Vu la procédure suivante :
I. Par une requête enregistrée le 29 janvier 2020, sous le n° 20NC00260, et un mémoire, enregistré le 8 février 2022, la SAS Sugah-Socapi, représentée par Me Leraisnable, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de Belfort a délivré à la Société anonyme (SA) immobilière européenne des Mousquetaires un permis de construire n° PC 09001019 Z0018 valant autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours porté devant la Commission nationale d'aménagement commercial a été formé dans le délai légalement imparti ; sa requête contre le permis de construire litigieux a également été formée dans le délai de recours contentieux ; elle justifie de son intérêt à agir ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- en méconnaissance de l'article R. 752-34 du code de commerce, l'Association des Commerçants et Artisans de Valdoie " Les Vitrines de Valdoie ", auteure d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial, n'a pas été convoquée à la réunion de cette commission du 7 novembre 2019 et n'a pas pu faire valoir ses observations ;
- le projet de la SA immobilière européenne des Mousquetaires est incompatible avec les orientations du Documents d'Orientations et d'Objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale ; en effet, il n'est pas implanté dans un des pôles, visés par ce schéma, devant accueillir les commerces d'une surface de vente supérieure à 300 m² ; par ailleurs, il ne répond pas à la préconisation selon laquelle les espaces libres présentant une surface significative doivent permettre de préserver, créer ou valoriser des espaces verts dans l'emprise urbaine ;
- le projet de la SA immobilière européenne des Mousquetaires porte atteinte aux intérêts énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en matière de localisation et d'intégration urbaine, d'animation de la vie urbaine, de consommation économe de l'espace, de flux de circulation, de qualité environnementale du projet et de protection des consommateurs ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé en ce qui concerne la question, soulevée devant elle, de l'imperméabilisation des sols ;
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 mai 2021 et 23 février 2022, la commune de Belfort, représentée par le cabinet Richer et Associés droit public, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Rondis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société requérante ne justifie ni de l'habilitation de gérant à former la requête, ni de son intérêt à agir ;
- en sa qualité de professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie du projet, est susceptible d'être affectée par ce projet la société requérante n'est recevable à contester le permis de construire délivré qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commercial ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 juin 2021 et 23 février 2022, la SA immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Rondis une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le recours ne comporte pas l'ensemble des justifications nécessaires à l'examen de sa recevabilité ;
- la requérante n'a pas joint à sa requête l'un de actes énumérés par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, rendu applicable aux permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale par l'article L. 600-13 du même code ;
- en tout état de cause, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 6 février 2020, sous le n° 20NC00326, et un mémoire, enregistré le 9 juillet 2021, la SARL Rondis, représentée par Me Dutoit, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de Belfort a délivré à la Société anonyme (SA) immobilière européenne des Mousquetaires un permis de construire n° PC 09001019 Z0018 valant autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 7 novembre 2019 est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que les membres de cette commission ont été convoqués dans les formes prévues par l'article R. 752-35 du code de commerce, ni que la convocation ait été accompagnées des pièces indiquées par cet article ;
- la société pétitionnaire ne démontre pas posséder la maîtrise foncière du terrain d'assiette de son projet ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les orientations 4.3.2. et 3.2.1. du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la commune de Belfort ;
- le projet de la SA immobilière européenne des Mousquetaires porte atteinte aux intérêts énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en matière de localisation et d'intégration urbaine, d'animation de la vie urbaine, de consommation économe de l'espace, de flux de circulation, de qualité environnementale du projet et de protection des consommateurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, la SA immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Rondis une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le recours ne comporte pas l'ensemble des justifications nécessaires à l'examen de sa recevabilité ;
- la requérante n'a pas joint à sa requête l'un de actes énumérés par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, rendu applicable aux permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale par l'article L. 600-13 du même code ;
- en tout état de cause, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, la commune de Belfort, représentée par le cabinet Richer et Associés droit public, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Rondis une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société requérante ne justifie ni de l'habilitation de gérant à former la requête, ni de son intérêt à agir ;
