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29/12/2022 | FRANCE | N°22NC01993

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 décembre 2022, 22NC01993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2104162 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, Mme B... C..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2104162 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, Mme B... C..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104162 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 12 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, sous astreinte de cent euros par jour de retard passé le délai imparti, de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence méconnaît respectivement les stipulations du b) du quatrième alinéa de l'article 7 bis de l'accord

franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la décision en litige méconnaît également les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 du même accord, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... est une ressortissante algérienne, née le 4 février 1949. Elle a déclaré être entrée en France, en dernier lieu, le 6 mars 2020 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour, valable quatre-vingt-dix jours entre le 10 juin 2015 et le 9 juin 2020. En raison de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie

de Covid-19, la requérante a été mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour, valable du 11 juin au 9 septembre 2020 et renouvelée jusqu'au 2 février 2021. Par un courrier reçu le 30 septembre 2020, Mme C... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du b) du quatrième alinéa de l'article 7 bis et de celles du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Toutefois, par un arrêté du 12 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2021. Elle relève appel du jugement n° 2104162 du 7 octobre 2021, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

2. En premier lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ".

3. Il résulte de ces stipulations que le certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour, aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge. L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

4. Pour refuser de délivrer à Mme C... un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du b) du quatrième alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance qu'elle dispose de ressources propres suffisantes et qu'elle ne peut, par conséquent, être regardée comme étant à la charge de ses trois enfants français. Si la requérante fait valoir que sa fille et ses deux fils disposent chacun d'un logement et de revenus qui leur permettent d'assurer son hébergement et de répondre à ses besoins en France, il est constant que l'intéressée, qui est divorcée et sans charge de famille, perçoit mensuellement une pension de retraite de 31 743,88 dinars algériens, alors que le salaire minimum garanti en Algérie s'élève, à la date de la décision en litige, à 20 000 dinars algériens. Mme C..., dont le loyer mensuel s'élevait à 28 000 dinars algériens avant son arrivée en France, n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité de trouver une location moins onéreuse, ni que, de façon générale, son niveau de ressources serait insuffisant dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors même que la requérante a perçu, sous forme de virements, cinquante euros par mois de sa fille entre février 2019 et mars 2020 et cent euros de son fils aîné en janvier 2020, elle ne peut être regardée comme étant à la charge de ses enfants de nationalité française. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du b) du quatrième alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du deuxième aliéna de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée en France, en dernier lieu, le 6 mars 2020 et qu'elle ne justifie que d'une durée de séjour d'un an à la date de la décision en litige. Si elle se prévaut de la présence en France de ses trois enfants de nationalité française, il est constant que les intéressés, nés respectivement en 1970, 1973 et 1975, ont constitué chacun leur propre cellule familiale. Nonobstant le décès de ses parents les 14 et 19 mai 2021, postérieurement à son entrée en France, la requérante n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-et-onze ans et où elle a exercé le métier d'institutrice. Si elle fait valoir qu'elle souffre d'un rhumatisme inflammatoire chronique, qu'elle est bien éduquée, qu'elle parle parfaitement le français et que son comportement ne présente pas une menace pour l'ordre public, de telles circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de celles du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés.

7. En troisième et dernier lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence et de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

9. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 12 mars 2021, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC01993 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01993
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-29;22nc01993 ?
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