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29/12/2022 | FRANCE | N°22NC01831

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 22NC01831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation prov

isoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2106860 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC01831 le 11 juillet 2022, et un mémoire enregistré le 28 novembre 2022, M. A..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans examen préalable de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, résultant du droit de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation ;

s'agissant du refus de délai de départ volontaire :

- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il justifiait de circonstances particulières au sens de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à faire obstacle à un refus de délai de départ volontaire ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans examen préalable de sa situation ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, résultant du droit de l'Union européenne ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans examen préalable de sa situation ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en décembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 mai 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 octobre 2019. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 13 janvier 2020 à laquelle il n'a pas déféré. A la suite de son audition par la brigade mobile de recherche antenne 67 dans le cadre d'une enquête liée à un recel de faux documents, le 5 octobre 2021, il a fait l'objet, à la même date, d'un arrêté de la préfète du Bas-Rhin l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant son pays de renvoi et lui interdisant le retour en France pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 octobre 2021 :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :

2. En premier lieu, l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 5 octobre 2021 énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des différentes décisions prises à l'encontre de M. A..., notamment celles portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français. Le respect de l'obligation de motivation d'une décision administrative étant indépendant du bien-fondé de ses motifs, le requérant ne conteste pas utilement la motivation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour sur le territoire français en soutenant que la préfète n'aurait pas correctement appréhendé sa situation personnelle et familiale avant d'édicter ces décisions. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions prises par la préfète du Bas-Rhin à l'encontre de M. A... le 5 octobre 2021 l'aient été sans examen particulier de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen soulevé en ce sens manque en fait.

4. En troisième lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Comme l'ont relevé les premiers juges, M. A... a fait l'objet, préalablement à l'édiction de l'arrêté du 5 octobre 2021, d'une audition par les services de police, à l'occasion de laquelle, assisté d'un interprète en langue géorgienne, il a précisément détaillé, en réponse aux questions du brigadier de police ayant mené l'audition, les conditions de son arrivée et de son séjour en France, son parcours migratoire antérieur, les conditions du dépôt de sa demande d'asile, ses intentions en matière de régularisation de son séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale sur le territoire français. M. A... a ainsi été mis à même de présenter utilement ses observations avant l'intervention des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français. Si le procès-verbal d'audition de l'intéresse a été annulé par le tribunal correctionnel de Strasbourg le 24 mai 2022, en l'absence de prestation de serment de l'interprète qui l'a assisté, cette annulation est sans incidence, en elle-même, sur le respect de son droit d'être entendu, tandis qu'il n'est pas établi que le requérant aurait éprouvé des difficultés à comprendre l'interprète ou à s'en faire comprendre, ni que les conditions d'assistance par cet interprète l'auraient privé de la possibilité de porter en temps utile à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation. Ainsi, le moyen tiré par le requérant de la méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

6. M. A... reprend en appel, sans les assortir d'aucun élément nouveau, les moyens tirés de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

S'agissant du refus d'accorder un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

9. Il est constant que M. A..., qui a fait l'objet le 13 janvier 2020 d'un premier arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, n'y a pas déféré. S'il soutient ne pas avoir eu connaissance de cette décision, il ressort des pièces du dossier que celle-ci lui a été régulièrement notifiée le 14 janvier 2020, ainsi qu'en atteste l'avis postal comportant la mention " pli avisé et non réclamé ". Il ne saurait dès lors utilement prétendre ne pas avoir été informé de cette mesure d'éloignement. Il se trouvait ainsi dans le cas, prévu les dispositions citées au point précédent, dans lequel le risque qu'il se soustraie à la nouvelle mesure d'éloignement pouvait être regardé comme établi et justifiait que le préfet ne lui accorde pas de délai de départ volontaire. Par ailleurs, il ne justifie pas de circonstance particulière de nature à avoir écarté ce risque.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant son pays de renvoi et de lui interdisant le retour sur le territoire français.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi du requérant méconnaitrait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En dernier lieu, si M. A... soutient craindre des représailles de la part d'un criminel avec lequel il s'était lié d'amitié et qu'il aurait dénoncé sous la torture, avant que celui-ci soit emprisonné, puis libéré, sans qu'il puisse bénéficier de la protection des autorités géorgiennes, il n'apporte aucun élément précis ni probant permettant d'établir la réalité de ces faits et le bien-fondé de ces craintes. Au demeurant, sa demande d'asile, à l'appui de laquelle il a pu faire état des mêmes faits, a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Dans ces conditions, il n'établit pas que la décision fixant son pays de renvoi l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC01831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01831
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-29;22nc01831 ?
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