- en sa qualité de professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie du projet, est susceptible d'être affectée par ce projet n'est recevable à contester le permis de construire délivré qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commercial ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Le 29 novembre 2022, en réponse à la demande qui lui en a été faite le même jour par la cour, la commune de Belfort a produit des pièces complémentaires destinées à établir à quelle date l'arrêté du maire du 7 juillet 2020, donnant délégation de signature à M. A..., avait été transmis au représentant de l'Etat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Pallabre, substituant Me Leraisnable, pour la SAS Sugah-Socapi, celles de Me Maitrot, pour la commune de Belfort, ainsi que celles de Me Debaussart, pour la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée le 24 mai 2019, la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires (IEM) a sollicité du maire de Belfort la délivrance d'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création, rue de Vesoul à Belfort, d'un supermarché de 2 450 m² de surface de vente, à l'enseigne " Intermarché Super ", ainsi que d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, ou drive, comportant deux pistes de ravitaillement et 92,60 m² d'emprise au sol affectée au retrait des marchandises. Le 11 juillet 2019, la Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Territoire de Belfort a émis un avis favorable à ce projet. Saisie de plusieurs recours contre cet avis, notamment par les sociétés Rondis et Sugah-Socapi, qui exploitent respectivement, dans la zone de chalandise du projet, les supermarchés Carrefour Market et Super U, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a également émis un avis favorable au projet et rejeté ces recours le 7 novembre 2019. Par un arrêté du 6 décembre 2019, pris au vu de cet avis de la CNAC, le maire de Belfort a délivré le permis de construire sollicité. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre afin d'y statuer par un même arrêt, la SARL Rondis et la SAS Sugah-Socapi demandent à la cour l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Belfort du 6 décembre 2019 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes (...) ". En vertu de l'article R. 2122-7 du même code, d'une part, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée de celui-ci, d'autre part, il est tenu dans chaque commune un registre où sont inscrits les dates d'édiction, de publication et de notification de ces arrêtés. La mention " publié " apposée, sous la responsabilité du maire, sur un acte communal fait foi jusqu'à preuve du contraire.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. E... A..., alors 5ème adjoint au maire de Belfort, signataire de l'arrêté attaqué du 6 décembre 2019, a reçu délégation du maire, par un arrêté du 6 mars 2018, pour signer tous arrêtés se rapportant notamment à la délivrance des autorisations en matière de droit des sols, lesquelles recouvrent les arrêtés portant délivrance de permis de construire. S'il ressort de la copie de cet arrêté de délégation, produite par la commune de Belfort, que cet acte a été transmis au représentant de l'Etat le 6 mars 2018, il ne ressort d'aucune autre mention portée sur cet arrêté, ni d'aucune autre pièce produite au dossier que cet arrêté aurait fait l'objet d'un affichage ou d'une publication, tandis que le maire de Belfort n'a pas non plus certifié, sous sa responsabilité le caractère exécutoire de l'acte en en cause. En l'absence de publication ou d'affichage, M. A... ne disposait pas d'une délégation de signature régulière à l'effet de signer l'arrêté du 6 décembre 2019 portant délivrance à la SA IEM un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
4. Toutefois, par un arrêté du 15 décembre 2020, signé de M. A... par délégation du maire de Belfort, la SA IEM s'est vu délivrer, à sa demande, un permis de construire modificatif portant sur l'augmentation du volume du bâtiment et le déplacement d'une porte dans la partie réserve. Par un arrêté du 7 juillet 2020, portant la mention d'un affichage réalisé à la même date, confirmée par un certificat du maire de Belfort du 14 mai 2021 faisant état d'un affichage du 7 juillet au 7 septembre 2020, et transmis au représentant de l'Etat le 7 juillet 2020, le maire de Belfort avait donné délégation à M. A..., devenu 9ème adjoint, pour signer tous arrêtés se rapportant notamment à la délivrance des autorisations en matière de droit des sols, lesquelles recouvrent les arrêtés portant délivrance de permis de construire. L'arrêté modificatif du 15 décembre 2020, pour lequel M. A... disposait ainsi d'une délégation de signature régulièrement entrée en vigueur, a régularisé le vice d'incompétence qui entachait l'arrêté du 6 décembre 2019, alors même que cet arrêté modificatif n'a pas été pris dans un but de régularisation et n'a eu pour objet et pour effet de ne modifier qu'une partie du permis de construire initialement accordé, le permis modificatif accordé tenant lieu, comme le permis initial, d'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit donc être écarté.
En ce qui concerne les moyens relatifs à la procédure suivie devant la CNAC :
5. Aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques ". Aux termes de l'article R. 752-35 du même code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la CNAC, que M. C... B..., représentant de l'Association des Commerçants et Artisans de Valdoie " Les Vitrines de Valdoie ", à l'origine d'un des quatre recours déposés contre l'avis de la CDAC du Territoire de Belfort, a été convoqué le 23 octobre 2019, par l'application www.e-convocations.com, à l'adresse connue de l'administration, à la séance de la CNAC du 7 novembre 2019. La SAS Sugah-Socapi, qui soutient que cette association n'aurait pas été convoquée, n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les informations figurant sur l'attestation de convocation de la CNAC. Ainsi, cette association a été mise à même de prendre part à cette séance, conformément à l'article R. 752-34 du code de commerce étaient présentes à la séance de la commission.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, ont, de la même manière, été destinataires simultanément le 23 octobre 2019, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la Commission du 7 novembre 2019, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet de création par la SA IEM d'un supermarché à Belfort. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il n'est ni établi, ni même allégué que les membres de la Commission n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause dans le délai prévu par l'article R. 752-35 du code de commerce.
