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29/12/2022 | FRANCE | N°22NC02423

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 décembre 2022, 22NC02423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a

fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n°s 2204953, 2205154 du 19 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 septembre 2022 et le 23 novembre 2022, M. D..., représenté par Me Metzger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de constater que l'arrêté du 18 juillet 2022 du préfet du Haut-Rhin a été retiré ou, à défaut, d'annuler cet arrêté ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 août 2022.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il vise la situation d'une autre personne ;

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2022 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de l'avis de la commission d'expulsion du Bas-Rhin pourtant exigé par les dispositions de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination ne sont pas davantage justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droit de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me Metzger pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant marocain, né le 9 janvier 1992, est, selon ses déclarations, entré en France en 2006. Il a bénéficié du 2 août 2012 au 7 juin 2020 de titres de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Cet arrêté a été retiré le 1er août 2022 et le préfet du Haut-Rhin, par un nouvel arrêté du 2 août 2022, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. D... fait appel du jugement du 19 août 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. La seule circonstance que le jugement mentionne, dans le dernier paragraphe de ses motifs, le nom d'une autre personne en lieu et place de celui de M. D... est sans influence sur sa régularité dès lors qu'en dépit de cette erreur de plume, le premier juge s'est prononcé au vu de la situation de M. D... et en répondant aux conclusions et moyens présentés par ce dernier.

Sur le non-lieu à statuer :

3. Par un arrêté du 1er août 2022, désormais définitif, le préfet du Haut-Rhin a retiré l'arrêté litigieux du 18 juillet 2022, de sorte que, ainsi que l'a mentionné le tribunal dans les motifs de son jugement et comme le souligne le requérant, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2022.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2022 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'expulsion ne peut être édictée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger est préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : / a) du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / b) d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; / c) d'un conseiller de tribunal administratif. (...) ".

5. Alors que la procédure prévue par l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'impose qu'aux décisions d'expulsion, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée de l'avis exigé par cet article. Le moyen doit par suite être écarté comme inopérant.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui "

7. M. D... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, où il est arrivé en 2006, de ses liens avec son fils de nationalité française et de sa relation avec Mme A..., ressortissante kosovare résidant régulièrement en France. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... est effectivement entré pour la première fois en France en 2006 et a disposé de titres de séjours entre 2012 et 2020, le requérant n'apporte aucun élément probant justifiant de sa présence en France entre la fin de l'année 2010 et la fin de l'année 2012. Par ailleurs, M. D..., qui n'a pas sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour en 2020 et qui se borne, pour expliquer cette absence de demande, à se prévaloir de soucis de santé sans les établir, ne justifie également pas de sa présence habituelle en France après l'expiration de ce dernier titre et jusqu'à son incarcération le 14 mars 2022. De plus, alors que son enfant demeurait avec sa mère dans le Haut-Rhin, M. D... résidait entre 2014 et 2019 en région parisienne, puis en Haute-Savoie. Il n'apporte, pour justifier du maintien des liens avec ce dernier, que deux justificatifs de virements bancaires et des attestations de proches établies postérieurement à l'arrêté litigieux. Les différentes attestations versées évoquent, en tout cas, des visites postérieures à la période d'incarcération du requérant et donc très récentes et ne permettent pas d'établir que, ainsi que le soutient M. D..., il participait, au jour de l'acte attaqué, à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française. En outre, ni la réalité, ni l'ancienneté, ni la stabilité de sa relation avec Mme A... au jour de l'arrêté ne sont établies par les seules attestations de l'intéressée, dont les mentions quant à l'ancienneté de leur concubinage sont par ailleurs contredites par le fait que M. D... était hébergé chez un tiers encore en février 2019. Enfin, M. D... a été incarcéré le 14 mars 2022, à la suite de sa condamnation à quatre mois d'emprisonnement pour ne pas avoir pas exécuté les 200 heures de travail d'intérêt général prononcées à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 14 février 2020 pour des faits notamment d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public et menace de mort, ainsi que pour ne pas avoir payé les 100 jours-amende auxquels il avait été condamné le 13 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Mulhouse pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion. Dans ces circonstances, eu égard notamment à ces condamnations récentes et quand bien même elles ne permettraient pas de considérer que M. D... présente une menace à l'ordre public, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

8. En troisième lieu, compte tenu de la situation rappelée au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement du requérant porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit ainsi être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprenant au 1er mai 2021 les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué pour contester la légalité d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination :

11. En se bornant à indiquer que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination ne sont pas davantage justifiées que la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. D... n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. A considérer qu'il ait entendu indiquer que ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui a été dit plus haut que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de cette mesure d'éloignement, de sorte que le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2022.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. B...Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC02423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02423
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : METZGER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-29;22nc02423 ?
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