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22/12/2022 | FRANCE | N°19NC01359

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 décembre 2022, 19NC01359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BATIMAP SA a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à titre principal, de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la somme de 11 305 544, 98 euros correspondant au montant de l'indemnité irrévocable exigible aux termes de la convention tripartite, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016 qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017 et, à titre subsidiaire de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la

somme de 6 472 989 euros correspondant au montant des sommes versées par la commu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BATIMAP SA a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à titre principal, de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la somme de 11 305 544, 98 euros correspondant au montant de l'indemnité irrévocable exigible aux termes de la convention tripartite, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016 qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017 et, à titre subsidiaire de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la somme de 6 472 989 euros correspondant au montant des sommes versées par la commune de Nogent-sur-Seine à la société Nogent musée SAS à titre d'indemnité de résiliation, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016 qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017.

Par un jugement n° 1701462 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et l'a condamnée à verser à la commune de

Nogent-sur-Seine la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 mai 2019 et le 18 novembre 2022, la société BATIMAP SA, représentée par Me Lepron, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2019 n° 1701462 ;

2°) d'annuler la décision de la commune de Nogent-sur-Seine du 22 mai 2017, notifiée le 24 mai 2017, portant rejet de sa demande préalable ;

3°) à titre principal, de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la somme de 11 305 544, 98 euros correspondant au montant de l'indemnité irrévocable exigible sur le fondement des cessions Dailly acceptées, à la suite de la résiliation du contrat de partenariat, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016 qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017 ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui payer la somme de 11 305 544,98 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016 qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017 sur le fondement de la responsabilité

quasi-délictuelle de la commune de Nogent-sur-Seine ;

5°) à titre très subsidiaire, de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser la somme de 6 472 989 euros correspondant au montant des sommes versées par la commune de Nogent-sur-Seine à la société Nogent musée SAS à titre d'indemnités de résiliation, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2016, qui porteront eux-mêmes intérêts à compter du 7 décembre 2017 ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Seine le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

sur les conclusions principales en paiement de l'indemnité irrévocable pour un montant de 11 0305 544,98 euros au titre de la cession de créances Dailly :

- la commune de Nogent-sur-Seine a manqué à ses obligations légales telles qu'elles résultent de l'article L.313-29-1 du code monétaire et financier ;

- la commune, en signant le procès-verbal de mise à disposition du 5 janvier 2015, nonobstant la " réserve " émise, a souhaité déclencher l'ensemble des mécanismes de financement prévus par le contrat de partenariat et notamment, au bénéfice de la liberté conférée par l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier, accepter la cession des créances Dailly, à savoir le loyer irrévocable et/ou l'indemnité irrévocable ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les dispositions de l'article

L.313-29-1 du code monétaire et financier ne faisaient pas obstacle à ce que le procès-verbal de mise à disposition du 2 janvier 2015, même émis avec " réserves ", puisse être regardé comme valant " constatation de la conformité des ouvrages " au sens de cet article, dès lors que les parties ont clairement eu l'intention de lui conférer un tel effet et de déclencher ainsi l'ensemble des mécanismes de financement prévus par le contrat de partenariat ;

- le tribunal administratif a mal apprécié la portée des dispositions de l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier et a dénaturé l'intention des parties quant à la " constatation de la conformité des investissements " et à l'acceptation des créances Dailly : si les parties ont précisé dans le contrat de partenariat les conditions dans lesquelles la conformité de l'ouvrage devait être appréciée alors ces précisions s'imposent à la personne publique aux fins de l'acceptation de la cession de créances :

. cette intention des parties ressort des stipulations mêmes de l'avenant n° 2 au contrat de partenariat ; son article 7 prévoit que pour les besoins des dispositions du sous article III.1.1 " mécanisme de paiement " du contrat de partenariat, la date effective de mise à disposition des " bâtiments ", c'est-à-dire le musée, s'entendait au plus tard le 2 janvier 2015 ;