8. Les sociétés requérantes ne sont dès lors pas fondées à se prévaloir de la violation des règles de procédure prévues par les articles R. 752-34 et R. 752-35.
Sur le bien-fondé des avis de la CNAC du 23 octobre 2019 :
9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. -L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ;/ f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) IV. -Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé ".
10. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par ces dispositions.
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :
11. En premier lieu, pour justifier son avis favorable au projet de la SA IEM de création, rue de Vesoul à Belfort, d'un supermarché et d'un drive, la CNAC a relevé que le projet serait situé à 3,4 kilomètres du centre-ville de Belfort, en lieu et place de l'ancien stade de la Méchelle, qui a fait l'objet d'une désaffectation et d'un déclassement, qu'il serait situé en zone urbaine à proximité immédiate d'habitations, d'équipements publics et d'entreprises, dans un quartier " politique de ville ". Elle a par ailleurs indiqué que si la commune de Belfort figurait parmi les communes " Plan action cœur de ville ", le taux de vacance commercial de cette commune, de 7,6 %, était relativement limité, que le projet ne fragiliserait pas les commerces de proximité installés dans le centre-ville, mais contribuerait au contraire à l'animation de la vie urbaine, puisqu'il se situait au cœur du tissu urbain, en périphérie d'un quartier " politique de la ville " et qu'il viendrait compenser le départ de plusieurs commerces, assurant ainsi la présence d'un commerce de proximité, notamment alimentaire, pour les habitants des quartiers voisins.
12. A cet égard, comme le relèvent les sociétés requérantes, l'avis, au demeurant favorable, émis par la Direction départementale des territoires du Territoire de Belfort fait état d'un risque de contrariété entre le projet de la SA IEM et les nouvelles orientations du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du nouveau plan local d'urbanisme approuvé par le conseil municipal de Belfort tendant, d'une part, à protéger le commerce de l'avenue Jean-Jaurès et, d'autre part, à assurer la présence, dans chaque quartier, d'équipements, notamment sportifs. Toutefois, et alors que, du reste, la délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale n'est pas subordonnée au respect des orientations du PADD du plan local d'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que la création d'un supermarché d'une surface de vente de 2 450 m² dans un secteur de la commune de Belfort situé au sein de l'enveloppe urbaine, à proximité immédiate de quartiers d'habitations individuelles et collectives relevant des actions prioritaires de la politique de la ville où le nombre de commerces alimentaires apparaît faible, et devant permettre de limiter l'évasion de la clientèle vers les pôles commerciaux périphériques aisément accessibles serait en elle-même de nature à entrainer une dégradation significative de la situation des commerces de l'avenue Jean Jaurès, ni en tout état de cause, à compromettre les objectifs d'intégration urbaine et d'animation de la vie urbaine. Par ailleurs, la circonstance que le projet prenne place sur le site d'un ancien stade, désormais désaffecté et dont les sols sont dégradés, n'est pas non plus de nature à mettre en cause la présence d'équipements, notamment sportifs, dans ce quartier, alors que la commune indique avoir financé la rénovation du Stade des 3 chênes, situé à 1,5 kilomètre du projet et prévu la rénovation du stade Mattler, situé avenue Jean Jaurès, assurant ainsi la pérennité des équipements sportifs dans la partie nord de Belfort. Enfin, la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation des commerces en centre-ville. En, l'occurrence, et alors que le projet de la SA IEM est distant du centre-ville de 3,4 kilomètres et séparé de lui par un important centre technologique, tout en prenant place dans des quartiers d'habitation de l'enveloppe urbaine, il n'apparaît pas que ce projet serait de nature, par une concurrence éventuelle avec des commerces du centre-ville, à porter atteinte à l'objectif d'animation de la vie urbaine.
13. En deuxième lieu, les dispositions du IV de l'article L. 752-6 du code de commerce, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Si la SAS Sugah-Socapi fait valoir que le terrain d'assiette du projet de la SA IEM, situé à l'emplacement d'un ancien stade, aujourd'hui désaffecté, ne constitue pas une friche au sens de ces dispositions, il n'en résulte pas, en tout état de cause, la démonstration que le projet en cause est susceptible de compromettre les objectifs visés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SA IEM prévoit la réalisation d'une surface de plancher de 4 247,50 m², dont 2 450 d'aire de vente, sur un terrain de 15 901 m², comprenant en outre 3 684,25 m² d'espaces verts. En outre, le quai de livraison du supermarché a été intégré au volume de la construction. Les sociétés requérantes n'apportent pas la preuve que le projet en cause compromettrait l'objectif d'utilisation économe de l'espace en se bornant à faire état, sans apporter d'autres éléments de comparaison, que le volume bâti non dédié à la vente serait excessif. Par ailleurs, il n'est pas établi que le projet, situé sur le terrain d'un ancien stade, aujourd'hui désaffecté, constitué pour une part notable de sa surface de sable stabilisé, non perméable, aurait pour effet d'entraîner une imperméabilisation excessive des lieux, alors que, par ailleurs, le projet compte 675 m² de places de stationnement végétalisées et perméables.
