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08/12/2022 | FRANCE | N°22NC01688

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 22NC01688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à i

ntervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de l'admettre provisoirement au séjour dans les quinze jours suivant la notification du jugement et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2201830 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC01688 le 30 juin 2022, Mme A... B..., représentée par Me Airiau, demande au tribunal :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de l'admettre provisoirement au séjour dans les quinze jours suivant la notification du jugement et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de répondre au moyen soulevé devant lui, tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en rejetant la demande de titre de séjour au motif de la rupture de la communauté de vie par décès du conjoint alors qu'aucune stipulation de l'accord franco-marocain ne prévoit la possibilité de refuser la délivrance d'un titre de séjour au titre du regroupement familial pour ce motif ;

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en fondant cette décision sur l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que le regroupement familial des ressortissants marocains est entièrement régi par les l'accord franco-marocain ;

- le préfet a commis une erreur de droit en rejetant la demande de titre de séjour au motif de la rupture de la communauté de vie par décès du conjoint alors qu'aucune stipulation de l'accord franco-marocain ne prévoit la possibilité de refuser la délivrance d'un titre de séjour au titre du regroupement familial pour ce motif ;

- dès lors qu'à la date de sa demande de titre de séjour, elle remplissait l'ensemble des conditions pour obtenir ce titre, le préfet ne pouvait pas lui opposer de refus ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, sur laquelle elle est fondée ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, sur lesquelles elle est fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi publié par le décret n° 94-203 du 4 mars 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine, a épousé, le 19 septembre 2019 au Maroc, un compatriote, titulaire en France d'une carte de résident valable du 16 août 2011 au 15 août 2021. Elle est entrée en France le 17 mars 2021 sous couvert d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial, valable du 3 mars au 1er juin 2021. Le 8 juin 2021, elle a sollicité du préfet de la Moselle la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 16 février 2022, le préfet de la Moselle, se fondant sur le décès du mari de Mme A... B..., survenu le 11 juillet 2021, a refusé de faire droit à cette demande de titre de séjour, a obligée l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... B... relève appel du jugement du 25 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En son point 5, le jugement attaqué énonce qu'il résulte de la combinaison des stipulations des articles 5 et 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et des dispositions des articles L. 423-14 et L. 423-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités au point 3 de ce même jugement, que l'administration peut légalement refuser au ressortissant marocain entré en France au titre du regroupement familial la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif d'une rupture de la vie commune entre les époux intervenant entre l'admission sur le territoire de ce ressortissant marocain et la date à laquelle l'administration statue sur sa demande de titre de séjour, y compris lorsque cette rupture résulte du décès, au cours de cette période, du conjoint rejoint en France au titre du regroupement familial. Ce faisant, le tribunal a écarté, comme manquant en droit, le moyen de Mme A... B... tiré de ce qu'aucune stipulation de l'accord franco-marocain n'autorisait le préfet à refuser la délivrance d'un titre de séjour au titre du regroupement familial au motif du décès du conjoint rejoint en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché d'irrégularité son jugement en omettant de répondre à ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 février 2022 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Quelle que soit la date à laquelle ils ont été admis au titre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat, le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des autorisations de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III, entré en France régulièrement et dont le conjoint est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ".

4. En premier lieu, sauf disposition ou stipulation contraire, l'autorité saisie d'une demande de titre de séjour se prononce au regard de la situation de droit et de fait dans laquelle le ressortissant étranger concerné se trouve à la date à laquelle elle statue sur sa demande, et non à la date du dépôt de celle-ci. En outre, ni la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial, ni l'entrée en France à ce titre de l'étranger concerné ne confèrent à ce dernier un droit à la délivrance d'un titre de séjour. En cas de décès de l'étranger ayant formé une demande de regroupement familial au bénéfice de son conjoint entre la date de demande de titre de séjour formée par ce conjoint et la date à laquelle l'autorité administrative se prononce sur cette demande, l'auteur de ladite demande perd la qualité de conjoint d'une personne titulaire d'un titre de séjour au sens et pour l'application de l'article 5, cité ci-dessus, de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Dès lors, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit en refusant à Mme A... B... le bénéfice de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif que son époux, titulaire d'une carte de résident, était décédé le 11 juillet 2021, postérieurement à sa demande de titre de séjour.

5. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... est entrée en France au titre du regroupement familial en 2021, alors âgée de 51 ans, où elle a rejoint son mari, qu'elle avait épousé le 19 septembre 2019. Ce dernier est décédé quatre mois seulement après l'arrivée de Mme A... B... en France. Si celle-ci se prévaut de la présence des enfants et petits-enfants de son défunt mari ainsi que d'un soutien financier apporté par la fille de celui-ci, elle n'établit pas l'ancienneté de ses liens, en particulier à la date de l'arrêté contesté, ni être dépourvue d'autres attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice, par le préfet, de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, Mme A... B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'obligation faite à la requérante de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Mme A... B... n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... B....

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Wallerich, président de chambre,

M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC01688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01688
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-08;22nc01688 ?
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