. la commune lui a versé à partir du 2 janvier 2015 la somme de 1 236 160,51 euros TTC au titre les loyers irrévocables ; ce faisant, la commune a entendu constater la conformité des investissements aux prescriptions du contrat au sens de l'article L.313-29-1 du code monétaire et financier et par suite accepter la cession de créances Dailly ;

. la délibération du 27 octobre 2014 du conseil municipal de la commune démontre également la volonté de celle-ci d'accepter la cession de créances dès le 2 janvier 2015 ;

. les parties ont voulu faire de la mise à disposition du bâtiment l'élément déclencheur de l'acceptation de la cession de créances Dailly ;

. cela vaut donc également pour l'indemnité irrévocable car loyers et indemnités irrévocables sont les deux composantes indissociables du même engagement pris par la commune à l'égard du crédit bailleur ;

- à la résiliation du contrat de partenariat, la commune était donc tenue de se libérer de ses engagements en lui payant l'intégralité de l'indemnité irrévocable, soit la somme de 11 305 544, 98 euros ;

sur les conclusions à titre subsidiaire en paiement de la somme de 11 305 544,98 euros sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Nogent-sur-Seine :

- les parties à un contrat dont le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité, peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de leur responsabilité quasi-contractuelle ou quasi-délictuelle ;

- l'absence ou la nullité d'un acte d'acceptation d'une cession de créances, lorsqu'il résulte d'une faute de la collectivité, peut engager sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis du bénéficiaire de la cession ;

- la commune, par son comportement, l'a induit en erreur sur la réalité de l'acceptation de la cession de créances ;

sur les conclusions à titre très subsidiaire, en paiement de l'indemnité de résiliation d'un montant de 6 472 989 euros au titre de la cession de créances Dailly :

- la commune a méconnu les dispositions de l'article L.313-28 du code monétaire et financier : conformément à cet article, la commune est débitrice des sommes qu'elle a cru pouvoir verser à titre d'indemnité de résiliation directement à la société Nogent musée SAS, en méconnaissance de l'effet attaché à la notification de la cession de créances Dailly au comptable public ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a distingué l'indemnité irrévocable, dont le bénéfice lui a été cédé, de l'indemnité de résiliation versée par la commune prévue au titre VI du contrat de partenariat et visant l'hypothèse d'une résiliation avant mise à disposition des ouvrages :

. dans l'esprit des parties, l'indemnité dite " irrévocable " doit s'entendre de toute indemnité ;

. il ressort du sous-titre III 2 du contrat de partenariat que, dans l'intention des parties, l'indemnité irrévocable avait vocation à se substituer intégralement aux loyers irrévocables en cas de fin anticipée du contrat ; il y a un lien indissociable entre ces deux types de créances cédées comme cela ressort notamment du second acte de cession de créances du 13 avril 2015 ;

. la commune a elle-même confondu les deux notions car pour calculer l'indemnité de résiliation due à la société Nogent musée SAS, elle a retranché une partie des loyers R1i déjà réglés; or une telle soustraction n'était pas prévue par l'article VI.1.2.3 du contrat de partenariat ;

- elle est donc fondée à solliciter la somme de 6 472 898 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 août 2019 et le 21 novembre 2022, la commune de Nogent-sur-Seine, représentée par Me De Fenoyl, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la société BATIMAP SA ;

2°) à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société BATIMAP SA en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les moyens de la requête sont inopérants ; la requérante n'étant pas partie au contrat, elle ne peut se prévaloir de ce que la commune de Nogent-sur-Seine aurait méconnu les stipulations du contrat de partenariat et son avenant n° 2, pour obtenir la condamnation de la commune lui payer les sommes réclamées ;

- à titre subsidiaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de la requérante ;

s'agissant des conclusions tendant à la condamnation de la commune au paiement de la somme de 11 305 544, 98 euros :

- les juges de première instance n'ont commis aucune erreur de droit quant à la portée des dispositions de l'article L.313-29-1 du code monétaire et financier ;

- ils n'ont également pas dénaturé l'intention des parties quant à la " constatation de la conformité des investissements " et à l'acceptation des cessions de créances Dailly :

