2019 portant rejet de son recours gracieux reçu le 13 juin 2019.

Par un jugement n° 1905989 du 4 juin 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 juin 2019 et la décision du 14 juin 2019 et mis à la charge de la commune de Kuntzig la somme de 1 0

00 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le maire de Kuntzig lui a infligé un blâme, ensemble la décision du 14 juin 2019 portant rejet de son recours gracieux reçu le 13 juin 2019.

Par un jugement n° 1905989 du 4 juin 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 juin 2019 et la décision du 14 juin 2019 et mis à la charge de la commune de Kuntzig la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, la commune de Kuntzig, représentée par Me Merll, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905989 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté du 5 juin 2019, par lequel le maire a infligé un blâme à Mme A..., repose sur des faits matériellement exacts et constitue une sanction proportionnée au regard de la gravité des fautes commises ;

- il est reproché à l'agent de ne pas avoir exécuté certaines tâches et d'avoir manqué à son obligation d'obéissance en adoptant un comportement désinvolte à l'égard de sa hiérarchie ;

- la pathologie lombaire évolutive, dont souffre Mme A..., ne saurait justifier l'absence d'exécution de ces tâches, alors que la commune a respecté les préconisations du médecin agréé, qu'elle a donné à l'intéressée les moyens d'accomplir ses missions et qu'elle n'a pas été informée par elle d'éventuels problèmes de santé ;

- contrairement aux allégations de Mme A..., sa manière de servir n'est pas exempte de reproches.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2020, Mme C... A..., représentée par Me Cabaillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ou ne sont pas de nature, eu égard à son état de santé, à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Eicher-Barthélémy pour la commune de Kuntzig.

Considérant ce qui suit :

1. Affectée au service technique de la commune de Kuntzig et chargée de l'entretien des espaces verts, des bâtiments et de la voirie, Mme C... A... occupe le poste d'adjoint technique territorial au sein de la collectivité depuis le 25 août 2008. Recrutée initialement sur la base de contrats à durée déterminée, elle a été titularisée en 2011. Souffrant d'une pathologie lombaire évolutive douloureuse, l'intéressée a été placée en arrêt de travail à de nombreuses reprises à compter de 2016. Par un courrier du 29 avril 2019, elle a été informée de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire en vue de l'infliction éventuelle d'une sanction du premier groupe pour avoir, les 11, 23 et 29 avril 2019, refusé d'exécuter certaines tâches qui lui avait été confiées et refusé d'obéir à son supérieur hiérarchique en adoptant un comportement désinvolte à son égard. Après avoir entendu les observations de Mme A... lors d'un entretien fixé au 15 mai 2019, le maire de Kuntzig, par un arrêté du 5 juin 2019, lui a infligé un blâme. Son recours gracieux reçu le 13 juin 2019 ayant été rejeté le lendemain, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision des 5 et 14 juin 2019. La commune de Kuntzig relève appel du jugement n° 1905989 du 4 juin 2020 qui annule les actes contestés.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligation des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) / Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. / (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. D'autre part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984, alors en vigueur : " Dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, ainsi que par l'article L. 717-9 du code rural et de la pêche maritime. Il peut toutefois y être dérogé par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 3 du même décret, dans sa rédaction alors applicable : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...). ".

5. En vertu de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985.

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, pour justifier le blâme prononcé à l'encontre de Mme A..., le maire de Kuntzig s'est fondé sur le rapport du responsable du service technique du 29 avril 2019, dans lequel il est reproché à l'intéressée d'avoir refusé, les 11, 23 et 29 avril 2019, d'exécuter certaines tâches et d'obéir en adoptant un comportement désinvolte à l'égard de sa hiérarchie.

7. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'agent aurait adopté un comportement désinvolte à l'égard de sa hiérarchie. La seule circonstance que, le 23 avril 2019, Mme A..., après avoir entendu les consignes de travail de son responsable lui précisant qu'elle devait faire les finitions en passant la débroussailleuse, soit partie tondre la pelouse aux abords de la mairie en affichant un sourire ne suffit pas à caractériser le manquement allégué. De même, il ne saurait être reproché à la défenderesse de ne pas avoir, le 29 avril 2019, désherbé les escaliers et le parvis de la mairie dès lors que l'intéressée était en arrêt de travail pour un syndrome d'anxiété réactionnelle depuis le 24 avril 2019.

8. Si Mme A... reconnaît ne pas avoir, après avoir procédé à la tonte des usoirs de la Grand'Rue le 11 avril 2019 et des abords de la mairie le 23 avril suivant, effectué les finitions au niveau des bordures et le long des murs, malgré les consignes qui lui avaient été données par son supérieur hiérarchique, elle fait valoir que son refus d'exécuter cette tâche s'explique par les difficultés qu'elle rencontre dans l'utilisation de la débrousailleuse en raison de ses problèmes de santé. Il ressort des pièces du dossier que la défenderesse souffre depuis 2016 de lombalgies gauches mécaniques récurrentes causées par une pathologie lombaire évolutive douloureuse en lien avec une hernie discale pour le traitement de laquelle elle a subi, le 10 octobre 2018, une infiltration épidurale intrarachidienne. Dans son rapport d'expertise du 10 novembre 2018, le médecin agréé sollicité par la commune de Kuntzig a estimé que les tâches confiées à Mme A... étaient compatibles avec son état de santé sous réserve d'aménager son poste de travail sur un plan ergonomique et de limiter les charges lourdes à dix kilogrammes avec port d'une ceinture de contention lombaire.

9. Il n'est pas sérieusement contesté que, pour réaliser les finitions qui lui sont demandées, l'agent doit utiliser une débrousailleuse thermique. La commune de Kuntzig fait valoir que cet appareil pèse moins de dix kilogrammes et qu'elle a fait appel à la médecine du travail et à un ergonome de l'association des services interentreprises de santé au travail de la Moselle en vue d'aménager le poste de travail de l'intéressée. Toutefois, il résulte de la proposition d'intervention, signée le 4 mars 2019 par le maire, le médecin du travail et l'ergonome, que " certaines tâches comme le débroussaillage sont difficiles pour l'agent ". De même, après avoir recueilli les observations de Mme A... et de son employeur les 4 avril et 15 juillet 2019, le rapport d'étude ergonomique, intervenu postérieurement aux décisions attaquées, souligne que l'activité de débroussaillage apparaît pénible pour l'agent en raison des caractéristiques de la débroussailleuse utilisée, dont le mode de démarrage et de fonctionnement impose des mouvements de flexion ou de torsion du tronc. En outre, selon l'ergonome, les harnais utilisés ne permettent pas de soulager le poids de l'outil, qui doit être soulevé et maintenu pendant toute la durée de la tâche. Dans ces conditions, alors que la commune de Kuntzig, qui doit veiller à la protection de la santé de ses agents, ne pouvait sérieusement ignorer ces difficultés, le refus de Mme A... d'effectuer certaines tâches et, notamment, les finitions à l'aide de la débroussailleuse thermique ne saurait être regardé comme fautif. Par suite, l'arrêté du 5 juin 2019 est entaché d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Kuntzig n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Kuntzig au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse d'une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Kuntzig est rejetée.

Article 2 : La commune de Kuntzig versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Kuntzig.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02250 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02250
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AXIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-31;20nc02250 ?
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