15. En quatrième lieu, la CNAC a également relevé que le projet était correctement desservi par la route, que les entrées et sorties de véhicules motorisés étaient distinctes de celles des camions de livraison, que l'étude de trafic produite au dossier de la pétitionnaire concluait que l'implantation du projet s'accompagnerait d'un accroissement du trafic routier sur la zone qui densifierait mais ne perturberait pas l'écoulement fluide de la circulation et que le projet avait prévu un " tourne à gauche ". Si les sociétés requérantes font valoir que la réalisation du projet entraînera un accroissement notable de la circulation, notamment en raison de l'adjonction d'un drive au supermarché, il résulte de l'étude de trafic réalisée à la demande de la pétitionnaire, non sérieusement contredite, que les réserves de capacité pour chaque branche du carrefour situé à proximité du projet, à l'heure de pointe du soir et à l'heure de pointe du samedi sont supérieures à 48 %. En outre, le tourne à gauche, qui doit permettre d'écouler les flux de clients sans altérer les conditions de circulation et en garantissant la sécurité des automobilistes a fait l'objet d'une convention, approuvée par le conseil municipal en vue de sa réalisation et de son financement, assuré directement par la pétitionnaire et ne présente donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, un caractère purement éventuel. En outre, l'accès au futur supermarché par les transports en commun, ainsi que l'accès piéton ou par piste cyclable sont très développés. Ainsi, le projet ne compromet pas les objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce en termes d'effets sur les flux de transports et d'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.
En ce qui concerne l'objectif de développement durable :
16. Les sociétés requérantes n'apportent pas d'éléments permettant d'établir que le projet de la SA IEM compromettrait les objectifs de la loi en matière de développement durable en se bornant à faire état de possibles nuisances sonores, non établies par les pièces du dossier, ou une insertion architecturale ou paysagère insuffisante, alors qu'il apparaît que des matériaux naturels, tel que le bois et le grès des Vosges seront utilisées pour les façades. En outre, les faiblesses éventuelles du projet en matière d'insertion paysagère ou architecturale sont compensées par les qualités du projet au regard de l'implantation de 3 684,25 m² d'espaces engazonnés, de la réalisation de 134 places de stationnement végétalisées et perméables et de l'installation de 1 310 m² de panneaux photovoltaïques.
En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale :
17. Le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Territoire de Belfort prévoit que les activités commerciales supérieures à 300 m² de surface de vente sont localisées préférentiellement au sein des pôles (dont la centralité urbaine de Belfort) ou des ZACom. Eu égard à l'objectif de cette recommandation, le lieu d'implantation du projet de la SA IEM, situé dans l'enveloppe urbaine, au cœur de quartiers d'habitat doit être regardé comme faisant partie de la centralité urbaine de Belfort, dans laquelle ont vocation à s'établir préférentiellement les activités commerciales supérieures à 300 m² de surface de vente, comme celle de la SA IEM. Contrairement à ce que soutient la SAS Sugah-Socapi, la carte intitulée " Organisation multipolaire et commerce ", insérée au document d'orientation et d'objectifs, sur laquelle la centralité urbaine de Belfort est matérialisée par un cercle bleu parfait n'a pas pour objet de tracer le périmètre exact de cette centralité urbaine. La SAS Sugah-Socapi ne saurait donc prétendre utilement que cette carte exclurait de la centralité urbaine de Belfort le lieu d'implantation du projet de la SA IEM. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet litigieux avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Territoire de Belfort ne peut dès lors qu'être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires, que la SAS Sugah-Socapi et la SARL Rondis ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Belfort du 6 décembre 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
20. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SA IEM ou de la commune de Belfort, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le montant des frais d'instance exposés par les sociétés Sugah-Socapi et Rondis et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Sugah-Socapi et Rondis le versement par chacune de 1 500 euros à la SA IEM et de 1 500 euros à la commune de Belfort, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes des sociétés Sugah-Socapi et Rondis sont rejetées.
Article 2 : La SAS Sugah-Socapi versera la somme de 1 500 euros à la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires et la somme de 1 500 euros à la commune de Belfort.
Article 3 : La SARL Rondis versera la somme de 1 500 euros à la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires et la somme de 1 500 euros à la commune de Belfort.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sugah-Socapi, à la SARL Rondis, à la SA Immobilière Européenne des Mousquetaires, à la commune de Belfort et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,
Signé : M. D...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au préfet du Territoire de Belfort en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 20NC00260-20NC00326