. à aucun moment la commune n'a eu l'intention, à travers le procès-verbal de mise à disposition du 2 janvier 2015, de déclencher l'ensemble des mécanismes de financement prévus par le contrat de partenariat et notamment accepter la cession des créances Dailly :

. l'acceptation ne devient définitive qu'une fois opérée la constatation que les ouvrages sont conformes aux stipulations du contrat de partenariat, indépendamment du fait que la signature de l'acte d'acceptation serait intervenue préalablement et ce, conformément à l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier ;

. la formulation des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 313-29-1 en des termes généraux impose que l'intégralité des biens doit être conforme aux prescriptions de contrat pour que l'acceptation puisse rendre irrévocable l'obligation de payer la créance cédée ;

. l'avenant n° 2 du contrat de partenariat prévoyait expressément que seule la seconde mise à disposition, prévue le 15 mai 2015 mais qui n'a jamais pu intervenir, sera suivie de la procédure de prise de possession et de la formalisation de l'acte d'acceptation en application du contrat de partenariat ;

. les dispositions du sous-titre III.2 du contrat de partenariat et de l'annexe 3 de l'avenant n° 2 prévoyaient très clairement que l'acceptation ne produirait ses effets qu'à compter de la mise à disposition de l'intégralité des biens faisant l'objet du contrat de partenariat :

. l'article 7 de l'avenant n° 2 précise que la date effective de mise à disposition s'entendait de la date de mise à disposition des bâtiments, soit au plus tard le 2 janvier 2015, " seulement " pour les besoins de l'article III.1.1 " mécanismes de paiement " et donc pour aucune autre stipulation du contrat, y compris pour l'application du sous-titre III.2 cession de créance, qui fonde la demande de la requérante ; il n'est aucunement prévu par cet article 7, ni par aucune autre stipulation de l'avenant que cette mise à disposition partielle ayant fait l'objet du procès-verbal du 2 janvier 2015 aurait d'autres effets et notamment de rendre effective l'acceptation de la cession de créances ;

. l'article II.2.3 du contrat de partenariat prévoit bien que l'acceptation ne pourra intervenir qu'après la mise à disposition de l'intégralité des biens ;

- la mise à disposition des biens faisant l'objet du contrat de partenariat, prévue à la date du 15 mai 2015, n'est jamais intervenue et la prise de possession n'a donc pas pu être prononcée de sorte que les actes d'acceptation ne sont donc pas entrés en vigueur en application de l'article II.2.3.2 du contrat ; le procès-verbal du 5 janvier 2015 n'a aucunement pour effet la mise à disposition "complète " ; les stipulations du sous-titre III.2 sur lesquelles se fonde la société BATIMAP SA ne sont donc pas applicables ;

- la circonstance qu'elle a commencé à verser les premiers loyers R1i n'est pas de nature à établir que la commune intention des parties aurait été de faire accepter la cession des créances du seul fait de la signature du procès-verbal du 2 janvier 2015 ; il y a lieu de distinguer le mécanisme de versement des loyers de celui de la prise d'effet de l'acceptation de la cession de créances ;

- comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, la conformité des investissements réalisés par rapport aux prescriptions du contrat n'a pas pu être constatée lors de la mise à disposition partielle du 2 janvier 2015, dès lors qu'elle a été donnée sous réserve ;

- en tout état de cause, le partenaire n'a jamais procédé à la réception des biens réalisés auprès des constructeurs auxquels il a confié la réalisation des travaux, ce dont il résulte clairement qu'aucune mise à disposition n'a pu intervenir dans le cadre de l'exécution du contrat de partenariat ; aucune réception n'est jamais intervenue comme cela ressort également du courrier de l'architecte du 7 avril 2017 et du courrier de la société Nogent musée SAS du 6 décembre 2016 ;

s'agissant des conclusions tendant à la condamnation de la commune au paiement de l'indemnité de résiliation d'un montant de 6 472 989 euros :

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que les deux actes de cession de créances des 31 octobre 2014 et 13 avril 2015, notifiés au comptable public par la société BATIMAP SA, correspondent aux loyers décrits par l'article III.1.1.1 et sous-titre III.2 et à l'indemnité irrévocable prévue au sous-titre III.2 du contrat de partenariat ; que les dispositions prévoyant le principe et déterminant le montant des éventuelles indemnités de résiliation qui seraient dues par la commune sont prévues au titre VI du contrat de partenariat et par suite, que les cessions de créances ne portent pas sur l'indemnité de résiliation litigieuse ;

- en vertu du sous-titre III.2 du contrat de partenariat, le paiement de l'indemnité irrévocable au cessionnaire est subordonné à l'entrée en vigueur de l'acceptation de l'acte de cession de créances, qui n'a jamais eu lieu, conformément aux dispositions des articles L.313-29 et

L.313-29-1 du code monétaire et financier ;

- c'est à tort que la requérante fait valoir que l'indemnité irrévocable devrait s'entendre de toute indemnité dont celle de résiliation ; les stipulations du contrat font clairement la distinction entre les deux ;

- les modalités de paiement de l'indemnité de résiliation du contrat de partenariat pour faute excluaient que celle-ci soit versée à la société BATIMAP SA par la commune ; les stipulations de l'article VI.1.2.3 du contrat concernant les modalités de résiliation du contrat de partenariat pour faute avant la mise à disposition prévoyaient expressément que l'indemnité de résiliation serait versée directement au partenaire ;

- les actes de cession de créances ne mentionnaient aucunement l'indemnité de résiliation du contrat pour faute parmi les créances cédées ;

- la circonstance que la commune, pour calculer l'indemnité de résiliation due à la société Nogent musée SAS, a retranché une partie des loyers R1i déjà réglés à BATIMAP SA ne permet aucunement de déduire que cette indemnité de résiliation aurait un caractère irrévocable ; la condition subordonnant le versement soit de l'indemnité irrévocable, soit du loyer irrévocable n'étant pas satisfaite, toute indemnité versée à la société Nogent musée SAS ne revêtait donc en aucun cas un caractère " irrévocable ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, rapporteure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Begue représentant la société BATIMAP SA et Me Kessler, représentant la commune de Nogent-sur-Seine.

Une note en délibéré, présentée par la société BATIMAP SA, a été enregistrée le 13 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 mars 2012 la commune de Nogent-sur-Seine et la société Nogent musée ont conclu un contrat de partenariat pour le transfert, la restructuration et l'agrandissement du musée

Dubois-Boucher. En application de ce contrat, valant occupation du domaine public, la société Nogent Musée s'engageait d'une part, à concevoir, financer, construire/reconstruire (sur deux ans) le musée et d'autre part, à l'exploiter et à en assurer la maintenance et l'entretien (25 ans). En contrepartie, la commune s'engageait à mettre à disposition le musée existant et à financer l'investissement, le coût du financement et du fonctionnement à compter de la mise à disposition du musée après travaux sous forme de loyers. Ce contrat prévoyait une possible cession de créances au bénéfice d'un ou plusieurs établissements de crédit. Le financement de l'opération a donné lieu à l'établissement d'un contrat de crédit-bail conclu le 15 juin 2012 entre la société Nogent musée et la société BATIMAP. Une convention tripartite du même jour conclue entre les deux sociétés précitées et la commune de Nogent-sur-Seine avait notamment pour objet de prévoir les conséquences de la rupture anticipée du contrat de partenariat. Par actes des 31 octobre 2014 et du 13 avril 2015, la société Nogent musée a cédé à la société BATIMAP les créances qu'elle détenait sur la commune de Nogent-sur-Seine. Cette cession a été notifiée au comptable public et la commune de Nogent-sur-Seine a signé deux actes d'acceptation les 27 novembre 2014 et 23 avril 2015. Par un courrier du 29 novembre 2016, la commune de Nogent-sur-Seine a résilié le contrat de partenariat avec prise d'effet au 7 décembre 2016 et a procédé au règlement à la société Nogent musée de l'indemnité de résiliation. Par un courrier en date du 24 mars 2017, elle a rejeté la demande que lui présentait la société BATIMAP tendant au paiement des créances cédées par la société Nogent musée. La société BATIMAP a alors demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser, à titre principal, la somme de 11 305 544, 98 euros correspondant à l'indemnité irrévocable et à titre subsidiaire, la somme de 6 472 989 euros correspondant à l'indemnité de résiliation. La société BATIMAP relève appel du jugement n° 1701462 du 5 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commune de Nogent-sur-Seine du 22 mai 2017, notifiée le 24 mai 2017, portant rejet de la demande préalable formulée par la société BATIMAP SA :

2. La décision du 22 mai 2017 de la commune de Nogent-sur-Seine portant rejet de la demande préalable de la société BATIMAP n'a en plein contentieux que pour objet de lier le contentieux et ne peut faire l'objet d'une contestation de ses vices propres.

Sur les conclusions tendant à obtenir le paiement de l'indemnité irrévocable et de l'indemnité de résiliation, sur le fondement de la cession de créances :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, alors applicable : " Tout crédit qu'un établissement de crédit ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle ". Aux termes de l'article L. 313-29 du même code : " Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement : cet engagement est constaté, à peine de nullité, par un écrit intitulé : " Acte d'acceptation de la cession ou du nantissement d'une créance professionnelle / Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit ou à la société de financement les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit ou la société de financement, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-29-1 du même code : " Lorsque tout ou partie de la rémunération due en vertu d'un contrat de partenariat (...) est cédé en application des articles L.313-23 à L. 313-29 du présent code, le contrat peut prévoir que cette cession fait l'objet de l'acceptation prévue à l'article L. 313-29, dans la limite prévue à l'article L. 313-29-2. / L'acceptation prévue à l'article L. 313-29 est subordonnée à la constatation par la personne publique contractante que les investissements ont été réalisés conformément aux prescriptions du contrat. A compter de cette constatation, et à moins que le cessionnaire, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur public, aucune compensation ni aucune exception fondée sur les rapports personnels du débiteur avec le titulaire du contrat de partenariat ou du contrat mentionné au premier alinéa de l'article L. 6148-5 du code de la santé publique, telles que l'annulation, la résolution ou la résiliation du contrat, ne peut être opposée au cessionnaire, excepté la prescription quadriennale relevant de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au litige : " Un contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives : (...) d bis) Aux conditions dans lesquelles, en application de l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier, la personne publique constate que les investissements ont été réalisés conformément aux prescriptions du contrat ; (...) ".

5. En l'espèce, il résulte du sous-titre III.2 " cession de créance " du contrat de partenariat signé le 8 mars 2012 que la société Nogent musée peut céder les créances relatives aux coûts d'investissement et de financement qu'elle détient sur la commune de Nogent-sur-Seine à un ou plusieurs établissements de crédit, la commune s'engageant alors à signer, en application des articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du code monétaire et financier, un acte d'acceptation. Il est également stipulé qu'" A compter de la date de mise à disposition des ouvrages et des équipements, la créance cédée faisant l'objet de l'acceptation est définitivement acquise aux cessionnaire

(L. 313-29-1 al.2 du code monétaire et financier). La commune se libère alors à hauteur du montant de la créance cédée et acceptée, le loyer R1i, directement entre les mains de l'établissement de crédit cessionnaire (...). Dans l'hypothèse de fin anticipée du contrat, quelle qu'en soit la cause, l'acte d'acceptation de cession de créances professionnelles étant entré en vigueur, les droits des cessionnaires de la créance cédée ne sont pas affectés, (...) ". Il résulte de ces stipulations et donc de la commune intention des parties que la cession de créances est définitivement acquise au sens et pour l'application de l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier entraînant la libération des créances aux mains du cessionnaire qu'à compter de la date de mise à disposition des ouvrages et des équipements. La fin anticipée du contrat n'affecte pas les droits du cessionnaire à condition toutefois que l'acte d'acceptation de la cession de créances soit entré en vigueur.

6. L'article 1.1.1.4.1 du contrat de partenariat définit la mise à disposition effective comme désignant " la mise à disposition de l'ouvrage après son achèvement et donnant lieu à un

procès-verbal de mise à disposition " et la date effective de mise à disposition comme " la date à laquelle a effectivement lieu la mise à disposition de l'ouvrage au bénéfice de la commune de Nogent-sur-Seine ". N'était initialement prévue qu'une mise à disposition globale des ouvrages et équipements. Par un avenant n°2 au contrat de partenariat, signé le 27 novembre 2014, en dérogation à l'article II.2.2.1 relatif à l'achèvement des travaux, il a été convenu entre les parties que la mise à disposition se fera en deux phases : dans un premier temps sur les seuls bâtiments et dans un second temps sur les éléments muséographiques, la mise en service des installations techniques et sur l'achèvement de la maison Claudel. La mise à disposition des seuls bâtiments devait intervenir le 2 janvier 2015. L'article 7 de cet avenant stipule que : " Pour les besoins des dispositions de l'article III.1.1 Mécanismes de paiement, et seulement pour cet article, il est convenu entre les parties que la date effective de mise à disposition, s'entend de la date de la mise à disposition des bâtiments, soit au plus tard le 2 janvier 2015 ". Il en résulte que cet avenant n'a pas modifié le sous-titre III.2 du contrat de partenariat qui subordonne l'acceptation de la cession de créances à la mise à disposition des ouvrages et des équipements. Ainsi, la signature le 2 janvier 2015 du " procès-verbal de mise à disposition des ouvrages " n'a pas eu pour effet de rendre l'acceptation de la créance définitivement acquise au sens des stipulations du contrat de partenariat qui renvoient à L. 313-29-1 du code monétaire et financier. La seule circonstance que la commune de Nogent-sur-Seine a versé à la société BATIMAP à partir du 2 janvier 2015 la somme de 1 236 160,51 euros TTC au titre les loyers irrévocables ne saurait valoir dérogation aux conditions de l'acceptation de la cession de créances prévues contractuellement. La société requérante ne peut par suite utilement invoquer le bénéfice de sa cession de créances pour obtenir le paiement de l'indemnité irrévocable et, en tout état de cause, de l'indemnité de résiliation

7. Il résulte de ce qui précède que la Société BATIMAP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande sur ces deux points.

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Nogent-sur-Seine au paiement de la somme de 11 305 544,98 euros sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle :

8. Les parties à un contrat dont le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité, peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de leur responsabilité quasi-contractuelle ou quasi-délictuelle.

9. La requérante fait valoir que l'absence ou la nullité des actes d'acceptation des cessions de créances, lorsqu'il résulte d'une faute de la collectivité, peut engager la responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis du bénéficiaire de la cession. Toutefois, comme il a été dit ci-avant l'obstacle à ce que l'acceptation des cessions de créances soit devenue définitivement acquise au sens des dispositions de l'article L. 313-29-1 du code monétaire et financier résulte des stipulations contractuelles. Il n'est pas établi que ces stipulations seraient entachées de nullité et ne sont affectées d'aucune cause de nullité que le juge devrait relever d'office. Le caractère non définitivement acquis des cessions de créances ne résulte pas plus de fautes, au demeurant non établies, qu'aurait commises la commune par les termes de sa délibération du 27 octobre 2014, de l'article 7 de l'avenant n° 2, de la modification par cet avenant du modèle financier et du calendrier général de l'opération initialement prévu ainsi que du versement des loyers. Par suite, la requérante n'est pas fondée à solliciter pour la première fois en appel une indemnisation sur le fondement quasi délictuel.

10.Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société BATIMAP doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune de Nogent-sur-Seine qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à son encontre par la société BATIMAP.

12. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société BATIMAP la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Nogent-sur-Seine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société BATIMAP SA est rejetée.

Article 2 : La société BATIMAP SA versera à la commune de Nogent-sur-Seine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société BATIMAP SA et à la commune de

Nogent-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au préfet de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 19NC01359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01359
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DELOITTE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-22;19nc01359 ?
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